M. Arezki Aït Larbi, journaliste algérien (free-lance) et correspondant des quotidiens français le Figaro et Ouest France, vient d'apprendre avec stupéfaction qu'il était sous le coup d'un mandat d'arrêt lancé contre lui le 4 août 1997 par le juge d'instruction de la première chambre du tribunal d'Alger et qu'il était, à cet effet, condamné par défaut, le 10 décembre 1997, à une peine de six mois de prison ferme. Le journaliste a eu vent de cette nouvelle lorsqu'il a essayé de récupérer son passeport qu'il avait déposé pour le renouvellement le 3 mai 2006 auprès de la daïra de Chéraga dans la wilaya d'Alger. « J'ai épuisé toutes les voies réglementaires pour la récupération de ce document parce que je croyais qu'il y avait un dysfonctionnement au niveau de l'administration, vain. Par la suite, j'ai compris malheureusement que le problème était ailleurs et que ce n'était qu'une tentative d'intimidation qui me visait parce que j'exerce la profession de journaliste », a expliqué M. Aït Larbi. Joint par téléphone, celui-ci s'est interrogé d'abord sur les commanditaires de cette cabale et s'est demandé pourquoi il est le seul journaliste à n'avoir pas bénéficié de la grâce spéciale décrétée par le premier magistrat du pays. « A ma connaissance, en juin 2006, la chancellerie avait instruit le parquet d'Alger pour faire juger toutes les affaires de “délits de presse” avant le 5 juillet de la même année. Une procédure qui visait à accorder aux journalistes condamnés une grâce spéciale, que le président de la République allait promulguer à l'occasion de la fête de l'Indépendance. Alors, pour quel motif suis-je le seul journaliste exclu de cette procédure ? », s'est interrogé notre interlocuteur qui prend l'opinion publique à témoin. « C'est un abus de pouvoir », dira-t-il. Le journaliste est revenu dans les détails sur cette affaire. Il dira qu'il a appris que son passeport était bloqué par la police, une affaire de diffamation enregistrée auprès du tribunal d'Alger par un fonctionnaire de la daïra de Chéraga. Par le biais de son avocat, il a déposé le 14 juin 2006, une requête au parquet général exprimant sa disponibilité à répondre de cette « mystérieuse affaire », pour laquelle il n'a été ni convoqué ni informé. « J'ai attendu quatre mois pour avoir une réponse lapidaire dans laquelle le parquet général d'Alger m'informe dans un procès-verbal remis à mon avocat que je suis sous le coup d'un mandat d'arrêt », a souligné le journaliste. Pourquoi un mandat d'arrêt pour une plainte en diffamation déposée par un directeur central du ministère de la Justice chargé de l'application des peines ? Ce dernier avait été mis en cause dans un témoignage relatant les sévices infligés à des prisonniers du pénitencier de Lambèse dans les années 1980 et publié, en avril 1994, dans l'hebdomadaire L'événement. « Le mandat d'arrêt du juge d'instruction, pourtant caduc après le jugement par défaut, est toujours en vigueur dans les fichiers de la police, après avoir servi au blocage de mon passeport, il risque d'être utilisé, “légalement”, pour mon arrestation », a lancé le journaliste qui estime que pour ce qui est de son affaire, la justice n'a pas suivi la procédure courante. « Je ne conteste pas que la personne diffamée a le droit de déposer plainte, mais moi aussi j'ai le droit de me défendre et j'ai des témoins qui peuvent confirmer les informations rapportées dans le journal. A mon sens, le non-respect de la procédure légale vise à donner satisfaction à la partie plaignante et à condamner un journaliste », pense M. Aït-Larbi qui ne comprend pas pourquoi le juge d'instruction a opté pour un mandat d'arrêt, au lieu de lui adresser une simple convocation. Le comble est que le mis en cause n'arrive pas à assimiler le fait qu'il avait quitté plusieurs fois le territoire national sans être interpellé par la police des frontières. « Pourquoi a-t-on exhumé brusquement ce mandat d'arrêt après neuf ans d'une tolérance aussi trouble qu'inhabituelle », s'est interrogé le journaliste qui demande, par ailleurs, au parquet d'instruire la police afin de mettre un terme au blocage de son passeport. « Je suis persuadé que derrière cette affaire, il y a une volonté d'intimidation manifeste d'autant plus que depuis 1995, les pouvoirs publics refusent de m'accréditer en tant que correspondant de médias étrangers », souligne M. Aït Larbi qui s'est dit prêt pour un procès contradictoire, qui confrontera les propos considérés diffamatoires par la partie civile et le ministère public aux témoignages des victimes.