La revalorisation du salaire national minimum garanti (SNMG) à 12 000 DA et les augmentations des salaires du secteur économique, décidées à l'issue de la tripartite de la semaine dernière, sont loin de répondre aux besoins d'une politique salariale cohérente et aux impératifs d'un rattrapage du pouvoir d'achat. Il y va pourtant de la nécessité de veiller à la préservation de la cohésion sociale. Ce constat mérite d'autant plus d'être mis en évidence que les employeurs, que sont l'Etat et les entreprises du secteur privé, ne se montrent guère disposés à consentir des efforts soutenus de rattrapage salarial. En clair, après les augmentations dont viennent de convenir le gouvernement, le patronat et la Centrale syndicale, il faudra prendre son mal en patience avant de voir les salaires évoluer de nouveau. Quand bien même la récente démarche de revalorisations salariales serait initiée en lâchant un peu de lest quant aux obsessions de la croissance et de productivité hors hydrocarbures, il n'en demeure pas moins qu'avec un SNMG à 12000 dinars (environ 120 euros) beaucoup reste à faire pour amorcer un véritable rattrapage du pouvoir d'achat. A s'en tenir aux résultats d'une enquête réalisée par l'Institut national du travail (INT), les salaires des Algériens auraient connu globalement une évolution de près de 73% sur la période allant de 1996 à 2002, avec un salaire national brut moyen se situant, selon la même étude, à près de 23 000 DA en 2002. A supposer que depuis cette date, l'évolution du salaire ait gagné 30 point de pourcentage en plus, le fait est que sur ces dix dernières années, si les salaire moyen a été multiplié par deux, les prix à la consommation ont pour leur part carrément triplés, voire multipliés par cinq ou six pour certains produits de large consommation. A titre d'exemple, les prix de la pomme de terre et de la viande étaient respectivement de quelque 7 DA et 200 DA le kilogramme au milieu des années 90. Actuellement, ils se fixent au moins à 35 DA pour le kilo de pomme de terre et 600 DA pour la viande. Il faut dire que sur la période considérée, la dépréciation de la valeur de la monnaie nationale a entraîné une véritable érosion du pouvoir d'achat des Algériens. Le dinar algérien a en effet énormément perdu de sa valeur, donc de son pouvoir d'achat, en conséquence à la cure d'austérité observée au milieu des années 90, des suites de la crise de la balance des paiements. Au demeurant, si les indices officiels des prix à la consommation font ressortir ces quelques dernières années une certaine tendance à la stabilité, nombre d'experts soulignent néanmoins que ces mêmes indices ne rendent pas concrètement compte de la véritable relation entre les prix et l'inflation, ni du rapport entre les salaires et le pouvoir d'achat. Aussi, les données actuelles relatives à la variation des indices des prix n'exprimeraient qu'une évolution mesurée de l'inflation des prix d'une période à une autre, d'où l'opportunité de revoir ces indices, comme l'aurait récemment recommandé des experts du Fonds monétaire international (FMI), selon certaines sources. Quoi qu'il en soit, force est d'admettre que , rapporté à l'état actuel du pouvoir d'achat, l' augmentation de 20% du salaire minimum, de même que les revalorisations prévues pour les autres catégories de salariées, n'auront en définitive que peu d'impact sur le niveau de vie des Algériens. Du reste, au regard des incohérences marquant la politique salariale actuelle, l'évolution du salaire national minimum n'induit guère d'effets d'enchaînement sur le niveau général des salaires. Comme le souligne une étude de l'Organisation international du travail (BIT), réalisée par le CREAD en 2003, sur le thème de l'impact économique et social du salaire minimum en Algérie, " l'unique levier de régulation des salaires, maintenu par les autorités algériennes est celui du salaire minimum ". Sommairement, l'étude relève que " la connaissance sur les salaires en Algérie reste, encore marquée, par endroit, par une certaine opacité, due notamment à une système statistique imparfait, irrégulier et défaillant ". L'indice des prix à la consommation, est-il par ailleurs constaté, " est positivement corrélé avec le salaire minimum nominal et négativement avec le salaire minimum réel ". En fait, fait ressortir l'étude du CREAD, " il existe un décalage certain entre les indicateurs retenus par le législateur pour la fixation du salaire minimum et les modalités réelles ".