Le peuple sahraoui célèbre cette semaine le 40e anniversaire de la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Rencontré hier au camp de réfugiés sahraouis de Smara, où il a lancé officiellement le début des festivités prévues pour marquer l'événement (27 février 1976), Khatri Addouh, président du Parlement sahraoui et également chef de la délégation des négociateurs du Front Polisario à l'ONU, a bien voulu faire le point sur le conflit du Sahara occidental devant un groupe de journalistes, dont celui d'El Watan. A l'occasion, il explique pourquoi le Maroc s'est employé, ces dernières semaines, à empêcher la visite dans la région du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Le peuple sahraoui s'apprête à célébrer le 40e anniversaire de la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Cette année, la fête du 27 février coïncide avec la visite du secrétaire général de l'ONU dans la région. Quel message voulez-vous délivrer à cette occasion ? Effectivement, nous nous préparons à la visite dans la région du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Sa venue est prévue pour début mars. Nous espérons que cette visite servira à appuyer les efforts des Nations unies et de la communauté internationale allant dans le sens d'un règlement urgent et définitif de la question sahraouie conformément à la légalité internationale. Il ne saurait y avoir de règlement au conflit en dehors du respect du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. A l'occasion de la célébration du 40e anniversaire de la création de la RASD, nous espérons que nos frères au Maroc sauront tirer les conclusions du conflit. A quelles conclusions faites-vous allusion ? Malgré les moyens massifs mobilisés par le colonialisme marocain pour étouffer leur voix, les Sahraouis sont toujours là. Mieux, ils sont plus que jamais déterminés à défendre et à recouvrer leurs droits. Tous les stratagèmes employés par le Maroc pour légitimer sa colonisation du Sahara occidental ont échoué. Les autorités marocaines doivent reconnaître cet état de fait et admettre qu'il y a une réalité sahraouie. A ce jour, il n'y a aucun pays qui reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Le conflit sahraoui est une question de décolonisation. La colonisation doit cesser. La situation actuelle ne peut plus durer. Le temps est venu aussi pour le Maghreb de sortir de la zone de turbulences qu'il traverse depuis longtemps, surtout que le contexte régional actuel est dangereux. Tout le monde y gagnera. Un règlement du conflit du Sahara occidental conforme à la légalité internationale permettra d'accélérer le chantier de l'intégration maghrébine. Il jettera les bases d'une cohabitation pacifique. Il y a de la place pour tout le monde dans la région. Le Sahara occidental indépendant est disposé à s'entendre avec le Maroc sur tous les plans. C'est la proposition que le Front Polisario a mise sur la table depuis 2007. Néanmoins, le peuple sahraoui tient à rappeler qu'il n'acceptera pas que ses droits soient violés et foulés au pied. Quel sens donnez-vous à la visite du secrétaire général de l'ONU dans la région ? Le secrétaire général, Ban Ki-moon, va d'abord visiter une région où se trouve une mission de l'ONU, la Mission de l'ONU pour le référendum au Sahara occidental (Minurso). Son siège se trouve dans un territoire répertorié comme non autonome par l'ONU. Le caractère de la visite du secrétaire général de l'organisation est donc clair et il est normal qu'il vienne. En outre, l'ONU et la légalité internationale plaident pour un règlement du conflit qui reconnaît au peuple sahraoui le droit à l'autodétermination. Un droit inaliénable. Et il n'est pas question que cela change. Il n'est plus acceptable que le Maroc continue d'ignorer les résolutions pertinentes de l'ONU et de jouer avec la légalité internationale. Le statu quo dans lequel le Maroc a plongé le conflit n'est pas non plus acceptable. Le moment est propice pour en finir avec. Le secrétaire général de l'ONU ira-t-il dans les territoires sahraouis occupés illégalement par le Maroc ? Le Maroc ne veut pas de cette visite. Il fait tout pour qu'elle n'ait pas lieu. Il ne veut pas non plus que Christopher Ross, son envoyé spécial pour le Sahara occidental, poursuive sa mission. Rabat ne veut pas également poursuivre les négociations entamées en 2007. Les autorités marocaines ne veulent rien faire bouger. Et il est regrettable que la France s'emploie à atténuer les pressions que la communauté exerce sur le Maroc pour qu'il se conforme justement à la légalité internationale. L'occasion m'est offerte pour dire une nouvelle fois que les Sahraouis refusent la proposition inhérente à la large autonomie formulée par le Maroc. C'est contraire à la légalité internationale. Cette proposition ne peut pas être une base de travail. Le statut final du Sahara occidental ne sera établi qu'une fois que le peuple sahraoui aura exercé son droit à l'autodétermination. Le problème n'est plus entre le Maroc et le peuple sahraoui, mais entre le Maroc, la communauté internationale et l'ONU. Pourquoi le Maroc a peur de cette visite ? Si le secrétaire généra de l'ONU se rend dans les territoires sahraouis occupés illégalement par le Maroc, cela rappelle que le Sahara occidental n'est pas marocain et qu'il est sous tutelle internationale. Cette tutelle continuera à s'appliquer jusqu'à ce que les Sahraouis exercent leur droit à l'autodétermination. Le Maroc ne veut pas de cette visite, car il a peur qu'elle braque les projecteurs sur les conditions effroyables dans lesquelles vivent les Sahraouis dans les territoires occupés, l'étendue du pillage de leurs ressources et la répression sauvage qui s'abat régulièrement et de manière systématiquement sur eux. Les territoires sahraouis occupés sont une prison à ciel ouvert. Le Maroc ne veut également pas que Ban Ki-moon constate de visu que la très grande majorité des Sahraouis des territoires occupés soutiennent les revendications du Front Polisario. Le Maroc ne veut pas que cela se sache. Il fera tout pour saboter cette visite, surtout que l'opinion internationale commence à prendre conscience des affres causées par la colonisation marocaine.