Les enseignants contractuels de Ouargla sont encore corps et âme avec leurs camarades de Boudouaou, ils ont clos ce week-end leur seconde semaine de protestation devant le siège de l'éducation nationale de Ouargla. Une manifestation matinale, ponctuelle et discontinue qui tranche avec celle de Boudouaou, bien que marquée par la présence d'autres enseignants titulaires, ainsi que des deux syndicats les plus représentés dans la région, à savoir le Cnapeste et le CLA. De Skikda à Taouendert Zaouane Bachir, 36 ans, enseignant à l'école primaire de Hassi Miloud, originaire de la wilaya de Skikda où il a poursuivi ses études en sciences de gestion spécialité management, affirme avoir terminé ses études en 2003, mais n'a pu décrocher un contrat qu'en 2008, et ce, suite à la décision du ministère de l'Education d'intégrer cette spécialité dans le secteur. «C'était dans une école primaire à Taouendert, un village distant de quelque 800 km du chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset, là où il n'existe aucune forme de civilisation, ni eau courante, ni électricité, même pas la couverture réseau. Je préparais mes cours dans le noir, je parcourais 100 km de piste pour avoir des nouvelles de mes gosses, je n'ai pas vu une baguette de pain pendant plus de 9 mois et pour faire à manger, il fallait faire du feu de bois... Une aventure unique en son genre». La deuxième année, le contrat a été reconduit, mais au terme du premier trimestre, par mesure de sécurité, les gens ont été obligés de déserter les lieux car le Mali voisin de quelques kilomètres venait de s'embraser. «Pendant toute cette période, je subsistais avec mes propres moyens, je n'ai reçu mon dû que 18 mois après et faute de contrat dans le secteur de l'éducation, j'ai dû rebrousser chemin et je me suis retrouvé au chômage forcé», raconte-t-il. Fort heureusement pour lui et sa famille après plusieurs années de crise financière étouffante avec trois enfants à charge, en plus de leur mère au chômage elle aussi, il a décroché un autre contrat, cette fois-ci dans la wilaya de Ouargla. Cap sur Hassi Miloud «Aujourd'hui je suis dans un petit village distant d'une vingtaine de kilomètres au nord du chef-lieu de wilaya, et cette fois-ci je vous assure que j'ai vu des vertes et des pas mûres, l'ensemble des professeurs sont des vacataires dans des postes vacants, nous, on est trois de Skikda, les autres d'El Hajira, éloignée d'une centaine de kilomètres à vol d'oiseau. On est sans le sou depuis le début du contrat et j'ai dû squatter le poste de police de l'école pendant plusieurs mois, en compagnie de ma fille de 5 ans, qui m'a accompagné du bled, j'attendais que les responsables m'octroient un logement de fonction, mais hélas, ce dernier est occupé par un cadre de l'université de Ouargla. Ces derniers jours, j'ai dû louer une maison pour faire venir ma famille auprès de moi. Je suis criblé de dettes et je n'arrive pas à voir le bout du tunnel, cette intégration constitue une résurrection pour moi et ma famille, je suis hautement qualifié, j'ai eu des propositions dans plusieurs sociétés avec des salaires conséquents, mais moi je suis dévoué à l'éducation, je n'y peux rien». Intégration M. Zaouane demande son intégration. Littéralement enseignant-voyageur depuis huit ans pour sa noble mission, il se considère comme un laissé-pour-compte parmi tant d'autres jeunes hommes et femmes qui ont accepté de travailler dans cette Algérie si vaste, dans les régions les plus reculées et dans les conditions les plus extrêmes. L'intégration, un rêve, une revendication, une raison de vivre pour Zaouane et ses camarades de toute l'Algérie.