Karim Bardi reste indéniablement l'une des figures phares de la génération post-indépendance de la ville. Aujourd'hui, l'homme, quinquagénaire et père de deux enfants, semble avoir réussi à se défaire des aléas physiques des décennies sans se défaire pourtant de ce caractère de jovialité qu'il sème comme une indélébile et intrinsèque marque de civilité. Ce jeune homme vit aujourd'hui une passion qui l'a de tout temps habité. Il ne se passe pas un jour sans que des Skikdis poussent la porte de son magasin, près du marché couvert, pour lui soumettre leurs vieilles photos de famille que le temps et l'usure avaient fini par abîmer. En passionné, Karim parviendra à coups de retouches à les restaurer. «C'est comme s'il redonnait vie à tous nos anciens souvenirs. Quand on voit ce qu'il fait de ces photos presque irrécupérables, on ne peut que lui reconnaître un savoir-faire très rare de nos jours», témoigne une de ses clientes. Dans son spacieux magasin, Karim se contente pourtant juste d'un petit espace où il travaille au milieu de dizaines de vieilles photos. Il scrute avec acuité l'écran de son PC, à la recherche de la moindre tache à effacer, de la moindre rainure à combler et des fois, à reprendre carrément une photo jaunie, abîmée ou même pliée. «A vrai dire, j'ai toujours été attiré par la peinture. J'ai passé toute mon enfance à dessiner», rapporte Karim qui ne cache pas sa joie de vivre de sa passion. Ce qu'il ne dit pas, cependant, c'est qu'il est aussi poussé vers ce travail par cette grande générosité qui le caractérise. Quand on lui demande de revenir sur une anecdote relative à son travail, il enchaîne, presque, instinctivement «Je me souviens surtout de cet homme auquel je remettais la photo toute retouchée de sa vieille mère. En la voyant, il n'a pas réussi à retenir ses larmes. C'était trop émouvant. Il m'a dit : ‘‘Vous savez, on dirait que cette photo a été prise juste la veille''». Karim parle aussi de ce coup de fil de Mustapha Dahleb qui tenait à le féliciter pour un travail de montage photographique qu'il avait réalisé. Ces reconnaissances ont fait de Karim une référence dans le domaine. Lui, il semble plutôt se plaire dans cette proximité avec les gens et leur nostalgie. En magicien, il remet à jour les mille et un souvenirs des familles de Skikda. Il dispose d'ailleurs de centaines de vieilles photos qu'il a «réparées» comme s'il était le chirurgien de la mémoire locale. Mais Karim n'est pas seulement ça.Avant de se mettre au goût de la photographie, il était l'un des plus grands volleyeurs que Skikda ait enfantés avec les Benatssi Youcef, Abbes Allad et d'autres encore. Il fera partie en 1977 de l'équipe nationale junior, qui remportera la Coupe d'Afrique. Puis il prendra part aux jeux panarabes en Irak avec l'équipe nationale espoir. Une compétition qui le marquera pour toujours. Il en parle : «J'étais jeune à l'époque et ce fut la première fois que je pleurais en entendant l'hymne national fredonné dans le ciel irakien.» Aujourd'hui, ce jeune homme se plaît surtout à passer quelques heures dans son bureau à manipuler des logiciels afin d'en tirer le meilleur au profit de ses clients, de plus en plus nombreux. Même les enfants en font partie et Karim, en père de famille, sait souvent leur faire plaisir en les «accolant» à leurs idoles… Bonne continuation l'artiste.