Chakib Khelil a révélé que ses deux enfants et son épouse ne peuvent pas quitter les Etats-Unis où ils vivent en raison du mandat d'arrêt international dont ils font l'objet. Pendant plus de deux heures, Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie, est resté imperturbable, sur le plateau de la chaîne de télévision privée Ennahar, face à un journaliste qui l'acculait par des questions, suggérant souvent des réponses qu'il n'arrivait pas à obtenir. Très serein, Khelil refuse d'accuser une quelconque partie «faute de preuve» face à un journaliste qui s'acharne à lui faire dire ce qu'il veut entendre. Pour lui, «il n'y a rien dans le dossier». Il revient sur sa convocation, «la seule et en tant que témoin», alors qu'il était aux Etats-Unis. Il ne pouvait pas répondre parce que le médecin lui avait «interdit» de voyager durant deux mois : «J'ai écrit à la police judiciaire en justifiant mes propos à travers le certificat médical.» Le journaliste revient à la charge : «Allez-vous poursuivre ceux qui ont fomenté cette affaire contre vous ?» Khelil : «Je n'ai aucune preuve contre qui que ce soit…» N'ayant pas arraché ce qu'il espérait entendre, le journaliste revient sur l'affaire Sonatrach 1 et demande à Chakib Khelil ce qu'il pense des poursuites contre les cadres dirigeants de la compagnie. «Les officiers du DRS étaient informés de tout ce qui se passait dans le secteur. Leur représentant, du grade de colonel, assistait aux réunions et s'informait sur toutes les négociations autour des contrats. Ils savaient tout. Le PDG de Sonatrach m'a appris qu'il avait répondu à une convocation du DRS, et que Chawki Rahal avait été pris de son bureau et qu'il n'avait pas donné signe de vie, au point où j'ai appelé Ahmed Ouyahia pour aider sa famille à le retrouver. Les cadres étaient interrogés par cinq à six officiers durant toute la journée. Mais je n'ai aucune preuve. Ce sont leurs propos que je répète…» Le journaliste l'interroge sur sa relation avec Toufik Mediène, l'ex-patron du DRS (dissous), et Khelil répond : «Je ne l'ai rencontré que deux ou trois fois. La première pour lui remettre la loi sur les hydrocarbures, la seconde pour lui demander de relever le colonel du DRS affecté au ministère et qui interférait trop dans la gestion et il a été muté d'ailleurs.» Khelil affirme que le général Toufik n'a émis qu'une seule réserve sur cette loi, qui concernait l'emplacement du siège du ministère de l'Energie au milieu d'habitations et de commerces privés. Le journaliste rebondit : «N'est-ce pas parce que cet endroit était convoité pour en faire des biens immobiliers ?» Chakib Khelil conteste. Le journaliste passe rapidement à Farid Bedjaoui. Pour Khelil, celui-ci n'est qu'un représentant d'une société étrangère : «Toutes les compagnies avaient leurs représentants, souvent des Algériens, qui leur collectaient des informations pour lesquelles ils étaient rémunérés.» Le journaliste interroge son invité sur les biens qu'il possède. Khelil affirme n'avoir qu'un compte CCP en Algérie, avec un montant d'un million de dinars, et un autre aux USA où est versée sa pension de retraite de la Banque mondiale. Khelil nie avoir encaissé les 197 millions d'euros de commission dans le cadre de l'affaire Saipem, jugée à Milan ; il ne cesse de répéter qu'il n'a ni compte ni fonds cachés. A propos de ses comptes en Suisse, il dit les avoir ouverts pour transférer les 900 000 dollars de ses pensions de retraite et de ses investissements. Khelil va jusqu'à nier ses «nombreuses» rencontres avec l'ancien PDG du géant pétrolier Eni, Paolo Scaroni. Ce dernier, faut-il le rappeler, l'avait nommément cité en affirmant l'avoir rencontré à Paris avec Farid Bedjaoui. «Il n'y a aucune preuve sur ce qu'ils avancent. Dans le scandale Panama Papers, il y a des preuves, mais pas dans cette affaire.» Au moment où il évoquait les Panama Papers, Khelil ne savait certainement pas que sur la liste des personnes impliquées dans ce scandale se trouvent les noms de son épouse et de ses deux enfants. Il reconnaît cependant que ni ses deux enfants ni son épouse, ressortissants américains, ne peuvent quitter les Etats-Unis ; les trois font encore l'objet d'un mandat d'arrêt international dans le cadre de Sonatrach 2. Khelil nous apprend, qu'il a déposé, vers la fin 2013, un dossier pour une carte de résidence, qu'il n'a obtenue que début 2015. Il ne dément pas avoir connu Sarah Bessam, l'actrice égyptienne accusée de blanchiment dans son pays, mais souligne : «Ce sont les journaux qui ont créé cette affaire.» Le journaliste insiste : «Qui a fait réagir les journaux ?» Khelil persiste à dire qu'il n'y a aucune preuve. Le journaliste lui demande encore : «Qui est derrière votre affaire ? N'est-ce pas ceux auxquels vous avez coupé les vivres ? Les officiers 20% et 30% ?» Face à cette insistance, Khelil reste imperturbable et lance : «Je n'ai aucune preuve.» Il fait l'éloge de Ahmed Ouyahia, exprime son souhait de rencontrer le Président, présente le Premier ministre Abdelmalek Sellal comme «un ami» et Gaid Salah comme «une compétence profesionnelle». Il s'attarde cependant sur Amar Saadani, qu'il «aime beaucoup» et avec lequel il est en contact. Depuis son retour au pays, il y a 8 semaines, Khelil n'a vu que lui. Il fait sourire le journaliste en lui disant : «Je souhaite que tous les ministres soient aussi courageux que Amar Saadani.» Le journaliste lui rappelle que ce même Saadani l'a défendu en le présentant comme «le meilleur ministre que l'Algérie ait enfanté» et Khelil répond : «Je suis toujours le meilleurs des ministres.» Khelil refuse d'accuser qui que ce soit «faute de preuve» et le journaliste rebondit : «Saadani vous a défendu d'une manière incroyable et vous, vous refusez de citer des noms. Pourquoi ne parlez-vous pas ?» Khelil lâche : «Saadani et Ouyahia font de la politique pour gagner des voix aux élections. Moi je suis un technocrate qui vois autrement les choses.» Revenant sur les accusations portées contre lui par Scaroni, Khelil déclare : «Oui j'ai rencontré Scaroni et on a parlé d'engineering dont pourrait profiter Sonatrach à travers une participation d'ENI dans l'IAP à hauteur de 10% de son capital.» Il affirme aussi avoir rencontré Mohamed Meziane, ex-PDG de Sonatrach, avec lequel il aurait discuté «des 4000 cadres injustement incarcérés». Pour lui, Meziane est innocent et la justice l'a acquitté ; il semble ignorer que Mohamed Meziane a écopé d'une peine de 5 ans de réclusion criminelle avec sursis. Le journaliste demande pourquoi n'avoir pas dénoncé le DRS ; Khelil le surprend par sa réponse : «Le DRS était en droit d'enquêter. La police judiciaire de ce département était habilitée à le faire. Pourquoi devais-je écrire au général Toufik ? Il avait le droit de le faire. Je respecte la loi. Je n'interférais pas dans ses prérogatives…» N'ayant pas pu arracher les réponses voulues, le journaliste revient à la charge : «Pourquoi se sont-ils acharnés sur vous et non pas sur Amar Ghoul ? Est-ce parce que vous n'avez pas joué au football avec Toufik comme le faisait Ghoul ?» Khelil éclate de rire. Cerise sur le gâteau, le journaliste lance : «Vous êtes l'homme du consensus, tout comme Bouteflika. Pouvez-vous diriger le pays ?» Khelil répond : «J'ai géré un secteur que je maîtrise. C'est le peuple qui décide pour le pays.»