Abdurrahman Benatia, ne pouvait mieux tomber. Au moment où le débat sur tamzight prend un autre tournant, cet ouvrage de 130 pages veut nous éclairer, bien qu'en s'interrogeant sur les caractères envisagés pour la langue berbère. D'entrée, Benatia nous met dans le bain langagier. «La langue parlée par un peuple, une nation, une communauté, représente l'ensemble des mots dont se servent les locuteurs de cette langue pour communiquer entre eux, exprimer une idée, raconter un récit. Si la parole est l'expression verbale de toute langue, l'écriture, elle, en est la traduction au moyen de signes tracés sur un support quelconque : l'écriture sera alors le véhicule de cette langue écrite. L'arabe, de même que le berbère, les deux idiomes utilisés au nord de l'Afrique occidentale font partie de la famille des langues hamito-sémitiques, la famille linguistique avérée la plus ancienne». Le Dr Benatia donne des exemples concernant les appellations : Alger, fondée par les Phéniciens et appelée par eux Ikosim, était, avant l'occupation française de 1830, et surtout après cette dernière, peuplée en majorité d'habitants originaires de Kabylie. La situation géo-spatiale de cette ville, entre la Haute Kabylie, à l'Est, et les monts Chenoua, à l'Ouest, des régions qui sont restées berbérophones jusqu'à nos jours, corrobore le sens de l'appellation ancienne de cette cité «Jazaïr des Beni Mezghenna», du nom d'une tribu berbère, comme l'indique le radical M. Z. GH, duquel dérive le terme amazigh. De nombreux mots de tamazight ont acquis droit de cité dans le parler arabe et sont perçus comme des termes arabes. Exemples Al lus (beau-frère) Agnin (al gnina lapin) A bakkuch (al bakouch, muet), Tâbrât (al briyya, lettre), Afardhûdh (Al fartatou, papillon), Azakrun (azakrun verrou).Le docteur se réfère souvent à ses ouvrages précédents, comme Ibérie et berbérie et plonge dans l'histoire très ancienne des populations issues des deux versants de la Méditerranée. Quelle écriture pour la langue berbère ? Deux parties irréductibles s'affrontent : les partisans de l'alphabet latin estiment que ce dernier est usité dans la majeure partie des pays du globe. Les partisans de l'utilisation de l'alphabet arabe plaident plutôt pour des raisons plus nationales qu'internationales : tous les enfants scolarisés depuis 1962 sont en mesure d'écrire et lire les caractères de l'alphabet arabe. Le Dr Benatia prévient en conclusion que beaucoup d'amalgames ont été faits au cours de l'histoire, comme l'utilisation du mot barbare homonyme de berbère. Une sémantique insultante pour tout un peuple, déshonorante pour celui qui l'emploie, surtout en arabe, où l'absence de voyelles ne permet pas de faire une lecture différentielle. Le docteur en appelle aussi au retour aux appellations authentiques des noms propres. Jazaïr en caractères latins et ses habitants, Jazaïrois, Jazaïri au singulier, en lieu et place des appellations actuelles. La naissance de l'histoire se confond avec l'apparition de l'écriture. Mais de nombreux peuples de tradition orale ne connaissaient pas l'écriture ou en avaient perdu l'usage. Ils n'ont pas laissé de traces écrites. Est-ce à dire que ces peuples ne possédaient pas une histoire ?