Vivant quasi-exclusivement des cotisations patronales (10% à la charge de l'employeur) et salariales (6,75% à la charge du salarié), la Caisse nationale des retraites (CNR) est sérieusement pénalisée avec près de 40% des travailleurs qui ne sont pas encore affiliés à la sécurité sociale. Selon la dernière enquête de l'ONS sur l'emploi et le chômage, 61.5% de l'emploi était affilié en septembre. Dix ans plutôt c'était quasiment 50% de l'emploi qui ne bénéficiait pas d'une protection sociale. Avec une telle donne comment garantir la pérennité du système des retraites sans être contraints de rallonger l'âge légal. Pour l'heure, le ministre du travail, le secrétaire général de l'UGTA et même le directeur général de la Caisse ont tous démentis une quelconque volonté du gouvernement de revoir à la hausse l'âge légal de départ à la retraite fixé à 60 ans pour les hommes et à 55 ans pour les femmes. Le DG de la CNR, Slimane Melouka a d'ailleurs indiqué en fin d'année dernière que la pérennité du système de retraite était «sauvegardée». Pourtant, un responsable du ministère du Travail a fait savoir qu'il a fallu recourir à «la solidarité inter-caisse», soit l'aide de la CNAS pour permettre à la CNR de garder son équilibre en 2015. Avec le ralentissement de l'activité économique combien de temps encore pourra-t-on garder cet équilibre et quelles sont les solutions qu'il faudra mettre en place pour cet objectif? L'option du rallongement de l'âge de la retraite ulcère les syndicalistes. «Nous sommes contre car le pouvoir d'achat des retraités est faible et la qualité de vie médiocre, ce n'est pas en les faisant travailler plus qu'on va régler le problème», affirme Rachid Malaoui, porte parole de syndicats national des personnels de la fonction publique (SNAPAP). D'ores et déjà, «beaucoup de gens dans la fonction publique sont sortis avant l'âge de la retraite puisqu'ils se disent que la différence entre leur salaire et les pensions qu'ils vont recevoir n'est pas importante». Le taux maximum de remplacement étant de 80%, il sera difficile de les convaincre de faire quelques années supplémentaires. Mitigés Du côté des employeurs également, on n'est pas très emballés. Amar Moussaoui, chef d'entreprise estime que l'idée «ne serait pas bonne si nous avons le souci d'absorber le chômage des jeunes». Certes, l'entreprise peut le faire si elle a besoin de garder un salarié «qui occupe un poste clé» et dont on aurait besoin pour en former d'autre. Cela se fait déjà dans certaines entreprises. Mais il ne faudrait pas que ca aille plus loin, d'autant que ce n'est pas la seule solution et que son impact serait négatif, estiment certains syndicalistes. Pour Meziane Meriane, porte parole du Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest), il y aurait des «conséquences importantes car on prendra plus de temps pour placer les jeunes arrivant nouvellement sur le marché». Selon lui, la prise d'une telle mesure doit se faire «en laissant libre cours aux personnes concernés de choisir de partir ou de prolonger, dans le cas contraire ça ne sera productif ni pour le travailleur, ni pour l'entreprise.» A l'origine du problème Conditionner le rallongement de l'âge légal de la retraite est aussi évoqué par certains chefs d'entreprises. Arezki Issiakhem, patron d'un groupe du secteur agro-alimentaire estime que «les travailleurs qui atteignent 60 ans ont le droit d'aller en retraite mais si on veut qu'ils travaillent il faut leur donner la possibilité de continuer en leur donnant des incitations fiscales». Pour lui, «il ne faudrait pas qu'ils payent les mêmes niveaux de cotisations. Il faut les intéresser.» En laissant proliférer l'informel, en faisant preuve de laxisme vis-à-vis des entreprises qui ne déclarent pas leurs employés et en ne créant pas les conditions idoines pour le décollage de l'économie, les pouvoirs publics se rendent responsables de la situation fragile du système de retraite. «C'est la politique économique du pays qui a fait qu'il y a moins de cotisations, que l'informel prospère et que le chômage augmente», pense Rachid Malaoui. A la tête d'un groupe qui emploie plus de 1000 travailleurs, Arezki Issiakhem serait d'avis que l'âge de la retraite soit repoussé à 62 ans, «mais ca serait de la fuite en avant», dit-il. Il faut «soigner le mal à la racine». Et les premiers soins passeraient par la création des conditions nécessaires à une bonne croissance économique. «Structurellement, c'est la croissance économique qui peut créer des emplois et générer les revenus nécessaires au financement du système, même si conjoncturellement, on peut effectivement agir sur la réglementation en rallongeant l'âge de la retraite», explique l'économiste Kouider Boutaleb. Le risque dans ce cas est de voir surgir d'autres problèmes comme «le remplacent des effectifs et l'accès des jeunes aux postes d'emploi.» Pour Amar Takjout, secrétaire général de la Fédération textiles et cuirs, il serait «injuste et irresponsable de choisir les solutions de facilité en s'attaquant directement aux salariés». Il y aurait, dit-il plusieurs options à explorer avant de retenir celle d'un rallongement de l'âge de la retraite, qui dit-il, peut se faire «crescendo» jusqu'à arriver à 65 ans, mais resterait «insuffisant». Mais la priorité est ailleurs. Selon le syndicaliste, «il faut créer plus d'emplois pour être à l'abri. On peut envisager d'augmenter l'assiette des cotisations (employeurs +salariés =35%), mais ca risque de ne pas être bon pour la productivité et le pouvoir d'achat des travailleurs. Il faut regarder de près l'informel et aller taper à la porte de ceux qui ne déclarent pas leurs employés». Ce sont autant d'options dont il faut discuter, dit-il, même si certaines d'entre elles peuvent déranger. Pour l'heure, et comme le souligne l'économiste Kouider Boutaleb, «on ne dispose pas d'études pour permettre d'aider à la prise de décision et dire s'il faut le faire ou pas et quel est l'age le plus adéquat pour un départ à la retraite.»