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«Le Maroc n'a pas de souveraineté sur le territoire sahraoui»
Gilles Devers. avocat du Front Polisario
Publié dans El Watan le 18 - 05 - 2016

Chef de file du groupe d'avocats constitué par le Front du Polisario, maître Gilles Devers évoque, dans cet entretien, la décision du Tribunal européen déclarant le territoire saharoui sous contrôle marocain. Très optimiste malgré le recours introduit par le Conseil et soutenu par l'Espagne, la France, le Portugal, l'Allemagne et la Belgique, l'avocat parle de «victoire», mais dénonce la «duplicité» des positions européennes dans cette affaire.
- Vous êtes le chef de file du groupe d'avocats qui défend le Front du Polisario et a obtenu du Tribunal européen l'annulation de l'Accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne. Un recours du Conseil de l'UE est pendant au niveau de la Cour de justice de l'Europe. De quoi s'agit-il au juste ?
C'est un arrêt du tribunal de l'Union européenne. Il faut savoir que l'Europe a deux cours qui, parfois, se confondent. La plus célèbre est la Cour européenne des droits de l'homme qui siège à Strasbourg ; l'autre est la Cour de justice européenne qui représente les 28 Etats. Notre plainte est déposée devant cette Cour contre un Accord d'association avec le Maroc signé au nom de l'Union européenne.
Un arrêt a été rendu le 10 décembre 2015 et un pourvoi en cassation a été introduit par le Conseil européen, qui est le rédacteur de cet accord. La Commission européenne n'est qu'un organe administratif. Le Front Polisario attaque un acte du Conseil de l'Union européenne et la Commission intervient dans la procédure devant le tribunal pour le soutenir. Aujourd'hui, nous sommes devant la Cour européenne.
- Qu'est-ce qui explique votre optimisme quant à la décision du tribunal ?
Pour nous, il est important d'obtenir ce que nous demandons. Le tribunal européen a estimé dans sa décision que le Maroc n'a pas de souveraineté sur le Sahara occidental, qu'il n'a pas de mandat international, et que le Front Polisario est le seul représentant du Sahara occidental. Les deux premiers points sont définitivement acquis, parce que reconnus par le Conseil et la Commission.
- Cela ne remet-il pas sur le tapis la question du statut du Maroc au Sahara occidental ?
Bien évidemment. Non seulement elle revient, mais elle est bien claire. Le Maroc n'a pas de souveraineté sur le territoire sahraoui. Il a choisi de ne pas être dans la procédure et de s'en remettre au Conseil et à la Commission pour le défendre. C'est un choix. Mais cela veut dire aussi que nous sommes devant un cas de double langage de l'Europe. Dans le registre de la cassation, nous allons attaquer six points. La question de souveraineté est totalement évacuée. Le contenu de la décision du Conseil présente le Sahara occidental comme étant sous le contrôle marocain. Le Maroc n'a pas le contrôle administratif, mais plutôt militaire.
- Dans ce cas, a-t-il le droit de signer des accords économiques concernant ce territoire ?
C'est une question de droit international qui n'est pas négligeable. Lorsque nous avons démarré la procédure, nous pensions gagner sur uniquement le fait que le Maroc ne soit pas souverain sur ce territoire. Mais le tribunal est allé plus loin et a déclaré que le Sahara occidental est sous le contrôle du Maroc.
Nous sommes devant un double langage. Lorsque les pays européens parlent du Maroc, ils le présentent comme un ami auquel rien de mal ne pourrait être fait. Une fois à Bruxelles, ils disent que le Sahara est sous son contrôle. Nous voulons que le discours soit le même aussi bien à Rabat qu'à Bruxelles. La procédure va inévitablement mettre cela en lumière. C'est quand même la première fois qu'un mouvement de libération attaque un acte du Conseil — donc d'une instance politique — en politique étrangère. Nous n'avons rien inventé. Notre mémoire est fondé sur 250 références de jurisprudence.
- Comment expliquer le soutien de cinq pays du Conseil — la France, l'Espagne, le Portugal, la Belgique et l'Allemagne ? Ne sommes-nous pas devant une solidarité entre anciennes puissances coloniales de l'Afrique ?
Avec la France comme chef de file, ces pays cherchent en fait à influer sur le Conseil. Je n'ai que des hypothèses à avancer. Mais en cassation, vous ne pouvez pas vous appuyer que sur des arguments débattus au tribunal. Que peuvent apporter de nouveau les cinq pays ? Ils ne peuvent pas dire le contraire de ce que le tribunal a décidé. Sur le site du ministère français des Affaires étrangères, par exemple, le Maroc se termine à 200 km au sud de Ouarzazate et El Ayoun est marquée par des pointillés. On va voir ce qu'ils peuvent dire. Ne sommes-nous pas juste devant une posture de soutien au Conseil ?
- Quels sont leurs arguments ?
Il y en a plusieurs. Le premier est lié à la recevabilité. Il y a toute une bataille liée à la recevabilité qui prendra beaucoup de temps. Il faut prouver que le Polisario a la personnalité juridique internationale, qu'il a la capacité d'agir en justice comme un sujet ; le critère le plus complexe, c'est qu'il faut prouver être affecté directement et individuellement par l'acte qu'on attaque. Comme les décisions du Conseil sont exécutoires et qu'elles sont susceptibles d'intéresser le monde entier, des critères très restrictifs ont été prévus. Pour attaquer l'acte, il faut être directement touché individuellement. Les arguments sont plutôt techniques et touchent surtout la forme.
Le Conseil nous dit que le tribunal a statué sur un moyen qui n'est pas présenté, alors qu'il était dans le débat. Il évoque l'erreur manifeste d'appréciation, une question centrale du procès, qui dit que quand vous décidez en tant qu'organe politique du Conseil, vous avez le droit de vous tromper, mais dans une certaine limite ; et pour que cette erreur ne soit pas manifeste, il faut prendre le temps de se renseigner avant de décider.
Pour nous, si le Conseil a passé cet accord, il ne peut ignorer que celui-ci va s'appliquer sur un territoire qui n'est pas le Maroc. Il doit savoir que depuis 1963, le Sahara occidental est un territoire à décoloniser et que la Cour de justice internationale a rendu son avis en 1975, disant que le Maroc n'a pas de souveraineté sur le Sahara occidental et qu'il ne peut ignorer la mission de la Minurso.
- Vous attendez-vous à une décision favorable ?
J'attends leur argumentaire pour avoir une idée. Pour l'instant, seule la France a déposé ses arguments.
- En tant que chef de file ?
Elle dit qu'elle le fait en tant que membre du Conseil de sécurité de l'ONU et pour expliquer le sens de ses résolutions. Elle joue l'argument d'autorité. L'affaire ayant pris beaucoup d'ampleur, le Conseil a choisi d'aller vers la Cour de justice européenne, devant la «grande chambre», c'est-à-dire la formation plénière de 15 juges qui ont une grande pratique juridique.
Mais si un pays comme l'Espagne, qui est juridiquement une puissance administrante, vient à l'audience dans un dossier de cette nature pour exprimer son soutien à la position du Conseil, il faudra qu'elle explique comment, en tant que puissance administrante, elle accepte que le Maroc soit présent sur le territoire qu'elle administre. Qu'allons-nous dire ? Que va dire le juge ? Moi-même en tant qu'avocat je vais poser des questions.
A l'audience du 14 juin 2015, le Front Polisario avait marqué de nombreux points. Quelque 40 questions ont été posées en une journée. Le Polisario a pris l'initiative d'adhérer à la Convention de Genève, et la Suisse a accepté. Elle a notifié cette décision à tous les Etats et seul le Maroc a réagi. Il a rédigé une lettre de trois pages pour qualifier le Polisario de terroriste, etc. Mais ni la France, ni la Belgique, ni l'Espagne, ni le Portugal et encore moins l'Allemagne n'ont réagi.
- Pourquoi cette duplicité de positions ?
Cette duplicité est dramatique. La pièce à conviction est le résumé des moyens du Conseil européen qui parle du Sahara sous contrôle marocain. Mais est-ce que les pays membres de ce Conseil vont oser parler avec le Maroc du Sahara occidental sous contrôle marocain ? A Rabat, on dit une chose et à Bruxelles son contraire.
Mais je peux dire qu'à ce stade nous avons d'ores et déjà gagné 50% du procès et même plus. Pour nous, le but n'était pas de faire avancer la jurisprudence européenne sur l'affectation individuelle et ses critères qui n'intéressent qu'une poignée d'intellectuels ; le plus important est de faire admettre à tous que le Maroc n'a pas de souveraineté sur le Sahara occidental.
Cela est gagné et personne ne peut revenir dessus. Pendant longtemps on parlait d'administration de facto. Maintenant, on parle de territoire contrôlé par une occupation militaire. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, dit la même chose que le Conseil européen. La Cour internationale de justice a déclaré ce territoire à décoloniser en 1975, parce qu'il y a un peuple sahraoui qui n'est ni mauritanien ni marocain. Son avis résulte d'un travail exceptionnel des juges qui ont analysé ce qu'étaient la sociologie, l'économie, la manière de vivre et de faire du commerce de cette population. Quarante ans après, cette analyse s'est imposée.
- Est-ce parce que dans le domaine du droit, c'est la rigueur qui prime ?
Le droit, c'est la rigueur. L'intérêt de notre démarche, c'est qu'en basant le recours contre des produits comme les melons et les tomates, on passait à des choses plus effectives.
- Que se passera-t-il si le Conseil européen est débouté ?
L'accord entre le Maroc et l'Union européenne sera tout simplement annulé et ne restera que la partie qui s'applique sur le territoire marocain. Quand un acte de cette importance — il n'y en a pas beaucoup — est annulé, il y a souvent un délai. Et là, ils ne le font pas, parce que la règle est fondée sur la responsabilité. La décision du Conseil ne fait pas seulement les affaires du Maroc et des entreprises, elle engage le Conseil de l'Union européenne vis-à-vis du peuple sahraoui qui supporte la colonisation.
Donc, si la Cour déboute le Conseil, elle lui dira vous êtes en train de briser le chemin de ce peuple vers l'autodétermination et de lui causer un préjudice économique considérable. Pour le moment, le Polisario n'est intéressé que par l'annulation de cet Accord, pas par une action en dédommagement qui pourrait lui rapporter des milliards. Nous avons déjà annulé, en 2012, un accord de rehaussement conclu en 2000, ce qui est très important pour nos démarches.
Salima Tlemçani


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