Depuis l'avènement du LMD, les licences «dévaluées» (bac+3) sont manifestement boudées par les étudiants. Outre la frénésie du «mastère pour tous», il semble que «tout le monde veut devenir docteur», ironisent les enseignants. Ainsi, des hordes d'universitaires sur-diplômés se succèdent sans pour autant aboutir sur des débouchés à la hauteur de leur grade ni même se faire recruter à des emplois plus modestes faute de compétences effectives correspondant aux besoins mais aussi aux exigences des employeurs. La foison d'offres de formation — plusieurs milliers de spécialités, un nombre désormais revus a la baisse — initiées ces dix dernières années se sont avérées contreproductives. Et pour cause, la notion d'employabilité semble avoir été d'emblée négligée en amont par l'approche par trop académique d'un enseignement théorique et souvent éloigné de réalités actuelles. Le constat est sans appel : d'une part, au-delà du mastère, des profils censés être «hautement qualifiés» ne correspondent pas aux besoins du «technologiquement modeste» tissu économique national, mais d'autre part, paradoxalement, le fort besoin en cadres moyens — qui font terriblement défaut selon certains experts — n'arrive pas à être comblé. Pourtant, il s'agit de cursus professionalisants courts, aboutissant à des carrière stables. Ainsi, le désintérêt des étudiants envers les licences professionnelles, une décennie après l'intégration du LMD, renseigne sur l'échec patent des universités dans la création d'offre de formation favorisant concrètement la notion d'employabilité. Cette forfaiture n'est que le résultat naturel de l'absence de passerelles tangibles à même d'impliquer le partenaire socioéconomique dans la définition et la construction de ces licences. Tout récemment, un nouveau programme de co-construction, avec le secteur économique, d'offres de licences professionnelles a été initié par le ministère de l'Enseignement supérieur, en coopération avec le programme Erasmus+ de l'Union européene. L'objectif du projet tend, selon son énoncé, à réhabiliter ce palier d'étude et réconcilier les étudiants avec ces cursus courts qui ne semblaient pas être leur tasse de thé : Coffee (Co-construction d'offres de formations à finalité d'employabilité élevée) est un projet dit structurel, qui vise, à travers la création de 18 licences-pilotes d'excellence, à «asseoir un modèle de référence pour l'ensemble des établissements du pays et d'élaborer, ce faisant, des plateformes collaboratives et des répertoires dynamiques de compétences et de métiers pour une meilleure visibilité des nouveaux diplômes», nous explique le professeur Abdelaziz Tairi, vice-recteur chargé de la coopération à l'université de Bomerdes. Le projet Coffee sera donc intégré dès la rentrée 2017-2018 à l'université de Boumerdès qui, avec celles de Tlemcen et Constantine, feront figure d'établissements-pilotes de ce programme et seront appelées à faire profiter d'autres établissements plus modestes de l'arrière-pays de leur expérience en matière de coopération internationale. En effet, le projet en question se présente sous la forme d'une association en consortium de neuf établissements algériens et sept européens, dont des instituts technologiques et autres structures de formation. Côté employeur, le secteur socioeconomique est représente par la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI) ainsi que l'Association pour le développement et la promotion de l'entreprise, en attendant l'adhésion d'autres entités publiques ou privées auxquels le projet reste ouvert, selon le Pr Tairi. A la lumière des recommandations émises lors de la récente évaluation du système LMD, ce projet-pilote intervient donc à point nommé pour tenter de concrétiser ce fameux rapprochement avec le secteur socioéconomique, soit-il par une entreprise expérimentale en premier lieu. Gageons que cette «employabilité» promise soit au rendez-vous afin d'atténuer un tant soit peu le taux de chômage des diplômés.