A deux mois de l'ouverture des plis afférents à l'appel d'offres lancé en janvier dernier en direction des opérateurs de téléphonie mobile pour l'octroi des trois licences d'établissement et d'exploitation de réseaux publics de télécommunications mobiles de quatrième génération (4G), le débat s'accentue autour de ce dossier. Ce débat n'a pas la même ampleur que celui suscité par la 3G, mais il met l'accent sur plusieurs questions notamment celles liées à la faisabilité du projet dans le contexte actuel de crise économique et au respect des délais. Est-il opportun de lancer la 4G aujourd'hui ? Les timings seront-ils respectés ou assistera-t-on au même scénario que celui de la 3G ? Les contenus seront-ils développés pour accompagner le déploiement de cette technologie ? Les investissements seront-ils au rendez-vous dans ce cadre ? Autant de questions abordées par les experts, dont certains affichent un scepticisme et regrettent de ne pas avoir été consulté sur le dossier alors que d'autres sont confiants. De leur côté, les pouvoirs publics assurent que tous les moyens seront dégagés pour réussir le passage à la 4G, une technologie dont la commercialisation est attendue au premier trimestre de l'année prochaine selon la ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (MPTIC), Mme Imene Houda Feraoun. Pour beaucoup, ce passage est une décision politique qui n'a pas lieu d'être aujourd'hui. «La priorité devrait plutôt être accordée au lancement des services», note à ce sujet Roslane Bencharif, consultant international qui a eu à intervenir sur cette question début février lors du 3e forum du magazine N'TIC consacré justement à la 4G. Quelle pertinence ? Pour M. Bencharif, il n y a pas de pertinence réelle à passer de la 3G à la 4G actuellement. «Consolidons d'abord la 3G», estime t-il, appelant à éviter les erreurs commises au lancement de cette technologie, notamment en ce qui concerne les tarifs qui ont besoin, selon notre expert d'être améliorés. Une étape difficile à assurer, de l'avis de Fayçal Bessah, directeur stratégie, programmation et performance chez Mobilis, pour qui «la tarification est un problème complexe en Algérie». L'autre point à prendre en charge est bien évidemment le développement de l'industrie du contenu. «C'est une question stratégique. Le débat - sur les obstacles portant sur la production des contenus», ajoute-t-il. Mais pour Mobilis, le cap s'annonce facile, selon son représentant : «Nous avons un atout majeur : nous sommes affiliés à Algérie Télécoms.» Et de souligner que Mobilis reste ouverte au partenariat public-privé (PPP) pour développer justement les contenus. Du côté d'Ooredoo, même si l'horizon 4G semble encore flou en Algérie puisque la 3G n'est pas encore au point sur tout le territoire national, l'entreprise se dit favorable au lancement de la 4G. Mais «sans restriction». A ce niveau, faut-il rappeler que des tests ont été effectués. Aussi, en raison des coûts qui s'annoncent plus élevés que ceux de la 3G, Ooreddo compte commencer par un déploiement «niche» en ciblant les régions ou le besoin se fait plus ressentir. Chez Djezzzy, l'engagement est également affiché pour le lancement de la technologie 4G mobile. «L'entreprise a d'ailleurs déjà commercialisé des pack compatible avec la 4G, la 3G et la 2G.» Cela pour dire que les trois opérateurs sont prêts pour franchir le pas de la 3G. La 4G, une perte sans contenu Mais seront-ils à la hauteur des attentes des consommateurs ? «Il y aura des gens qui seront intéressés par le haut débit, à condition que la qualité soit maintenue. J'espère que les opérateurs vont jouer le jeu et que l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications assurera son rôle pour maintenir cette qualité lors du passage à la 4G», nous dira justement à ce sujet l'expert Younes Grar, selon lequel l'engouement ne sera pas aussi important que pour la précédente technologie. Pourquoi ? «Certes, la 4G offre beaucoup plus d'efficacité, mais les abonnés seront moins nombreux parce que les tarifs seront beaucoup plus chers. Déjà, les gens ne sont pas très gourmands en mégas. Ce sont surtout certaines catégories qui ont besoin d'aller vers la 4G», répond-il en donnant comme exemple les journalistes, les infographes et les hommes d'affaires. Ils seront en moyenne 10 à 20% sur près de 13 millions (8 millions en 2014) d'abonnés 3G à basculer à la 4G. Interrogé par ailleurs sur les moyens nécessaires à ce projet, M. Grar ajoute que les opérateurs ont bien conçu leur réseau 3G sur une base qui sera facilement déployable à la 4G. «Ils vont juste faire des extensions. Si tout va bien et s'il n'y a pas de bureaucratie, le réseau sera effectif avant la fin de l'année. Les opérateurs ont assez de temps pour se déployer», explique-t-il, avant de poursuivre : «L'investissement n'est pas très lourd. En Algérie, les opérateurs sont riches et ils connaissent très bien le marché. Ils savent que l'Algérie est un marché très porteur. Ils ont des calculatrices très performantes. Ils ont pris goût à la 3G et n'auront pas de problème avec la 4G. C'est une évolution naturelle. C'est une affaire commerciale et chacun y trouvera son compte. Où réside alors la difficulté ? Comment donner vie à cette technologie ? En d'autres termes quel contenu pour une connexion de très haut débit. Là c'est le rôle de l'Etat qui entre en jeu. «Comment pousser les administrations, les associations et les gens à développer le contenu», s'interroge M. Grar avant d'enchaîner : «En les incitant à travers certaines facilitations et en encourageant par exemples le e-payement.» Faut-il rappeler dans ce cadre que la stratégie e-Algérie 2013 avait misé justement sur les contenus sans pourtant que le projet soit mené à bon port alors que les dépenses ont été très importantes, de l'ordre de 4 milliards de dollars depuis 2009 selon certaines estimations. Et dire aussi qu'un conseil national des TIC était également prévu sans voir le jour et sans réussir le passage tant attendu à l'économie numérique et sans augmenter la part du secteur dans l'économie. Preuve en est que les TIC ne contribuent au PIB (produit intérieur brut) qu'avec une petite proportion de 2,90%, selon le rapport 2013-2014 de l'ARPT.