A la faveur d'une conférence organisée samedi dernier à la bibliothèque du palais de la Culture Moufdi Zakaria de Kouba, l'enseignante à la retraite, Djoher Amhis Ouksel, est revenue sur son dernier ouvrage intitulé Mimouni, l'écrivain témoin et conscience, sorti en novembre dernier aux éditions Casbah dans la collection «Empreintes», initiée par l'auteure elle-même. Djoher Amhis Ouksel rappelle que Rachid Mimouni - décédé le 12 février 1995 à Paris suite à une hépatite aiguë - est issu d'une famille de paysans. Son paternel a vite compris la valeur des études dans le contexte difficile de la colonisation. Mimouni a eu accès à de brillantes études supérieures. Ses nombreuses récompenses sont la preuve que sa notoriété a dépassé les frontières. «A cette époque, précise-t-elle, pour un fils de paysan, aller à l'école permettait d'avoir un statut social et se prémunir contre la misère. Ce fils de paysan, proche de la terre, manifeste un attachement viscéral à son pays. Ce thème traverse toute son œuvre.» L'œuvre de Rachid Mimouni est d'une grande richesse et densité à la fois. Son œuvre est intimement liée à la société et aux préoccupations de ses concitoyens. Toute son œuvre traverse une longue période de l'Algérie. «Son œuvre, argue-t-elle, montre l'évolution de l'Algérie post-indépendante. C'est un écrivain lucide. Il a pris conscience très tôt des dérives qui allaient engager le pays sur les voies les plus périlleuses. En tant qu'intellectuel, il soutenait qu'il devait être critique et dénoncer les carences d'une société et du pouvoir.» Rachid Mimouni est l'auteur de plusieurs romans, dont Un été à vivre ; Le printemps n'en sera que plus beau ; Le fleuve détourné ; Une paix à vivre ; Tombéza ; L'honneur de la tribu ; La ceinture de l'ogresse ; La malédiction et Chroniques de Tanger. Djoher Amhis Ouksel est revenue sur l'exil de Rachid Mimouni à Tanger, au Maroc. Il a été obligé de s'exiler, car il était menacé. Il n'a pas voulu s'exiler en Europe. Il a préféré se rendre à Tanger parce que, pour lui, le Maghreb incarnait une source d'inspiration. Il a également pris conscience du sens de la parole, du devoir de dire la vérité. Toujours selon Djoher Amhis Ouksel, la littérature de Mimouni a cette capacité d'introduire l'élément subjectif et de donner surtout une dimension humaine à ses productions littéraires. Elle ajoute que Rachid Mimouni est l'un de ceux qui ont vu venir le danger intégriste et aussi le danger d'une prise du pouvoir par le Fis. Il a d'ailleurs écrit, en 1991, De la barbarie en général et de l'intégrisme en particulier. Ce roman a été publié par un éditeur marocain. Ce dernier était persuadé que la menace intégriste interroge toute les sociétés arabo-musulmanes, c'est du moins ce qu'a soutenu Djoher Amhis. Les idées directrices qui structurent toute l'œuvre de Rachid Mimouni reposent sur l'amour du pays. L'écrivain remet en cause le pouvoir. Il dénonce les maux qui gangrènent le pays et les institutions. Il entre en guerre contre l'immobilisme. «Il dénonce cette forme de blocage qui empêche la société d'évoluer, et surtout une pensée archaïque au XXIe siècle, alors que toutes les sociétés évoluent et changent à des rythme divers. Nous, nous sommes restés dans une situation de blocage», explique-t-elle. La conférencière estime que Rachid Mimouni est un écrivain subversif. Sa voix est omniprésente dans toutes ses œuvres. Il crie sa rage. Il crie son incapacité à pouvoir infléchir le sens d'une histoire qui évolue à contre-courant. Il est conscient des dérives qui ont entraîné le pays vers un point de non-retour, mais il est conscient également que sa plume peut apporter un éclairage sur la réalité vécue dans la douleur. Tout un questionnement s'est imposé à lui. Il ne propose pas de solutions. Il joue, plutôt, son rôle d'éveilleur de consciences.En guise de conclusion, Djoher Amhis est convaincue que toutes les œuvres de Rachid Mimouni sont d'un apport précieux pour la connaissance de la réalité sociale et politique de l'Algérie.