Jeudi, des baffles géants sont installés sur les bords de la principale rue pour tonitruer au rythme de la chanson engagée, associant ainsi toute la population à l'événement. A 17h, la salle de conférences du nouveau siège de l'APC a abrité une rencontre de plusieurs militants des causes amazighe et démocratique où des témoignages ont été écoutés dans une salle archicomble. «Bien que le 20 avril 1980 soit une date référentielle, mais à force de ne s'évertuer qu'à sa célébration, on oublie le 19 mai 1981 qui n'est en réalité que son prolongement. Et c'est pourquoi nous avons décidé de commémorer cette date», a déclaré d'emblée Bennadji Braham, P/APC de Tinebdar, avant de confier qu'organiser ce type d'action n'est pas sans avoir des soucis avec l'administration qui, dit-il, fait tout pour museler les initiatives libres. Dans son intervention, Tari Aziz, militant démocrate et acteur d'avril 1980, après avoir rendu hommage à la commune de Tinebdar où s'est tenue la première célébration officielle de cette date, a soutenu que le 19 mai 1981 est un prolongement logique du 20 avril 1980, dans la mesure où, explique-t-il, il a porté haut les mêmes revendications jugées non satisfaites. «Juste après avril 1980, les orientations des bacheliers de Béjaïa se faisaient vers Sétif au lieu de Tizi Ouzou, et cela figure parmi les éléments déclencheurs», a-t-il rappelé. Et de souligner : «Il ne fut pas question pour le pouvoir de voir le soulèvement d'avril 1980 se reproduire.» Pour sa part, Nacer Boutrid, acteur, témoin et détenu des événements du 19 mai 1981, insistant que le mouvement a été déclenché dans les cinq lycées de Béjaïa, se souvient que la date a été certes choisie, mais les revendications soulevées sont indissociables de celles d'avril 1980. «Beaucoup disent que les revendications ne s'étaient limitées qu'au maintien du projet de la réalisation du centre universitaire de Béjaïa, qui allait être déplacé à Jijel, mais en réalité, cela était la goutte qui a fait déborder le vase. D'ailleurs, les revendications énumérées sur le tract étaient l'officialisation de tamazight, la libération inconditionnelle des détenus, la justice sociale et la dénonciation de la situation socioéconomique d'alors», a-t-il relaté, avant d'ajouter que le mouvement s'était élargi aux citoyens et aux syndicats. De son côté, Bezza Benchikh, acteur et détenu des événements d'avril 1980, est revenu sur les faits ayant marqué l'université d'Alger et l'apport des arabophones à cette cause. «Beaucoup d'arabophones qui ont défendu bec et ongles notre combat, à l'instar de M'hamed Rachedi, Mustapha Pacha et Boukrif Salah, restent méconnus du grand public», a-t-il regretté. Abordant le 19 mai 1981, il a soutenu, contrairement aux autres intervenants, qu'il s'agit d'une confirmation de plusieurs combats qui datent de la guerre de Libération nationale. Par ailleurs, Ali Brahimi, détenu de 1980, a abordé la guerre de clans qui avait opposé une partie du FLN, dont le chef de file était Cherif Messadia, qui visait la réappropriation du 19 mai 1956, à une partie dirigée par Boukrif Salah qui ne jurait que sur la dimension nationale de cette date. «Boukrif Salah a refusé à Cherif Messadia de déposer une gerbe de fleurs sur le monument aux morts qui se trouve à l'intérieur de la faculté centrale d'Alger», a-t-il relaté. L'orateur a de surcroît regretté que toutes les APC de Kabylie, gérées, dit-t-il, essentiellement par des militants du RCD et du FFS, n'œuvrent pas à la réhabilitation des anciens noms des localités. «A tire d'exemple, pourquoi Ath Braham est devenue Ouled Braham et Ath Maouch est substitué par Béni Maouch ?», s'est-il interrogé. 19h15, toute la foule s'est dirigée vers le cimetière des martyrs pour le dépôt d'une gerbe de fleurs, avec la présence d'anciens combattants de la guerre de Libération nationale. Du cimetière a démarré une impressionnante parade composée des scouts de Remila, d'un groupe d'hommes habillés en tenue de guerriers berbères, de l'association Horizon d'Ouzelaguene, tous précédés par une troupe d'idebalen. La procession a sillonné toutes les artères principales de Tinebdar, et ce sous l'admiration de ses citoyens et de ceux venus de différentes régions pour prendre part aux festivités. S'ensuit l'inauguration de la belle nouvelle placette publique à l'intérieur de laquelle est érigée une stèle en hommage aux militants de l'amazighité, de la démocratie et de la liberté. «A travers ces actions, nous réitérons au pouvoir injuste que nous ne nous tairons pas !», a clamé le président de l'APC. La journée de commémoration a été ponctuée d'une soirée artistique animée par une troupe de haute voltige, Debza en l'occurrence. Le public était tenu en haleine avec des chansons engagées ayant retracé les longs parcours des mouvements émancipateurs en Algérie.