L'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU au Sahara-Occidental vient d'effectuer ce qui est certainement sa plus longue tournée au Maghreb, et encore car après l'étape algérienne, il prévoyait de se rendre en Mauritanie. Plus de deux semaines pour effectuer ce deuxième voyage, non pas en raison de quelque négociation, mais à cause de problèmes de calendrier. Alvaro De Soto était donc hier à Alger où il a pu s'entretenir avec Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères. Et de ces entretiens, qui interviennent après ceux de Rabat marqués par le blocage marocain, ceux de Tindouf où les dirigeants sahraouis rappelaient leur attachement au plan de l'ONU, l'on retiendra encore une fois le rejet des thèses marocaines par les Nations unies. C'est ce qui ressort des propos de Alvaro De Soto qui a affirmé qu'il était mandaté pour trouver une solution « reposant sur le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui ». Ce n'est pas la première fois qu'est mise en avant l'idée de rechercher ce qu'on a déjà appelé la « solution politique mutuellement acceptable », une formule qui a failli connaître une grave déviation puisqu'elle a été exploitée pour tenter de promouvoir ce qui allait être présenté comme « la troisième voie » et qui ne consistait en rien d'autre qu'en le rattachement pur et simple du territoire sahraoui au royaume du Maroc. Sauf que cette solution devait être acceptée par les deux parties. Ce qui ne fut pas le cas. Et cette fois, la précision est elle aussi de taille puisque la solution politique en question doit reposer sur le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Ce qui constitue une réaffirmation du caractère colonial de la question sahraouie et la validité du plan de paix de l'ONU dont le référendum demeure l'élément central. Cette solution, M. De Soto est venu la « chercher avec les parties en conflit dans le Sahara-Occidental et avec les pays voisins ». L'on remarquera que l'ONU emprunte une autre terminologie, laissant de côté celle de « parties concernées et parties intéressées », lui substituant celle déjà connue de « parties en conflit », le Maroc, le Front Polisario et « les pays voisins », c'est-à-dire l'Algérie et la Mauritanie. L'on remarquera, par ailleurs, que le plan Baker ne prévoyait pas de solution politique. Il avait été soumis aux deux parties en conflit afin qu'il soit accepté et appliqué. Et comme le veut la règle en la matière, les conclusions de cette tournée constitueront la substance du prochain rapport que le secrétaire général de l'ONU doit soumettre au Conseil de sécurité avant la fin du mois d'octobre, date à laquelle expire l'actuel mandat de la Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara-Occidental (Minurso). M. Belkhadem a, de son côté, déclaré avoir expliqué à M. De Soto que « l'Algérie n'est ni le tuteur ni le porte-parole des Sahraouis, que les parties en conflit sont le Front Polisario et le royaume du Maroc et qu'il y a un plan de règlement et un plan de paix élaboré par M. (James) Baker », prédécesseur de M. De Soto et qui a démissionné de son poste en juin dernier. Le chef de la diplomatie algérienne a, en outre, souligné avoir dit à M. De Soto que « l'Algérie s'en tenait au plan de règlement, à la légalité internationale et à l'accord de paix qui a été adopté par les Nations unies », comme elle l'a fait avec beaucoup d'insistance durant cet été. Une position qui a été rappelée avec beaucoup de fermeté en signe de rejet du fait accompli colonial que le Maroc entend imposer. De l'autre côté de la Méditerranée, le ministre espagnol, qui s'était vu opposer par les Algériens un refus ferme et poli pour un conclave qui devrait déboucher sur une solution politique, a affirmé hier que le plan Baker qui préconise un référendum d'autodétermination au Sahara-Occidental est une « référence » mais n'est pas « sacro-saint ». Pour Miguel Angel Moratinos, « ce sont les parties qui doivent décider si il faut l'adapter, l'améliorer, l'enrichir (...) et, en conséquence, rien dans la vie n'est sacro-saint », a-t-il dit à des journalistes espagnols dans les couloirs du Sénat. « Le plan Baker est toujours le point de référence, c'est celui qu'a approuvé ce gouvernement lors de la dernière résolution du Conseil de sécurité de l'Onu et nous espérons qu'il sera réaffirmé lors du prochain débat aux Nations unies, mais nous ne fermons aucune possibilité », selon M. Moratinos. Le Sénat espagnol a voté mardi une motion avec la seule abstention du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au pouvoir, demandant au gouvernement de ne pas « transférer les négociations » sur l'avenir de l'ancienne colonie espagnole « depuis les Nations unies vers d'autres cadres bilatéraux et régionaux ». Selon M. Moratinos, « personne ne doute que le cadre de l'Onu soit celui qui doit prévaloir ; mais pour arriver à l'Onu, tous ceux qui ont une expérience diplomatique savent que, au bout du compte, ce sont les parties qui doivent décider bilatéralement, ou avec l'appui de pays qui peuvent impulser l'accord ». Le Front Polisario a déjà dit son opposition à toute approche autre que le plan de règlement de l'ONU, tandis que l'Algérie a indiqué hier qu'elle était disposée à aider à la mise en œuvre du plan des Nations unies. C'est clair.