A la cantine de la grande poste, sise à la rue Chitour Amar, les rituels de la solidarité sont observés depuis près de deux décennies. L'opération a pris les dimensions d'un rendez-vous sacré et très attendu par les sans-abri et autres démunis. Le nombre de ces derniers ne cessera d'augmenter. Les licenciements et les dures conditions socio-économiques y sont pour beaucoup. « Nombreux sont d'ailleurs les gens qu'on reçoit pour la première fois cette année dans la seule cantine de la grande poste », nous dira Azzouz Benamer, membre du Croissant-Rouge et ancien routier de l'opération. Ailleurs, ils sont beaucoup plus nombreux, notamment dans le quartier d'El Gammas où un centre a été ouvert pour servir des repas à emporter. Des citoyens viennent chaque année rejoindre les rangs des nécessiteux. Des familles entières venues de Tébessa, Skikda et même Alger ont choisi de se regrouper autour de meïdat Ramadhan organisée par le Croissant-Rouge algérien. Difficile de les faire parler. C'est comme si on faisait remuer encore le couteau dans la plaie. Les visages fatigués et chargés par les vicissitudes de la vie trahissent un état d'âme indescriptible. L'ouverture de nouvelles cantines s'est imposée pour le comité de wilaya du Croissant-Rouge. En cinq années, leur nombre a presque doublé surtout après la construction des deux nouvelles villes « ghettos » de Ali Mendjeli et Massinissa. Le nombre des repas servis cette année sera de 4 500 par jour, soit mille de plus que l'année écoulée. L'afflux des gens vers les cantines à Constantine, El Khroub, Aïn S'mara, Hamma Bouziane et El Gammas a montré que la solidarité durant le mois de Ramadhan ne peut être l'affaire du seul Croissant-Rouge. Des associations de bienfaisance se mettront de la partie. On citera l'association Souboul El Kheirat de la mosquée Emir Abdelkader qui marque sa présence auprès des nécessiteux mais aussi dans les gares routières et l'aéroport Mohamed Boudiaf où des passagers sont rattrapés par l'adhan du maghreb. L'autre association caritative El Irshad Ouel Islah, qui active depuis plusieurs années, a trouvé une formule plus pratique. « Nous avons recensé près de deux cents familles nécessiteuses et nous avons mené notre propre enquête sociale, ceci nous permettra d'éviter toute déviation de l'action caritative et l'utilisation à bon escient de l'argent des donateurs », nous dira un des organisateurs de l'opération menée à travers les communes de la wilaya où l'association semble être bien implantée. Ainsi, 1000 repas sont distribués chaque jour dans un cadre organisé. Certains restaurateurs privés ne manqueront pas à l'appel du cœur, loin du tapage médiatique et peuvent même assurer près de 200 repas par jour. Ils s'engagent chaque année dans une entreprise qui mérite tous les hommages. A la gare routière ouest ou au centre-ville, des bénévoles sacrifient leur seul mois de congé pour une cause humanitaire. Une manière de renouer avec les vieilles traditions de solidarité qui demeurent, malheureusement, une denrée rare.