Il est légitime de souscrire à toutes les politiques susceptibles de contribuer à redresser la courbe du chômage. L'université, en tant que vestibule de la main-d'œuvre qualifiée, s'aligne sur l'ensemble des stratégies promettant de l'emploi à ses diplômés. Le dernier procédé adopté en la matière est certainement le projet Coffee pour «Construction d'un office de formation à finalité d'employabilité élevée». Et ce n'est pas une lubie compte tenu de la rareté des perspectives et débouchés qui s'offrent aux diplômés de certaines filières. L'université Mentouri en sait quelque chose puisqu'elle est secouée par des mouvements de contestation en raison de diplômes inexistants dans la nomenclature de la Fonction publique. Présenté dimanche dernier au campus des 500 places pédagogiques de l'université Mentouri, le Coffee est perçu comme l'ultime moyen de vaincre le chômage des jeunes diplômés. Une planche de salut censée inverser la tendance et faciliter l'accès au monde du travail. Relevant du programme d'échange d'étudiants et d'enseignants entre les universités et les grandes écoles européennes, en l'occurrence Erasmus+, le projet Coffee, d'une durée de trois ans, regroupe 18 partenaires, dont le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) ; neuf universités algériennes ; deux partenaires socioéconomiques qui sont la Chambre algérienne de commerce et industrie (CACI) et l'Association pour le développement et la promotion de l'entreprise ADPE ; un centre de compétence, le Forem-environnement et cinq universités européennes. Il est coordonné par l'université de Montpellier (France). Lancé en octobre 2015 pour prendre fin en 2018, ce projet est soutenu par la Commission européenne et doté d'un budget de plus de 900 000 euros. Il ambitionne de répondre aux besoins du secteur socioéconomique algérien en cadres moyens rapidement opérationnels par le biais de la création de formations professionnalisantes de niveau bac+3. Une maquette pour la construction de 18 licences professionnalisantes aux fins de renforcer la relation université-entreprise sera élaborée. Des licences professionnelles en mécanique, sciences topographiques et énergies renouvelables ont été retenues par l'université Constantine1. Il est de notoriété publique que le système éducatif algérien forme peu de cadres moyens (bac+3), une catégorie pourtant très structurante pour l'économie. Pour y remédier, le projet Coffee se base, dans sa démarche, sur l'approche par les compétences et l'identification des partenaires socioéconomiques en relation avec les profils des métiers objets de ces formations. «Dans le système universitaire algérien, seulement 5% des formations se disent professionnalisantes. Reste à savoir si elles le sont réellement» s'est questionné Nadjib Kazi Aoual, responsable du projet Coffee. Et de le résumer comme suit : «Il s'agit de permettre aux universitaires et aux professionnels de se rencontrer pour construire ensemble des licences professionnalisantes.» Pour ce faire, il faut au préalable dresser un état des lieux relatif à la réalité de l'emploi et à la dimension qualitative des diplômes pour pouvoir se projeter dans cette nouvelle formule. Selon les statistiques, près de 16% des jeunes diplômés algériens se trouvent actuellement sans emploi. Cette réalité est connue de tous. Et même ceux qui ont eu la chance de décrocher un contrat l'ont fait dans le cadre exclusif du dispositif «emploi de jeunes». Une précarité doublée d'une utilisation à «mauvais escient» puisque la recrue n'est jamais placée dans son secteur de prédilection. Il existe des formations universitaires qui ne correspondent plus à la réalité du marché de l'emploi. Le constat a été dressé par des universitaires, notamment lors de la conférence sur la réforme du système LMD tenue les 12 et 13 janvier dernier. «Les connaissances théoriques peuvent être bonnes, mais ces jeunes, qui sont surdiplômés (bac+5 et bac+8), ne sont pas pour autant opérationnels. Pour un chef d'entreprise, il faut compter entre une et trois années avant de rentabiliser une embauche», dixit Nadjib Kazi Aoual. LA LANGUE… CE HANDICAP Chefs d'entreprise, chambres de commerce, acteurs économiques, universités et ministères des deux côtés de la Méditerranée se sont donc penchés, ensemble, sur le berceau de Coffee dont l'enjeu est d'innover en matière de cursus de formations répondant aux besoins concrets de la société algérienne. Reste l'adhésion des acteurs économiques invités à formuler leurs besoins en cadres moyens pour une meilleure employabilité des compétences. Lors de la présentation, dimanche dernier, du projet Coffee, les quelques opérateurs économiques présents dans la salle de conférence avaient visiblement ses exigences professionnelles. Du débat amorcé, il ressort que le secteur de l'entreprise fait face à des écueils particulièrement liés à la non-maîtrise des langues française et anglaise, l'inadaptation de certaines filières à la réalité économique et l'absence totale de certaines spécialités inhérentes notamment au secteur du BTP qui est pourtant le plus grand pourvoyeur d'emplois. A l'université Mentouri, près de 3000 étudiants ont bénéficié de stages de formation durant le cursus 2015, selon la vice-recteur, Nadia Ykhlef. Cela reste certainement insuffisant quant on apprend que «seulement 5% des étudiants en mastère dans les universités algériennes sont inscrits en doctorat et que 85% des titulaires de mastère ne sont pas formés à l'emploi». Pour le coordinateur du projet, il est temps de franchir le pas de «l'enseignement utile». C'est donc aux universités algériennes de s'emparer de ce programme et à elles aussi d'imaginer, avec leurs partenaires du monde socioéconomique, d'autres formations à venir. Car l'idée est aussi d'impulser un changement profond en suscitant chez les industriels et les universitaires l'habitude de travailler ensemble.