Tu seras un homme mon fils!» Telle est la maxime qui collerait au petit Ghilès, 5 ans, qui a réussi vaillamment à boucler un circuit de 15 kilomètres sur une altitude de 1700 mètres, pour atteindre le majestueux lac Agoulmime, qui trône au pied du mont Djurdjura. Une randonnée à la dimension aussi bien touristique que sportive, organisée le week-end dernier, par le Centre national des sports et loisirs de Tikjda (CNSLT), qui a réuni près de 200 personnes, venues des quatre coins du pays, pour savourer un moment inouï dans une nature à couper le souffle. Dès les premières heures d'une claire journée printanière, le groupe s'est réuni sur une esplanade, dont Mère Nature a généreusement paré le site. La marche s'ébranle avec un important groupe de femmes et d'hommes, quelques adolescents et le petit Ghilès, haut comme trois pommes, mais décidé plus que jamais à emboîter le pas à son papa et à lui prouver qu'il ne le décevra pas. Il relèvera le défi et finira l'ascension sans flancher ni se plaindre. Il est ainsi des virées aux allures de pèlerinage, à la Saint-Jaques-de-Compostelle, les marcheurs ont, sur tout le parcours, ressenti la puissance des lieux et le sacré d'un site d'habitude jalousement gardé par les habitants du coin. Il faut dire que les natifs de Tikjda n'apprécient guère les nombreux pas qui viennent violer leur territoire. Et ce n'est pas de la xénophobie, mais cette crainte de l'étranger qui pourrait ne pas respecter à sa juste valeur une terre ancestrale si convoitée et tant de fois bafouée. Les feux de forêt, qui détruisent chaque été des pans entiers de territoires de pins et de cèdres centenaires, voire millénaires, interpellent les regards des visiteurs, tels les stigmates d'une menace de l'homme sur la magnificence de la nature. Le cortège poursuit son escalade ainsi à petite allure et à pas mesurés, car le terrain est escarpé et les voies caillouteuses et noueuses. Le moindre faux pas se termine en chute plus ou moins regrettable. Pourtant, à ce stade, personne ne se plaint ni ne parle. La grandeur de la nature, le vide sidéral qui creuse les montagnes, ainsi que le silence assourdissant, imposent une abstinence verbale, de crainte de provoquer d'éventuels esprits qui veilleraient à la tranquillité du coin. Seule la voix des guides mobilisés par le complexe touristique résonnent sur les façades en rocaille, qui, pour montrer une rivière chantante, qui, pour raconter les légendes qui entourent les lieux, celle de Mimouna à quelques encablures de là, celle de la Main du juif, ou encore pour parler de la vallée d'Aswel qui mène directement dans la wilaya voisine de Tizi Ouzou. Les rayons de soleil commencent à piquer, après une marche de quatre heures sur un chemin en pente, mais néanmoins riche en découvertes animales et végétales, l'apparition miraculeuse et quasi providentielle du lac Agoulmime soulage le groupe. C'est un paysage aux allures de steppe d'Amérique du Sud, qui accueille la masse humaine encore éblouie par tant de beauté. Une étendue d'eau verdâtre dans laquelle paissent paisiblement les bovins sauvages. C'est dans ces conditions qu'un pique-nique est improvisé, offrant l'occasion aux marcheurs exténués de se remettre de leurs efforts et de reprendre leurs forces à l'ombre des montagnes environnantes. Une trêve réparatrice et salvatrice, qui a permis aux visiteurs du site de faire le plein de découvertes. Mais aussi de prendre conscience du devenir d'un site considéré comme patrimoine naturel et sérieusement menacé par un impact humain destructeur, maintes fois dénoncé par les associations et les militants écologistes, qui ne cessent le tirer la sonnette d'alarme pour sauver un écosystème d'une rare biodiversité riche en espèces endémiques, parfois en voie d'extinction. Enfin, le retour vers le point de départ fut plus facile, tant en raison de la satisfaction des randonneurs d'avoir réussi une ascension impressionnante, que par l'euphorie générale qui régnait, grâce aux bonnes vibrations d'une nature reposante et apaisante. Un autre parcours de trois heures, en une fin d'après-midi marquée par le brouillard, rendant la visibilité délicate, le chant des rossignols et autres ténors ailés sur fond sonore et le vol des rapaces pour donner encore plus de cachet à l'expérience. La joyeuse compagnie s'est ainsi acheminée d'un pas nonchalant vers le chalet du Kef, l'autre merveille, cette fois humaine, du Parc national du Djurdjura.