A grands renforts de chiffres, le président de la République a fait avant-hier le panégyrique de l'enseignement supérieur. A l'écouter, du fait du nombre d'étudiants et d'universités, l'Algérie n'a presque rien à envier aux nations développées. C'est à peine s'il a effleuré, vers la fin, la qualité de la formation universitaire, n'y décelant que quelques insuffisances, alors qu'il est établi par les universitaires eux-mêmes que l'Algérie a perdu cette bataille : l'université a cessé d'être un lieu de savoir et de réflexion de haut niveau. Disséminés un peu partout sur le territoire national, dans un souci d'abord d'équilibre régional, les multiples centres de formation sont devenus - à l'exception de quelques-uns qui essaient de surnager - quasiment de simples lieux de gardiennage pour des centaines de milliers d'étudiants. Ces derniers déchantent des leurs premiers pas dans les locaux universitaires : les amphis sont surchargés, les bibliothèques quasi inexistantes, les enseignants peu formés et clochardisés socialement, la plupart du temps démobilisés, les grèves sont à répétition, etc. Les étudiants ne feront qu'une traversée de l'université, toujours pénible, avec un diplôme qui leur apparaîtra vite dérisoire une fois confrontés au marché du travail. Le savoir qu'ils ont acquis est insuffisant, inutile ou inadapté. L'autre bataille perdue est la recherche scientifique. L'université algérienne n'en possède que l'intitulé. Le nombre de chercheurs est dérisoire, les crédits alloués insignifiants, les incitations nulles et le climat de travail inexistant. Les publications de qualité sont rares. Le potentiel - formé durant les décennies 1960 à 1980 - s'est évaporé dans la nature durant la décennie 1990 de terreur intégriste : sur les 30 000 chercheurs exilés outre-Méditerranée, presque personne n'envisage de remettre les pieds dans l'université algérienne. Bien d'autres tares affectent cette institution et on se demande pourquoi le président de la République les a ignorées dans son bilan, privilégiant le seul aspect qu'il pense être fondamental : le nombre de centres universitaires construits depuis 1999 et la grande masse d'etudiants qu'ils accueillent. C'est un miroir aux alouettes dont n'a pas besoin l'Algérie d'aujourd'hui, qui attend de ses dirigeants des diagnostics complets et sans complaisance, seuls à même de faire émerger les bonnes solutions, et de ne pas légitimer la médiocrité. Le souci d'enjoliver un mandat électoral peut paraître légitime s'il ne sacrifie pas le sens de la vérité et n'hypothèque pas l'avenir des nouvelles générations.