La République arabe sahraouie démocratique (RASD) a fêté, hier, le 40e anniversaire de sa création. Pour l'occasion, l'ensemble des camps de réfugiés sahraouis implantés à proximité de la frontière de l'Algérie avec le Sahara occidental se sont parés des couleurs du Front Polisario et étaient plongés dans une ambiance festive. Pour que tous les Sahraouis profitent de la fête, chacun des camps a abrité un volet des festivités programmées pour cette célébration que les responsables sahraouis ont voulu «spéciale». Spéciale, car le Front Polisario a fait une halte pour évaluer le «long» et «courageux» combat du peuple sahraoui pour la liberté et transmettre des «messages importants» au monde et au Maroc. Après l'organisation d'un marathon international à Smara, le camp de réfugiés sahraouis de Dakhla a abrité l'activité la plus importante de la célébration, puisque c'est lui qui a été choisi pour accueillir la parade des unités combattantes de l'Armée de libération sahraouie (ALS). Habituellement peu enclin à faire l'étalage de sa force, le Front Polisario a organisé, pour cette fois, un long défilé militaire réglé comme une horloge qui a impressionné la population sahraouie tout autant que les délégations étrangères venues nombreuses des quatre coins de la planète pour soutenir la cause sahraouie. Déjà vendredi, les responsables sahraouis avaient étonné leurs invités et la presse en les accueillant avec un bataillon doté de chars et d'une batterie de missiles flambant neuf. Inutile d'aller chercher très loin. Le message que les Sahraouis ont voulu faire passer est limpide comme de l'eau de roche. Et il est adressé au Maroc : si c'est la guerre que les autorités marocaines cherchent en s'entêtant, depuis plus d'un quart de siècle, à priver le peuple sahraoui de son droit à l'autodétermination, que celles-ci sachent que le Front Polisario est prêt à se battre et à mener la vie dure au Maroc. Dans sa longue allocution prononcée, vendredi soir, dans laquelle il est revenu sur les circonstances difficiles durant lesquelles a été proclamée la naissance de la République sahraouie, le président de la RASD, Mohamed Abdelaziz, a toutefois préféré délivrer, en premier, un message d'une tout autre tonalité. Le Polisario prêt à toutes les éventualités Dans son souci de montrer que sa préférence va pour une option autre que celle de la guerre pour en finir avec le conflit du Sahara occidental, le président Abdelaziz a donc décidé de lancer «un message de fraternité au peuple marocain frère et à son gouvernement», avant de les appeler «à œuvrer ensemble pour accélérer l'organisation d'un référendum d'autodétermination libre, juste et transparent pour le peuple sahraoui, dont l'ONU a identifié les votants». Pour appuyer l'idée que le royaume chérifien ne perdra pas au change, Mohamed Abdelaziz et le Front Polisario «ont assuré le peuple frère du Maroc et son gouvernement que l'Etat sahraoui indépendant sera en faveur du Maroc et en faveur de la paix et du bon voisinage». «Le Maroc trouvera dans l'Etat sahraoui le bon voisin sincère, tolérant, loin de toute tendance de vengeance, prêt à partager tout ce qu'il a avec ses voisins», a soutenu Mohamed Abdelaziz. Bien que son offre soit «très» généreuse, le président de la RASD ne croit pas beaucoup à la possibilité que le Maroc se remette en cause et choisisse la voie de la paix, surtout au regard des «récents développements de la question du Sahara occidental». Ceux-ci, a-t-il dit, «confirment avec regret l'absence de volonté réelle chez l'occupant marocain dans la recherche d'une solution juste et globale au conflit maroco-sahraoui». Pourtant, a-t-il ajouté, la fin du conflit profitera à tous du moment qu'«il constituera un facteur de stabilité dans la région». Obstacles à la paix Les obstacles que le Maroc s'est employé, ces dernières années, à dresser sur le chemin de la paix sont nombreux et connus de la communauté internationale. Les autorités marocaines sont devenues, en effet, expertes en matière de violation des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés et de pillage intensif des ressources naturelles du peuple sahraoui. La dernière innovation trouvée par Rabat pour bloquer le processus de paix au Sahara occidental a été de déclarer persona non grata Christopher Ross, l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, et des observateurs internationaux dans les territoires occupés. Pis encore, le Maroc a carrément cherché récemment à saborder la visite du secrétaire général de l'ONU dans la région et particulièrement dans les territoires sahraouis qu'il occupe illégalement depuis 1975. Bref, le Maroc est dans une stratégie d'expansion et non pas dans une logique de paix. Une logique qui, pourtant, participe à l'isoler de plus en plus sur la scène internationale, en témoigne la récente décision prise à son encontre par la Cour européenne de justice. C'est d'ailleurs la nature belliqueuse du Maroc qui pousse le Front Polisario à retenir la guerre comme une option possible pour libérer les territoires occupés. L'autre message important du secrétaire général du Front Polisario a été adressé à la communauté internationale qu'il a appelé à reconnaître sans plus tarder la RASD et à soutenir sa candidature à l'ONU. «L'Etat sahraoui répond aux conditions d'adhésion dans les instances et les organisations internationales. A l'occasion de ce quarantième anniversaire, nous appelons tous les pays du monde à hâter la reconnaissance de la RASD et à soutenir sa candidature à l'ONU, pour appuyer l'équité et la paix et pour le parachèvement de la décolonisation du continent africain», a lancé Mohamed Abdelaziz. La RASD est déjà reconnue par plus de 80 pays. Le Front Polisario est légalement le représentant légitime du peuple sahraoui. Le Sahara occidental est répertorié par l'ONU comme un «territoire non autonome» sur lequel le Maroc n'a aucune souveraineté. Le président de la RASD a terminé son discours non sans inviter une énième fois à la raison certains «acteurs internationaux qui contribuent honteusement à encourager l'Etat marocain» dans sa politique génocidaire et expansionniste. En plus de viser les organisateurs du Forum de Crans Montana, le message est adressé en premier lieu, bien évidemment, à la France qui reste pour le Front Polisario le principal allié du Maroc dans le conflit du Sahara occidental. Surtout au Conseil de sécurité de l'ONU. C'est la France qui s'est jusque-là opposée à l'élargissement des prérogatives de la Minurso à la protection des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés, alors que ceux-ci sont violés de manière massive et systématique. A ce propos, Mohamed Abdelaziz a invité les autorités françaises à adopter une «position plus courageuse et décisive» et à cesser de légitimer «l'agression et l'occupation marocaines». Le Front Polisario attend, dit-il, que Paris convainc le Maroc d'aller dans le sens de la légalité internationale. La France de François Hollande entendra-t-elle l'appel du peuple sahraoui ?