La pièce Divorce sans mariage questionne le passé et le présent de l'Algérie. Fodil Assoul, Mourad Oudjit, Farouk Boutadjine et Walid Bouchebah se sont rassemblés entre copains pour discuter autour du Journal 1955-1962 de Mouloud Feraoun pour monter un spectacle de théâtre, «Divorce sans mariage. Le groupe a décortiqué un texte qui, à sa sortie aux éditions françaises du Seuil, avait suscité la controverse. Dans Journal, Mouloud Feraoun, encouragé par Emmanuel Roblès, racontait le quotidien d'un village en Kabylie à l'époque de l'occupation française. Il détaillait la vie faite d'exactions et de violences multiples de l'armée coloniale, mais racontait également des comportements condamnables des combattants de l'ALN contre la population. «C'est un challenge pour nous de toucher à un texte engagé. Mouloud Feraoun a évoqué certaines vérités de l'époque, des vérités qui dérangeaient», a souligné Fodil Assoul. Lund soir à Bordj El Kiffan, Divorce sans mariage a été présentée à l'Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audiovisuel d'Alger (ISMAS). Le spectacle commence par une discussion entre amis en dehors de la salle. La discussion se poursuit sur scène. Deux personnages parlent du livre avant de détailler ses chapitres intimes. L'échange se fait parfois vif et parfois lent. Les deux hommes reviennent à la réalité du jour, discutent avec le musicien (Farouk Boutadjine). La musique vivante, exprimée par saxophone ou par banjo, accompagne ou intensifie les tableaux. Elle sert aussi d'interlude. Le musicien est un troisième personnage sollicité parfois pour des moments de «repos» ou de relance du spectacle. Il rajoute par les mots une petite touche comique que Fodil Assoul densifie par le geste. Des caisses et des guirlandes comblent une scène presque nue. Du théâtre pauvre ? Pas vraiment. Pour le jeune metteur en scène, Walid Bouchebah, l'espace scénographique est complet. Il comprend même le public. D'où les guirlandes accrochées au milieu de la salle. Les lampes sont allumées de temps à autre pour interpeller les présents. Les comédiens se déplacent parfois à l'intérieur de la salle puisque le quatrième mur est déjà brisé. Là, on est dans une forme du théâtre forum. Il s'agit de donner un peu d'action à une pièce qui souffre de la lourdeur narrative du texte. Un texte à raccourcir car la pièce, malgré toutes les tentatives du metteur en scène, sombre parfois dans les lieux communs, l'ennui. C'est simple : Divorce sans mariage manque de rythme. Mourad Oudjit est resté figé dans une interprétation classique éprouvant des difficultés de passer d'une situation à une autre. A l'aise sur scène, Fodil Assoul a, encore une fois, prouvé toutes ses capacités de comédien de théâtre. «Nous continuons toujours en tant que jeunes à poser des questions sur la période coloniale en Algérie. Mouloud Feraoun était visionnaire. Il a imaginé l'Algérie post-indépendance. Nous avons donc gardé ce côté visionnaire dans pièce en faisant un voyage entre le passé et le présent. Nous avons tenté de répondre à des questions et à en poser d'autres», a relevé Walid Bouchebah. Il a expliqué le maintien du français dans l'adaptation du texte de Mouloud Feraoun par «l'âme algérienne» du Journal et par les impératifs de la distribution en extérieur du spectacle. «Spectacle monté par nos propres moyens. Nous allons jouer au festival d'Avignon en France (en Off). Dans la pièce, nous avons utilisé également l'arabe et le tamazight. J'ai essayé de mélanger les langues parlées en Algérie», a souligné le metteur en scène.