Alors que la veuve de Salah Boubnider accuse l'ancien compagnon du défunt, le commandant Azzedine, d'«escroquerie» et interpelle le Président pour «faire appliquer les décisions de justice», l'avocat de ce dernier récuse tous les faits reprochés à son client et promet «d'honorer» le remboursement des fonds objet du litige. La veuve de l'ancien officier de l'ALN, Salah Boubnider, et ses enfants ont interpellé, hier, le président de la République, en tant que premier magistrat, lui demandant de faire respecter la loi et à mettre un terme aux manœuvres de celui qui se revendique, à tort, être sous sa protection pour intimider et bloquer l'exécution d'un jugement définitif. Les signataires de cette lettre sont revenus sur les circonstances de cette affaire, en déclarant : «Victimes d'une escroquerie qui nous a ruinés, mes fils et moi avons déposé, le 14 octobre 2013, une plainte au parquet de Chéraga contre Zerari Rabah, alias commandant Azzedine, son gendre Hadjouti Hamza et sa fille, Chellali Fifi, pour ‘‘escroquerie'', ‘‘faux et usage de faux'' et ‘‘émission de chèques sans provision''. Jugée en première instance (...), l'affaire a connu son épilogue le 31 mai 2015 devant la cour d'appel de Tipasa, qui a rendu deux décisions : sur le plan pénal, elle a condamné à 2 ans de prison ferme Zerari Rabah et son gendre Hadjouti Hamza, et à 6 mois de prison ferme Challali Fifi, pour ‘‘escroquerie'', ‘‘faux et usage de faux'' et ‘‘émission de chèques sans provision''», tout en ordonnant la restitution des sommes extorquées aux victimes. Selon les signataires, durant la procédure, les mis en cause «ont organisé leur insolvabilité en transférant, selon l'enquête, leur argent en France pour empêcher l'exécution du jugement, et au mois d'août 2015, Me Farouk Ksentini, en sa qualité de président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), a pris contact avec nous et avec d'autres victimes partie civile. Devant témoins, il nous a tenu le discours suivant : ‘‘Le commandant Azzedine a vendu un immeuble, il va indemniser toutes les personnes qui se sont constituées partie civile.'' Pointant l'index vers le ciel, Me Farouk Ksentini continue : ‘‘J'ai été chargé par de très hautes personnalités de l'Etat de régler ce problème, je viens d'ouvrir un compte client le 5 octobre, je remettrai moi-même les chèques aux victimes.'' Il dira même à l'un de mes enfants : ‘‘Dites à Madame Boubnider que je suis le garant du recouvrement de ses biens spoliés''.» Mme Boubnider et ses enfants précisent que trois mois plus tard, leur avocat a entamé une procédure de contrainte par corps contre Hadjouti Hamza près le tribunal de Koléa, dont relève la localité de Htatba, «résidence officielle du condamné, même s'il habite chez son beau-père à Club des Pins. Le président du tribunal fixe la contrainte par corps à trois années d'emprisonnement afin de l'obliger à régler sa quote-part des indemnisations décidées par la cour de Tipasa». Informé de cette procédure, Me Ksentini, notent les signataires, «s'est présenté devant le procureur de Koléa pour bloquer la procédure. Devant le magistrat, il s'est porté garant d'une solution à l'amiable, en s'engageant à remettre lui-même les chèques à la partie civile le 17 janvier 2016 (…). Malgré le rendez-vous fixé au 5 octobre pour le règlement définitif du problème, Me Farouk Ksentini nous a renvoyés au mois de novembre 2015, puis décembre, puis au 17 janvier 2016 ! Mais toujours sans résultat. En mars dernier, il s'est engagé plus concrètement, toujours devant témoins, en affirmant : ‘‘La vente de l'immeuble du commandant Azzedine a été conclue, l'acheteur étant une entreprise publique et au vu de la somme importante représentant le prix de l'immeuble, cela a demandé un peu de temps, mais le gouverneur de la Banque d'Algérie m'a assuré que l'argent entrera sur le compte client le 6 avril 2016. Le 7 avril, vous aurez vos chèques''. Mais 10 mois après, l'exécution du jugement est toujours bloquée». Les signataires du communiqué s'interrogent «sur le mobile des manœuvres dilatoires» de Me Ksentini, «qui n'a pas hésité, en sa qualité de président de la CNCPPDH, à impliquer ‘‘de très hautes personnalités de l'Etat'', pour bloquer l'exécution d'une décision de justice». Ils qualifient cette situation d'«impasse», avant d'interpeller le Président, en tant que premier magistrat du pays, garant de l'indépendance de la justice et du bon fonctionnement des institutions. Contacté hier, Me Farouk Ksentini nie avoir exercé une quelconque pression pour bloquer la procédure, comme le prétend la famille Boubnider. Il persiste à affirmer qu'il a été mandaté pour payer les mis en cause avec lesquels il est arrivé à un arrangement à l'amiable pour leur restituer les sommes réclamées. «L'argent existe, mais sa remise est une question de temps. S'ils ne veulent pas le récupérer à l'amiable, ils ont des voies pour forcer le paiement. Moi, je ne suis qu'un avocat qui tente de trouver une solution à l'amiable. Je n'ai aucun intérêt dans cette affaire et je ne peux influer sur la justice, pour la bloquer. La volonté de payer a été clairement exprimée, il n'y a pas de raison de s'inquiéter. Il faut attendre que les revenus du bien vendu soient disponibles, pour pouvoir payer», a déclaré Me Ksentini.