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On doit revoir le marketing global de l'apprentissage Kamel Ouali. Directeur général du Fonds national de développement de l'apprentissage et de la formation continue
- Qu'est-ce que le Fonds national de développement de l'apprentissage et de la formation continue ? Le Fonds national de développement de l'apprentissage et de la formation continue (FNAC) est issu de la loi de finances de 1998. A l'époque, deux taxes avaient été instituées, l'une pour la formation continue et l'autre pour la formation par apprentissage. Elles étaient fixées alors à 0,5% de la masse salariale, chacune. L'entreprise était tenue de consacrer ce montant pour la formation de ses employés et la prise en charge des apprentis. Si elle ne le faisait pas, elle était assujettie à ces taxes. Et si elle consacre moins de 0.5% de sa masse salariale à ces actions, elle paye la différence. Ces taxes de la formation continue et de l'apprentissage sont semestrielles, il faut les déclarer à la base. La commission de la formation professionnelle de la wilaya est chargée de contrôler les entités économiques et d'étudier ce qu'on appelle l'effort de formation. Et dans le cas où l'entreprise fait cet effort qui doit dépasser les 0.5% pour chacun des deux volets, elle se voit délivrer une attestation d'exonération de ces taxes. - Y a-t-il des rapports réguliers de ces commissions ? Et quel en est le constat ? Le FNAC reçoit ces rapports, ils sont en dents de scie. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui jouent le jeu. Le problème est que ces taxes restent en mode déclaratif. Donc, cela dépend beaucoup de l'honnêteté et de la bonne volonté des entreprises. Ainsi, si ces taxes sont déclarées, elles sont constatées par les services des impôts. Dans le cas contraire, elles passeront inaperçues. Et malgré l'existence d'une circulaire du ministère des Finances datant de 1998, qui oblige, d'un côté les entreprises à payer, et de l'autre, les recettes des impôts à percevoir ces taxes, beaucoup ne les déclarent pas. Il faut dire aussi que la majorité ne connaît pas vraiment leur existence. Cela, pour la simple raison qu'elles ne sont pas notifiées dans le formulaire des impôts, le G50. Ces taxes de la formation professionnelle n'y figurent tout simplement pas. Alors, nous demandons aux entreprises de les mentionner en bas du formulaire dans une rubrique intitulée «autres taxes». Il faut savoir que si l'entreprise ne s'en acquitte pas, elle est pénalisée à hauteur de 25%. Là encore, on trouve un autre problème. Car, cette pénalité ne va pas dans notre Fonds. Elle est récupérée par les services des impôts. Le FNAC est ainsi doublement pénalisé. D'un côté, l'entreprise ne fait pas l'effort de formation et ne paye pas les taxes, et de l'autre, ce sont les services des impôts qui récupèrent la pénalité. Ainsi, ce sont des milliards que le fonds perd et il n'y peut rien. Mais, il faut reconnaître que maintenant, dans certaines wilayas, particulièrement les grands centres urbains comme Alger et Oran, ça commence à bouger. Dans ces wilayas dotées d'un tissu industriel important, les directions des impôts obligent les entreprises à payer ces taxes. Par contre, dans d'autres régions, les acteurs économiques ne voient pas encore leur importance. - En fait, qui est concerné par ces taxes ? Ce sont les entreprises qui ont plus de 20 salariés. Moins, elles ne payent que la taxe de la formation par apprentissage. Cela aussi est un dilemme. Car le tissu économique national est majoritairement constitué de petites entités économiques. Donc, la plupart des entreprises sont dans le deuxième cas, elles échappent ainsi au fisc. - Combien ces taxes rapportent-elles par an ? On n'a pas cette information. Le FNAC ne gère pas les taxes. Car on est le dernier maillon d'une chaîne. Le compte d'affectation de l'entreprise déclare l'effort de formation, ensuite l'information est destinée aux services des impôts. Ces derniers l'envoient au niveau de la trésorerie principale des wilayas, qui l'affecte à la trésorerie générale d'Alger, où un compte est ouvert pour récupérer les taxes de la formation continue et de la formation professionnelle. Le rôle du FNAC est d'élaborer son budget de financement annuel, qu'il communique au ministre de tutelle. C'est lui, en cas de validation, qui fait l'appel de fonds. Donc, nous, on n'a pas d'information officielle sur la teneur de ce compte. Il y a certainement de l'argent, surtout que depuis 2007, les taxes ont été portées à 1% de la masse salariale chacune, donc toutes les deux à 2%. Le montant a certainement augmenté et la cagnotte est importante. Le Fonds est là pour rendre cet argent aux entreprises à travers le financement des formations. Mais je dois dire qu'il y a un problème de procédure qui se pose. Après avoir réglé celui des comptes d'affectation – il y en avait deux, l'un pour la formation continue et l'autre pour l'apprentissage avant d'être fusionnés – au niveau des recettes des impôts, le rôle du Fonds restait un peu vague jusqu'à récemment. On disait que le FNAC était chargé du développement de la formation continue et de la formation par apprentissage. Mais chacun avait son interprétation du développement. On a eu beaucoup de difficultés avec ça. On a été dans des situations très compliquées. Et cela a fait peur aux entreprises et autres acteurs en relation avec nous. Mais depuis la dernière loi de finances (2016), les prérogatives ont été définies. On y voit plus clair. - Quelles sont les prérogatives du FNAC ? Le Fonds est un organisme de financement de la formation professionnelle. L'entreprise qui ne paye pas l'effort de formation paye une taxe qui doit retourner à l'entreprise à travers le financement d'actions de formation. L'objectif principal du FNAC est le développement de la formation continue et de la formation par apprentissage. Par exemple, cette année, on va offrir les outils de base et la documentation technico-pédagogique pour l'apprenti et le maître d'apprentissage. Pour ce qui est de la formation continue, qui est destinée aux entreprises, l'entité, qui est en règle vis à vis de la taxe, peut bénéficier de deux principaux projets. Le premier est le Plan collectif de formation continue (PCLC) qui offre des formations FNAC à l'ensemble des entreprises. Cette année, le plan prend en charge 5000 salariés. Une vingtaine de thèmes sur tout ce qui concerne l'entreprise sont choisis, cela va de la formation en gardiennage en passant par le marketing, le traitement de la pays, etc. Ce sont des formations qualifiantes, qui n'excèdent pas les cinq jours, idéales pour les petites entreprises. Le second plan prévoit des actions de formation spécifiques pour 5 000 autres employés. Celles-ci sont destinées aux entreprises qui remplissent certaines conditions et qui présentent leurs besoins en formation. Pour celles qui ont payé leurs taxes, on prend en charge le financement de leurs formations. A l'entité économique d'établir son plan de formation, de le soumettre au FNAC qui se charge de la gestion. C'est-à-dire, on établit le cahier des charges et choisit l'établissement de formation. Il faut savoir que le Fonds ne forme pas, il finance tout simplement. Selon le plan élaboré par l'entreprise, il fait une consultation restreinte ou lance un avis d'appel d'offres. Une fois le choix de l'établissement agréé établi, le FNAC finance et suit l'évolution de la formation. - Elles sont nombreuses les entreprises qui présentent leurs offres ? Il y a beaucoup d'entreprises qui jouent le jeu, mais comme il y avait un petit flottement au niveau procédural, un certain moment, elles avaient un peu peur du Fonds. Mais maintenant elles commencent à venir. D'autant qu'on est en train de mettre en place un système d'information et de communication adéquat avec un site web. On gère directement via ce site. Par ailleurs, d'autres actions sont menées en simultané. Il faut savoir que notre secteur a signé des conventions avec l'ensemble des départements ministériels cela fait une année, et le FNAC a été désigné pour mener l'ensemble des actions de formation. Mais en vérité, le problème qui se pose actuellement c'est le feed-back. On n'a jusqu'à présent pas reçu les besoins en formation de ces entreprises. Elles n'arrivent pas à identifier leurs lacunes. Rares sont les entreprises qui connaissent les procédures pour élaborer et identifier leurs besoins en formation. Donc, on se retrouve dans une situation, où le Fonds est disposé à financer, mais il n'y a pas de demande. On invite toutes les entreprises qui sont en règle vis-à-vis des taxes de la formation professionnelle à se rapprocher du FNAC pour bénéficier de ces financements. - Est-ce que vous avez une stratégie de formation, par secteur ? Pour l'instant il n'y a pas ce genre de stratégie et on ne peut pas la mettre en place, car tous les secteurs sont prioritaires pour nous. Et puis on est en manque de demande. On favorisera un secteur sur un autre le jour où on aura beaucoup de demandes. Pour l'instant, tout le monde est le bienvenu. - Qu'en est-il de la formation par apprentissage ? D'abord, le Fonds offre l'outillage et la documentation. On a également prévu les petits encouragements pour les meilleurs apprentis. C'est nouveau, on va les distribuer sur l'ensemble des 48 wilayas. On va aussi donner une prime aux maîtres d'apprentissage, qu'ils soient issus de l'entreprise ou de l'établissement de formation. On prévoit par ailleurs de mettre en avant des success stories, on a un petit budget pour cela. L'objectif est de valoriser l'apprenti. Au niveau des pouvoirs publics, on a pris l'apprentissage en charge de A à Z. Malheureusement, ça ne marche pas car on n'a jamais essayé d'aller vers l'entreprise pour voir ce qui manque. Il doit y avoir quelque chose qui cloche. On doit revoir le marketing global de l'apprentissage, il faut vendre la carrière. En 2015, le FNAC a mis en place des conférences régionales de l'apprentissage. 15 conférences ont regroupé l'ensemble des wilayas pour mettre en place justement ce marketing global de l'apprentissage, c'est-à-dire aller vers l'entreprise pour voir sa vision, déterminer ses besoins et, à partir de là, réorienter notre stratégie. Maintenant, je pense qu'on va peut-être vers une autre loi sur l'apprentissage. - Qu'est-ce qui cloche réellement dans la formation par apprentissage ? Je ne comprends pas. L'Etat mise sur cette formule et compte arriver à 65% d'apprentis à l'horizon 2019. Tout est pris en charge : les outils des apprentis, la documentation... La loi existe, le présalaire est garanti, etc. Pourtant, beaucoup d'entreprises préfèrent payer la taxe sur l'apprentissage et ne pas recevoir d'apprentis. Et il n'y a pas que cela. Certaines entités refusent de former des apprentis. Elles disent que c'est un fardeau pour elles, un poids supplémentaire, alors qu'un apprenti aide aussi. C'est un ouvrier pratiquement. On ne leur demande pas de les recruter, mais juste de les former et leur donner le côté pratique. Certaines entités dénoncent des complications d'ordre logistique, par exemple les entreprises qui ont des chantiers en dehors d'Alger et qui ne peuvent garantir l'accès aux apprentis, ce dernier ne peut pas travailler la nuit, etc. Pourtant la loi oblige les entreprises à prendre un quota d'apprentis, les textes sont clairs. - Un dernier mot ? Je lance un appel à toutes les entreprises : venez bénéficier du financement des formations offertes par le FNAC. Vous devez prendre conscience de l'importance de former vos personnels. Ce n'est pas un luxe. C'est juste indispensable pour l'évolution de vos activités.