Objet de fervente polémique depuis qu'elle a été abordée dans le cadre de l'amendement du code de la famille, la polygamie, âprement défendue par les islamistes au même titre que le tutorat exercé sur les femmes, constitue en réalité un phénomène très marginal dans la société algérienne. Bien qu'aucune étude récente n'ait été menée sur la question, l'enquête sur la consommation des ménages effectuée par l'Office national des statistiques (ONS) en 2000 fait ressortir que 1,4% des hommes mariés sont polygames. Cependant, ce chiffre est à prendre avec quelques réserves car l'enquête menée auprès de 12 000 ménages répartis à travers le territoire national ne permet pas de cerner avec exactitude l'ampleur du phénomène. L'échantillon étant trop petit pour pouvoir avoir une idée précise, ce taux est appelé à être revu à la baisse, estiment les statisticiens. Déjà en 1986 la proportion d'hommes polygames parmi les hommes mariés était de 1,5% contre moins de 2% en 1966 et 15% en 1886, selon une recherche menée en 1995 conjointement par l'Institut fondamental d'Afrique noire (IFAN) et l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM), concernant la polygamie dans le continent africain. On peut aisément avancer que les conditions socioéconomiques des Algériens, qui n'ont cessé de se détériorer depuis l'indépendance, soient un élément qui a contribué à diminuer la propension des hommes à prendre plusieurs femmes. Toutefois, cette même étude a fait ressortir le fait que, contrairement à l'opinion commune, la pratique de la polygamie est très rare dans les pays maghrébins. Environ 3% en Egypte dans les années 1980 et 3,4% au Maroc en 1992, la polygamie est abolie en Tunisie. Les faibles taux de polygamie enregistrés dans d'autres pays musulmans comme la Mauritanie qui contrastent avec ceux élevés enregistrés dans certains pays africains peu islamisés comme le Bénin ou le Togo ont poussé les concepteurs de cette étude à s'interroger sur « l'influence réelle de l'Islam sur les comportements polygamiques ». La religion sert en effet trop souvent comme caution ou prétexte de plus pour les hommes, en même temps qu'elle constitue un élément de résignation supplémentaire pour les femmes. Et c'est sur cette corde sensible que les islamistes essaient de jouer actuellement pour faire fléchir la volonté d'apporter des rectificatifs « nécessaires mais non suffisants », selon la plupart des associations de femmes à la question de la polygamie en particulier et à celle du code de la famille en général.