Tout un chacun l'aura remarqué de visu tant le béton grignote chaque année un peu plus des terres autrefois généreusement productrices de céréales et d'autres cultures. La boulimie de construire plus grand et plus vaste a gagné tous les pans de la société. Elle n'en finit pas d'empiéter sur de nouvelles terres connues pour leur fécondité. L'expansion de nos villes exige-t-elle de pareils sacrifices quand on sait que nombre de nos anciennes et vétustes cités ne nécessitent qu'une restauration pour recouvrer leur visage d'antan ? A titre d'exemple prenons les vieilles villes que sont Meskiana, Aïn Beida et Aïn M'Lila dont nombre de constructions menacent ruine. Selon nos sources beaucoup de ces vieilles bâtisses sont sources de conflit entre les héritiers qui préfèrent garder dans l'indivision le patrimoine paternel que de le céder. Il existe plusieurs constructions en ruine à Meskiana qui, le moins qu'on puisse dire enlaidissent la ville et la rendent repoussante. Le phénomène, même s'il est moindre dans les autres villes que sont Aïn Beida et Aïn M'Lila, n'en constitue pas moins un chancre qui dépare certains quartiers de ces villes. Ainsi, les anciennes habitations sont soit abandonnées, soit gardées en l'état. Pour revenir à l'inquiétante poussée du béton, convenons que durant les premières années du recouvrement de l'indépendance, la gestion du foncier était un attribut confié aux communes. L'inexistence de cadres spécialisés dans la planification et l'urbanisation a occasionné un dépeçage désordonné des parcelles de terrains. Du coup des terres agricoles sont cédées aux citoyens désirant bâtir leur propre chez soi. Les gens nantis se sont même permis des lots de terrains à bâtir de plusieurs centaines de mètres carrés pour finalement n'en exploiter qu'une aile de l'habitation. Exode rural massif Un citoyen au fait du phénomène reconnait : «Il y a un grand nombre de maisons où ne vivent que deux ou trois personnes. Généralement les enfants quittent la maison familiale juste après avoir contracté mariage et prennent leurs quartiers dans un autre appartement.» L'avis de ce citoyen est partagé par tous ceux que nous avons interrogé sur la non exploitation rationnelle des grands logements de certaines villes comme Aïn Fakroun, Meskiana et ailleurs. Tous reconnaissent que nous manquons de logique quand on construit son chez soi. Pourquoi bâtir grand quand en fin de compte on n'occupe que le strict minimum ? La situation est telle que par les temps que voici, le mètre carré de terrain à bâtir est cédé à un prix prohibitif. Et cela se fait comme signalé plus haut au détriment des terres agricoles. Et l'avancée du béton ne s'arrête pas encore malgré les recommandations de pouvoirs publics quant à la sauvegarde des terres propres à l'agriculture. L'autre problème et qui n'est pas des moindres dans l'hémorragie du foncier agricole a résulté de l'exode rural massif qu'a connu le pays durant de nombreuses années. «Nos campagnes sont désertées au profit de la ville, se lamente un vieux habitant d'Aïn Beida.» Il ajoute : «C'est ce qui explique on ne peut mieux la dilapidation du foncier qui rétrécit à vue d'œil.» Comment faire pour sauver ce qui reste à sauver maintenant que nos villes étouffent sous l'effet d'une démographie galopante ? Une question qui taraude l'esprit de nos responsables, après une dépense effarante des terres censées assurer l'autosuffisance alimentaire d'autant que les temps qui se profilent à l'horizon sont autrement pénibles et annonciateurs de vaches maigres.