Sur quels critères se basent les consommateurs algériens pour trancher sur le choix des produits à acheter et quelles garanties offrent les producteurs à ces consommateurs en termes de qualité ? En somme, quelle place pour le label dans la production nationale ? Faible, voire très faible. Et pour cause, très peu de produits sont labellisés alors que la tendance est aux garanties à travers le monde. Des garanties qui concernent notamment l'origine, la qualité et le respect de l'environnement. Or, sur le marché algérien, ce n'est pas encore le cas. Et pourtant, les consommateurs sont de plus en exigeants. Que ce soit pour les produits alimentaires, l'habillement, les produits cosmétiques, l'électroménager ou pour tout autre catégorie de produits, les Algériens sélectionnent leurs achats. Si avant on n'accordait pas d'importance aux indications mentionnées sur les étiquettes, ce n'est plus le cas aujourd'hui avec l'augmentation des risques sanitaires notamment, mais aussi avec l'importation massive des intrants. En dehors des fruits et légumes, la majorité des produits fabriqués localement n'ont d'origine algérienne que la transformation, les composants provenant essentiellement des marchés extérieurs. A titre illustratif, citons les concentrés, les jus de fruits, le blé, la poudre de lait, les additifs, les textiles et autres intrants. Difficile donc de remonter la traçabilité du produit. Difficile également de labelliser le produit et de rassurer par ricochet le consommateur sur la qualité. L'échec des opérations lancées pour la promotion de la consommation nationale et la préférence des produits étrangers pour certaines catégories (vêtements, cosmétiques, chaussures…) sont des exemples qui renseignent clairement sur le comportement d'achat des consommateurs algériens, même si on relève l'absence d'études ou d'enquêtes sur cette question. Les consommateurs en quête de garanties Hormis l'étude commandée par le Forum des chefs d'entreprises (FCE) au cabinet d'expertise Bravehill pour la mise en place du label Bassma Djazaïria lancé en novembre dernier - pour lequel le Forum a reçu une cinquantaine de candidatures selon le vice-président de l'organisation Brahim Benabdessaleem -, très peu de données sont disponibles à ce sujet, les enquêtes de l'Office national des statistiques ( ONS) étant limitées aux dépenses des ménages. Comment font alors les consommateurs face à la multitude des produits proposés sur le marché ? «J'essaye d'évaluer le rapport qualité/prix», nous dira une maman rencontrée dans une surface commerciale. Et à une autre de relever : «C'est vrai que nous avons de plus en plus de produits algériens sur le marché, mais nous n'avons pas de garantie sur la qualité. Je fais le tri en fonction des expériences des uns et des autres. Par exemple, pour l'achat d'une machine à laver, j'ai dû voir autour de moi les marques les plus achetées pour faire mon choix». «Dans l'agroalimentaire, j'achète les produits locaux, mais rien ne m'assure l'origine des matières premières utilisées», regrette un père de famille. «Les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont certes interdits en Algérie, mais rien de m'assure qu'ils ne sont pas utilisés dans le processus de transformation au niveau local avec toutes les pratiques douteuses sur le marché de l'import. Rien ne m'assure aussi que les additifs alimentaires dangereux sont écartés», s'inquiète une autre maman. Cela pour dire que seul le label en fournissant des informations fiables et transparentes sur l'origine réelle des produits peut jouer un rôle important dans le renforcement ou plutôt le rétablissement de la confiance entre le consommateur et le producteur. Actions éparpillées «Mais tant que les choses ne sont pas claires à ce sujet, difficile d'orienter le consommateur vers un label précis. Aujourd'hui, les Algériens n'ont pas de perception sur ce sujet parce que nous n'avons pas de label sur le marché». C'est ce que pense justement le président de la Fédération nationale de la protection des consommateurs, qui ajoutera : «Nous refusons de cautionner des labels pour lesquels nous n'avons pas été consultés. Pour la fédération, le seul label de conformité légal est celui établi par l'Institut algérien de normalisation (IANOR), en l'occurrence Tedj, entré en vigueur à titre de rappel en 2006 pour six secteurs d'activité : la sécurité, la santé, l'environnement, le secteur bio, le label qualité et l'alimentation. Tedj atteste que le produit en question est conforme aux normes algériennes qui le concernent». Il a été lancé pour faire face à la prolifération des produits contrefaits. Mais peu de producteurs ont eu recours à cette labellisation qui devait être suivie par un autre projet : une pastille à apposer sur différents produits pour faciliter l'identification de l'authenticité de la marchandise. Des initiatives qui auraient eu un grand impact s'il y avait un suivi. Or, ce n'est pas le cas. Pourquoi ? «Les actions sont éparpillées», nous répondra le président de l'APOCE (Association de protection et d'orientation des consommateurs), Mustapha Zebdi, dont l'association est également sur un projet de labellisation de produits agricoles et agroalimentaires en concertation avec l'Union des bureaux d'agronomes. «On aurait aimé qu'il y ait concertation autour d'une question aussi importante que la labellisation», souligne-t-il reprochant au FCE de lancer le projet Bassma Djazaïria en solo. «Le fait que l'initiative soit d'une organisation patronale n'est pas intéressant. Il fallait aussi impliquer d'autres organismes. Ce n'est pas normal qu'une entreprise se dirige vers une organisation pour avoir un label. C'est aux pouvoirs publics d'adopter et de chapeauter une telle démarche. Le label Bassma algérienne n'a pas été bien lancé et les initiateurs doivent se racheter pour une réussite totale», estime t-il. Mais, le projet du FCE est déjà en marche et les premiers résultats seront bientôt connus (en avril prochain). Quels résultats pour l'initiative du FCE ? Combien seront-elles au final à obtenir ce label qui vise à permettre aux consommateurs d'identifier les produits pour lesquels l'essentiel de la valeur ajoutée a été produite en Algérie tel qu'indiqué dans la définition de Bassma Djazaïria ? Une question qui s'impose sachant que les critères imposés ne sont pas totalement satisfaits par les entreprises algériennes : taux de transformation ; recherche & développement ; qualité et responsabilité sociale et environnementale. Sachant aussi que les frais à débourser dans ce cadre sont importants. Mais, globalement, le cap devrait être franchi. «L'émergence d'une production nationale de qualité et compétitive est un enjeu capital, un label pour identifier le produit national est impératif, facilitera l'insertion de l'économie nationale dans l'économie mondiale», note à ce sujet l'Algex. Ce qui ne permet pas à l'économie de tirer une plus-value aussi bien sur le marché local qu'international, surtout dans le contexte actuel de la chute des prix du brut .