Depuis peu, les statistiques se font de plus en plus rares. Rien à vrai dire pour être plus juste pour décrire la guerre américaine en Irak dans toute son étendue. Les spécialistes se contentent alors de recoupements, les leurs bien entendu, afin de cerner au plus près cette guerre, ou encore ces guerres. Premier constat, le journaliste américain bien connu Bob Woodward a eu accès aux sources les plus autorisées et la réalité ne serait pas celle des comptes rendus de presse. La résistance est beaucoup plus puissante qu'elle n'y paraît, avec des opérations plus nombreuses que ce qui se dit. En témoigne l'opération d'hier durant laquelle un char américain Abrams, le plus perfectionné de l'armée américaine, a été détruit lors d'affrontements avec les milices chiites de Diwaniyah (180 km au sud de Baghdad). C'est ce qu'a annoncé le commandement américain ajoutant que 20 rebelles avaient été tués. Sept civils ont été blessés. Les incidents ont commencé dans la nuit de samedi à dimanche lorsqu'une patrouille mixte irakienne et américaine a voulu perquisitionner la maison de Kifah Al Greiti, un des commandants de la milice chiite Armée du Mahdi, partisans du chef radical chiite Moqtada al-Sadr, a-t-on appris auprès du ministère de la Défense à Baghdad. Cette perquisition a été menée à rue Salem, dans le quartier de Joumhouriah, qui a rapidement été isolé par des blindés américains, alors que le couvre-feu était imposé. Deuxièmement, la deuxième guerre, et elle semble beaucoup plus grande, est celle que se livrent les différentes communautés, et même en leur sein. Selon des données non confirmées, neuf attaques sur dix sont le fait de cette guerre interethnique. Ce qui creuse encore plus l'écart entre les différentes communautés composant la population irakienne, et même la communauté chiite représentée désormais par différentes tendances. Quel avenir alors pour l'Irak ? La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, envisage la réponse dans son appel aux Kurdes d'Irak à respecter un partage équitable des ressources nationales comme elle l'avait fait auprès du gouvernement à Baghdad, en arrivant jeudi en Irak. Dernière étape de sa brève visite en Irak, la secrétaire d'Etat s'est entretenue pendant 45 minutes, à Erbil (nord), avec le président de la région autonome kurde d'Irak, Massoud Barzani, souvent prompt à invoquer le droit du Kurdistan à disposer de ses propres ressources et, le cas échéant, à évoquer un recours à la sécession. Les entretiens d'Erbil, capitale du Kurdistan, ont visé à convaincre les dirigeants de cette région de soutenir un projet de loi en discussion à Baghdad prévoyant que les ressources pétrolières seront partagées entre tous les Irakiens et ne profiteront pas à une seule communauté. « Nous pensons que le pétrole doit être une ressource partagée par l'ensemble du peuple irakien », a dit Mme Rice aux journalistes qui l'accompagnent. « Notre point de vue, que nous avons communiqué aux Irakiens, et qui je pense est partagé par la plupart des Irakiens, est que le pétrole doit être un facteur d'unification et non une ressource qui conduirait à un pays moins uni », a-t-elle ajouté. Le Kurdistan dispose d'importantes ressources pétrolières. Lors d'une conférence de presse commune à Erbil, où il n'y avait que deux drapeaux : celui du Kurdistan et celui des Etats-Unis, mais pas celui de l'Irak, Massoud Barzani a affirmé que le Kurdistan « est pour une distribution équitable des ressources pétrolières sur tout le territoire national, comme cela est inscrit dans la constitution irakienne ». Il a ajouté que « le Kurdistan, comme toute autre nation, a le droit à l'autodétermination ». Cependant, a-t-il dit, « le parlement kurde a opté pour un système fédéral, au sein d'un Irak démocratique ». Un vote est attendu dans les prochains jours, à Baghdad, sur un projet de loi controversé instaurant le fédéralisme en Irak. Le fédéralisme est soutenu par les Kurdes et les chiites, mais contesté par les sunnites qui craignent d'être isolés car leurs régions situées essentiellement dans l'ouest du pays sont largement désertiques et privées de pétrole. Ils veulent que le fédéralisme respecte un partage équitable des richesses nationales – en premier lieu le pétrole. Fin septembre, le Premier ministre de la région kurde autonome d'Irak, Nechirvan Barzani, avait affirmé que les Kurdes voulaient être maîtres de leur pétrole et averti que toute interférence extérieure ne pourra que raviver les appels à l'indépendance du Kurdistan. D'autre part, le Parlement autonome kurde a entamé, en septembre, la lecture d'un projet de constitution kurde dans lequel il revendique notamment la riche région pétrolière de Kirkouk, et s'octroie le droit à l'autodétermination s'il la jugeait justifiée. Kirkouk ne fait pas partie actuellement du Kurdistan. Comment concilier toutes ces revendications avec une marge de manœuvre de plus en plus étroite, comme le prouve l'état actuel de l'Irak ? Ce ne sont là que de simples supputations, car il faut penser au contexte régional, et plus précisément à la Turquie qui a un œil très intéressé sur tout ce qui se produit dans le Kurdistan irakien. Plus précisément, sur tout ce qui pourrait s'avérer contagieux pour sa propre communauté kurde. Les Américains ne le disent pas. Les Irakiens beaucoup plus.