Plus de deux hectares de superficie pour le marché, 13 milliards de centimes comme rente annuelle pour la commune, représentant 80% des fonds, un marché réputé - à l'échelle régionale au moins - et dont l'entretien nécessite, selon une source officielle de la commune, plus d'un milliard de centimes. Le marché de Rovigo, appellation encore prônée par quelques mandataires, dispose de plus de 1500 « enclos » de vente mais seulement 350 carreaux, dont 167 couverts sont officiels et permet l'emploi à plus de 4000 personnes dont quelques dizaines seulement sont déclarées. Petites remorques à la manière des pousse-pousse chinois et tricycles motorisés se partagent les rares espaces libres pour charger la marchandise de la clientèle. Cette dernière dispose d'une entrée à part, d'un parking à l'extérieur pour lequel elle a déjà payé un droit d'entrée puis payera le gardiennage et le transporteur. Le fellah, le commerçant ambulant et le mandataire, taxés de la même manière ont également leur propre entrée et payent 600 DA pour la camionnette, 1200 DA pour le camion et 2400 DA pour le gros tonnage. Il faut débourser 50 DA pièce pour la bascule et la table de cigarettes à l'entrée, pendant que la charrette est taxée à 150 DA. Nombre de carreaux sont fermés faute de clientèle. « Les commerçants préfèrent acheter à même le véhicule qui n'a pas besoin de faire descendre sa marchandise et il arrive que celui-ci fasse deux rotations au marché », estime un locataire de carreau qui reçoit peu de marchandises. Les producteurs doivent vendre durant deux journées seulement que leur réserve l'administration, mais ils sont là tous les jours et nous incitent à la fermeture, chose qu'attendent les responsables pour en faire bénéficier leurs relations », ajoute-t-il. A la question de savoir pourquoi tenir à ce carreau qui ne rapporte pas, le grossiste répond : « La plupart d'entre nous possèdent cet espace depuis deux générations et ce commerce nous est présent dans les veines ». Quelques-uns regardent le manège juste en face de leurs carreaux d'un air envieux et s'en prennent à l'Etat qui laisse faire. « Le sous-développement d'une nation est dans cette absence de contrôle, dans ce laisser-faire qui finit par tout corrompre », relève Bachir, mandataire de père en fils. Il montre une convocation de la direction du commerce de la wilaya de Blida. « On m'exige le registre de commerce, les factures et l'affichage des prix tout en déclarant eux-mêmes qu'ils ne peuvent pas interdire aux autres de vendre la même marchandise sans autorisation et sans statut », se plaint-il. Les carreaux ne sont pas électrifiés et le voisinage immédiat du marché « loue » du courant électrique ; un carreau clôturé revient à 3500 DA/mois alors qu'un carreau semi-fermé doit payer une mensualité de 2500 DA pendant que le marchand ambulant ne paie aucun loyer. Devant la porte, tous ceux qui font entrer de la marchandise sont traités de la même manière et gare au chantage ou aux menaces : « On nous fait sortir comme une épée de Damoclès le fait qu'on devrait payer pour chaque caisse qui rentre et que le paiement global nous est avantageux », dit un locataire. Rythme effréné 4h20 du matin, les dernières cigarettes, gorgées de café ou de thé sont appréciées et les véhicules s'éclairent les uns les autres pour étaler la marchandise aux yeux des clients qui ont déjà commencé leurs emplettes. Chute des prix de la pomme de terre, des tomates et des courgettes ; stabilisation du prix de la laitue et de l'oignon. Des caisses sont chargées sur les charrettes ou sont entreposées devant un gros véhicule ; il est difficile de se frayer un passage entre cette multitude de quatre roues venues des wilayas voisines. « Je me fais délivrer la récolte de terres privées à Aïn Defla et je vends ici selon la loi de l'offre et de la demande et je n'ai aucun problème à part devant quelques barrages de la gendarmerie », reconnaît un jeune venu avec une charge de carottes et deux petits frères exclus du système scolaire. Rythme éreintant avec des horaires de travail à l'inverse de la norme puisque travaillant durant toute la nuit. Un mandataire explique que toutes les autorités sont de connivence « sinon comment expliquer cette arrivée massive - par centaines - et quotidienne de petits et moyens tonnages alors que nous subissons la loi d'un Etat de droit avec le paiement de la Casnos, des impôts, des charges multiples de loyer et d'électricité sans aucun bénéfice en retour ». Nous constatons sur place l'absence de l'eau courante et de toilettes. Des meutes de chiens errent comme bon leur semble. Le marché ouvre à 1h alors qu'il est mentionné clairement un horaire strict de 4h à 18h. Cela amène à évoquer le cas des incendies déclarés à l'intérieur de l'enceinte en 2005 et qui ont causé des dégâts considérables à plusieurs carreaux sans que les propriétaires ne soient indemnisés. L'un d'eux montrera les papiers et l'état du carreau avec des charpentes tordues sous le fait du feu intense éclaté à la veille du 1er novembre 2005. « Il m'a été dit que je ne suis pas assuré et qu'alors, je n'ai pas droit à l'indemnisation ! Je suis en droit d'exiger des normes pour ce marché qui ne doit pas continuer à être ouvert après la supposée fermeture. L'incendie a éclaté durant les rondes des agents de sécurité et le contrat de location ne précise pas que nous devions assurer nos carreaux », estime une des victimes qui précise que l'affaire est pendante devant la Cour de Blida. Plus de 600 millions de centimes de dégâts pour cinq mandataires et les propositions d'arrangement à l'amiable ont reçu un niet catégorique. « C'est à la justice de trancher puisque nous possédons les factures pour les marchandises, les expertises pour les dégâts et savons qu'après l'horaire de fermeture, il ne devrait pas y avoir encore de commerce », tranche encore le vieux mandataire qui eut le plus de dégâts. 16 carreaux avaient brûlé en 2004, 4 l'ont été en 2003 et deux camions avaient brûlé en 2005. L'impuissance de l'administration Des cas répétitifs amènent des interrogations même sur l'absence d'un centre de première urgence à l'intérieur ou dans le voisinage. « On brise le marché légal et il faudrait imposer aux véhicules de déposer leurs marchandises dans les carreaux et non vendre le produit à même la benne », conseille un mandataire. Pommes, régimes de bananes et de dattes, olives demeurent les produits entreposés dans les carreaux pendant que tous les autres produits sont proposés en plein air avec une excellente qualité pour la variété de raisin dont les couleurs sont encore plus éclatantes à la lumière du jour. 7h30. Plusieurs véhicules de clients ont déjà commencé le ballet de sortie du marché pour s'égayer sur les routes en direction de villes et villages pour recevoir le consommateur devant des étals à même le sol ou rangés sur des tréteaux. Le directeur du commerce de la wilaya de Blida avoue l'impuissance de l'administration devant le phénomène du marché informel qui fait perdre de l'argent à l'Etat, concurrence les vrais commerçants et a confirmé l'absence de structures accueillant le nombre élevé de mandataires. « Les prix sont donnés par des commerçants non officiels qui représentent les 4/5es du nombre total », relève le représentant des commerçants pour la wilaya de Blida lors du forum de radio Mitidja sur l'organisation de l'activité commerciale. Pour M. Remane, directeur du commerce, le consommateur algérien multiplie par quatre ses besoins pour certains produits dès le début du Ramadhan d'où la pression sur la tomate, la courgette, la carotte, et le retour à la normale est amorcé dès la fin de la première semaine. Pour le marché de gros de Bougara, M. Remane est catégorique : « La responsabilité du marché de Bougara incombe au gestionnaire et à l'APC ». Il promet qu'avec l'aide des autorités de la wilaya, il va être mis fin à la situation de non-droit.