Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a appelé le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à faire en sorte que l'Algérie arrive «à la tolérance zéro face aux violences en mettant en place des mesures coercitives et enquêter sur toutes les violences pour empêcher l'impunité». M. Ban, qui prenait part à l'ouverture, hier à Alger, des travaux de la Conférence des chefs de police africains sur les rôles des services de sécurité dans la lutte contre les violences à l'égard des femmes, a également exhorté les hommes à changer leurs mentalités, faute de quoi, il n'y aura jamais le respect des droits de plus de la moitié du monde… C'est un homme détendu et entouré par son équipe, dont Christopher Ross, secrétaire général pour le Sahara occidental, mais aussi par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et plusieurs ministres qui a pris part hier à l'ouverture, à Alger, des travaux de la 5e Assemblée générale de la Déclaration de Kigali sur le rôle de la police dans la lutte contre les violences à l'égard des femmes, organisés par la Sûreté nationale. Tantôt en langue française, tantôt en anglais, son discours est un réquisitoire contre ce fléau, mais aussi contre «les mentalités des hommes» qui, selon lui, «doivent changer, sinon il n'y aura pas de respect pour les droits de plus de la moitié de la planète». «Depuis 10 ans, dit-il, je ne cesse de dénoncer les violences contre les femmes. En 2008, j'ai lancé une campagne contre ce fléau à laquelle ont adhéré des dizaines de chefs d'Etat, de chefs de gouvernement, de ministres et des millions de citoyens du monde (…). Ce combat est la priorité du programme de développement à l'horizon 2030. Il faut parvenir à l'égalité des sexes et mettre à l'abri des violences les femmes et les petites filles.» Ban Ki-moon a applaudi l'initiative africaine de faire de 2016 l'année des droits de l'homme particulièrement ceux des femmes. «Les chefs d'Etat ont fixé leur volonté de ne plus accepter les violences à l'égard des femmes, de lutter contre toute exploitation ou mutilation sexuelle et tout traitement dégradant et inhumain, en ratifiant les conventions internationales des droits de l'homme et de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes, qui viennent ainsi renforcer le droit des femmes à une vie sans violence.» Pour le secrétaire général de l'ONU, «le changement n'est possible qu'avec des lois et des politiques. Nous devons changer les mentalités des hommes. Si ces derniers ne changent pas, il n'y aura pas de respect des droits de l'homme. Sans changement des mentalités nous ne pouvons rien faire». Il rappelle les violences qu'ont subies les femmes au Liberia, en soulignant : «Les victimes sont souvent silencieuses. Elles ont honte de parler de leur souffrance. Elles n'en parlent qu'avec leurs mères. Il a fallu l'arrivée de femmes membres des forces de maintien de la paix, pour qu'elles en parlent.» Il revient avec émotion sur les violences commises en Centrafrique par les membres de la mission onusienne de maintien de la paix. «Lorsque je parle de ces faits, j'ai très honte. J'ai d'ailleurs renvoyé le délégué pour la Minusca (Mission des Nations unies pour le maintien de la paix en République centrafriquaine, ndlr). J'ai désigné un juge canadien pour enquêter. Il a pu obtenir de nombreux témoignages. Nous devons combattre toutes les violences que subissent les femmes dans le monde…» «Il faut enquêter sur toutes les violences pour empêcher l'impunité» Ban Ki-moon insiste sur «une présence féminine importante» dans les rangs de la police africaine. Il s'adresse à Abdelmalek Sellal et lui demande de faire en sorte à ce que l'Algérie arrive «à la tolérance zéro face aux violences sexuelles et à l'éventail d'autres violences en mettant en place des mesures coercitives contre ce fléau et d'enquêter sur toutes les violences pour empêcher l'impunité». Dans la foulée, il annonce la tenue, les 2 et 3 juin prochain, d'un sommet de responsables des services de police, permettant à ces derniers d'échanger les points de vue sur la manière de prendre en charge les défis sécuritaires qui se posent à eux. Pour sa part, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, souligne la «responsabilité de l'Etat à aller contre ces violences, mais aussi contre l'impunité. La présence du secrétaire général de l'Onu est un encouragement pour renforcer nos efforts contre les violences. Il est temps de donner à l'autre moitié de la société sa place qui lui est consacrée par la Constitution». Abondant dans le même sens, le Directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel, insiste sur les différentes initiatives allant dans le sens de la lutte contre les violences à l'égard des femmes, en rappelant la Déclaration de Kigali qui, dit-il, doit avoir une «large adhésion» au niveau continental afin que «ce fléau fasse partie des priorités des plans d'action d'Afripol et incite à un partenariat, dans le but d'assurer un avenir meilleur aux femmes africaines dans le cadre de l'égalité des chances et de l'Etat de droit». Pour Hamel, la lutte contre les violences à l'égard des femmes «repose certes sur les moyens mais aussi sur l'implication des citoyens et des institutions (…). Dans ce cadre, la stratégie de la police algérienne dans sa lutte contre ces violences repose essentiellement sur le développement des moyens mais aussi sur le renforcement de la confiance des citoyens et la promotion du partenariat institutionnel et avec la société civile». Le premier responsable de la police algérienne estime que la tenue de cette conférence à Alger et sa programmation avec la Journée mondiale de la femme, «se voulaient un hommage à la femme africaine et algérienne eu égard aux sacrifices consentis et au combat qu'elle a mené durant les différentes étapes de l'histoire de notre pays». Il termine en déclarant que l'institution qu'il dirige compte 20 000 femmes dans ses rangs, parmi lesquelles 427 occupent des postes de commandement. Lui emboîtant le pas, l'inspecteur général de la police rwandaise et président de la 4e Assemblée générale de la Déclaration de Kigali, Emmanuel Kazaka, estime qu'en Afrique, les services de police «doivent se définir en tant qu'élément essentiel dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes et plaider pour la conjugaison des efforts». «Nous devons nous unir à tous les niveaux, local, régional et international et aller au-delà du continent africain. Il faut accorder surtout un peu plus d'importances aux situations post-conflits et faire des recommandations de la Conférence de Kigali une partie intégrante des politiques de service de sécurité». Après ces allocutions d'ouverture, la Direction générale de la Sûreté nationale a remis des distinctions au secrétaire général de l'Onu, au président de la République et au Premier ministre. Les travaux de cette rencontre ont repris en fin de matinée, mais à huis clos. Les chefs de police africains devront débattre du rôle de leurs structures dans la lutte contre les violences à l'égard des femmes et des filles, échanger les expériences et les actes de bonne gouvernance en la matière, avant de clore les débats aujourd'hui avec des recommandations devant faire partie de plans d'action contre ce fléau.