Ankara et Berlin se sont entendus pour demander cette semaine l'aide de l'OTAN pour mieux lutter le long des côtes turques contre les passeurs et l'immigration illégale vers l'Europe. La Turquie qui a encouragé et alimenté — avec le gros des monarchies du Golfe — la guerre en Syrie subit maintenant de plein fouet les dommages collatéraux de ce conflit qui risque d'entraîner tout le Proche-Orient dans une crise durable. En plus d'être devenus l'une des principales cibles de l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique, les Turcs font actuellement face à un immense flot de réfugiés syriens. Chassés par la guerre, la famine et le terrorisme, ces derniers continuent de quitter leur pays par dizaines de milliers pour aller se réfugier dans les pays de la région. Actuellement, l'une de leurs principales destinations est la Turquie qui abrite déjà près de 3 millions de réfugiés syriens. En tout, près de 8 millions de Syriens ont été forcés par la guerre de quitter leur pays. Quelque 30 000 réfugiés syriens étaient massés hier à la frontière turque. «Environ 30 000 Syriens sont maintenant massés dans une zone proche de la frontière de la Turquie», a annoncé le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, devant la presse à l'issue d'un entretien, à Ankara, avec la chancelière allemande Angela Merkel. «Evidemment, comme toujours, nous allons subvenir aux besoins de nos frères syriens et les accepter quand ce sera nécessaire», a ajouté le chef turc. Il a toutefois clairement prévenu que son pays, qui abrite déjà 2,7 millions de Syriens, ne supporterait pas à lui seul «tout le fardeau» de l'accueil des réfugiés. «Personne ne doit penser que, comme la Turquie accepte les réfugiés et assume cette responsabilité, elle doit porter toute seule le fardeau», a-t-il souligné. Le message de Davutoglu Très clair, le message est adressé principalement aux Occidentaux qui portent aussi la responsabilité du chaos qui règne aux frontières de la Turquie… et donc de l'Europe. Une Europe qui demande aussi aujourd'hui à Ankara de la «sauver du péril syrien». A cette occasion, Mme Merkel, dont le pays a accueilli le plus de réfugiés en Europe, s'est dit «horrifiée» par «les souffrances humaines» des Syriens bloqués à la frontière syro-turque. La chancelière allemande s'était déplacée spécialement à Ankara pour rassurer son homologue turc que l'Union européenne n'avait pas l'intention de laisser tomber la Turquie, pour peu que cette dernière empêche les réfugiés de continuer leur route vers l'Europe. L'Union européenne n'en veut plus. Justement, sur le front de la crise des migrants, M. Davutoglu a indiqué que M. Davutoglu et Mme Merkel étaient tombés d'accord pour «mieux coopérer» contre les filières de passeurs et faciliter le travail de l'Agence européenne aux frontières Frontex. Ankara et Bruxelles ont, rappelle-t-on, signé fin novembre un «plan d'action» qui prévoit une aide européenne de 3 milliards d'euros aux autorités turques en échange… de leur engagement à mieux contrôler leurs frontières et à lutter contre les passeurs. Voilà donc qui semble être fait. Ankara et Berlin se sont également entendus pour demander, cette semaine, l'aide de l'OTAN pour mieux lutter le long des côtes turques contre les passeurs et l'immigration illégale vers l'Europe. «Nous allons utiliser la rencontre des ministres de la Défense de l'OTAN» demain et jeudi à Bruxelles «pour parler des possibilités et de la mesure dans laquelle l'OTAN peut aider en matière de surveillance en mer pour soutenir le travail de Frontex (l'agence européenne aux frontières) et des gardes-côtes turcs», a indiqué Angela Merkel. La chancelière n'a pas précisé quelles propositions allaient être formulées lors de cette réunion qui abordera aussi «la situation en Syrie d'une manière générale». L'Armée syrienne gagne du terrain Concernant, justement, l'évolution du conflit syrien, la situation doit certainement aussi provoquer des cauchemars à la Turquie qui tablait, en 2011, sur une chute rapide de Bachar Al Assad. Chaque jour qui passe, l'armée syrienne gagne du terrain au nord de Damas grâce à l'appui de l'aviation russe. A ce rythme, la Syrie pourra à nouveau bientôt contrôler une partie de sa frontière avec la Turquie. Rien qu'hier, les rebelles de la province d'Alep (nord) se sont retirés de trois localités menacées par les frappes russes, permettant aux forces kurdes des Unités de protection du peuple kurde (YPG) de s'en emparer, a rapporté hier l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les insurgés se retrouvent désormais pris en tenaille dans la partie nord de la province à la fois par les Kurdes, le régime mais aussi par Daech. De son côté, l'armée syrienne continuait à avancer vers la ville rebelle de Tall Rifaat, située à une vingtaine de kilomètres de la frontière turque. La bataille d'Alep pourrait représenter un tournant dans la guerre syrienne, car une perte totale de la deuxième ville du pays, divisée en deux depuis 2012, affaiblirait fortement les rebelles, en difficulté sur d'autres fronts.