Dans un entretien accordé au Courrier picard, l'avocat de Farid Bedjaoui, Emmanuel Marsigny, confirme, tout en défendant son client, le montant des commissions : «Ces 198 millions d'euros ont été versés pour des contrats s'élevant à 11 milliards de dollars.» L'affaire Panama Papers a aussi le mérite de confirmer ce que les autorités algériennes considéraient, jusque-là, comme des «racontars» : l'existence de commissions versées à Farid Bedjaoui dans le cadre des contrats signés entre Sonatrach et l'entreprise italienne Saipem, qui font l'objet d'un procès à Milan. C'est l'avocat de Farid Bedjaoui, Emmanuel Marsigny, qui le précise dans un entretien accordé au Courrier picard. L'avocat confirme, tout en défendant son client, le montant des commissions qui s'élève à 198 millions d'euros : «Ces 198 millions d'euros ont été versés pour des contrats s'élevant à 11 milliards de dollars. Dans l'absolu, c'est une somme importante, mais c'est un niveau de rémunération naturel dans le monde de l'intermédiation. C'est parfaitement conforme à ce qui se fait. C'est beaucoup d'argent, mais cela ne fait pas de mon client un délinquant. Dès qu'on gagne beaucoup d'argent, c'est suspect !» Mais la justice italienne, qui se penche sur cette question, ne considère pas cet argent comme une simple rémunération d'un intermédiaire, comme le présente Me Marsigny. Elle a, à cet effet, inculpé le patron du groupe ENI, Paulo Scaroni, qui avait rencontré, selon la presse italienne, l'ancien ministre algérien de l'Energie, Chakib Khelil, à Paris, Vienne et Milan à plusieurs reprises. Elle poursuit également en justice le PDG de la filiale d'ENI, Saipem, ainsi que d'autres personnes impliquées dans cette affaire. Ayant localisé l'argent de Farid Bedjaoui sur des comptes en Asie (Hong Kong et Singapour notamment), les juges milanais soupçonnent une affaire de corruption et cherchent à déterminer les parties bénéficiaires de cette somme astronomique. Ce que tente de nier l'avocat de Farid Bedjaoui, estimant que son client «a gardé cet argent et il n'y a aucun virement à des officiels algériens». «Il faudrait que cet argent ait servi à corrompre quelqu'un. Il n'y a eu aucun virement à des officiels algériens. Il ne suffit pas de lancer des hypothèses, encore faut-il en apporter la preuve. Or, les investigations ont montré que M. Bedjaoui a gardé cet argent», répond-il à un journaliste qui lui demande si cette somme ne représente pas le montant des pots-de-vin perçus. Me Marsigny refuse également d'admettre que son client est en cavale en raison de l'émission d'un mandat d'arrêt international contre lui. «Cavale, cavale… ce terme fait un peu voyou», dit-il, laissant entendre que Farid Bedjaoui n'est pas encore convoqué par le tribunal de Milan qui a ouvert une audience sur la question, le 4 avril. «Encore faut-il qu'il soit convoqué», ajoute-t-il. «Comptes Offshore : Une banalité sans nom» Interrogé sur le fait que ces sommes apparaissent dans l'affaire Panama Papers et sur des comptes offshore, l'avocat semble avoir déjà préparé la défense de son client : «Quand vous êtes un homme d'affaires international, vivant sur plusieurs continents, c'est une pratique courante. M. Bedjaoui est d'une famille qui dispose de moyens importants. Avoir une société offshore, c'est d'une banalité sans nom. Dans cette affaire, tout a été contractualisé, tout est tracé. Mon client est le bénéficiaire économique de ces sommes. Il a donné son identité, montré son passeport, a transmis toutes les pièces à la justice. Nous sommes sereins sur l'issue du procès en Italie.» Cette ligne de défense sera-t-elle fructueuse ? Farid Bedjaoui, rappelons-le, figure parmi les principaux accusé dans l'affaire Saipem-ENI. En mars dernier, un de ses avocats a demandé à la cour d'«interroger son client et de convoquer l'ancien ministre algérien de l'Energie, Chakib Khelil, comme témoin dans cette affaire».