La date du 19 mai 1981 est présentée comme le deuxième Printemps berbère, pour ses dimensions revendicatives, politiques, socioéconomiques et identitaires. Aujourd'hui, 19 mai 2014, 33 ans jour pour jour après les évènements du 19 mai 1981 qui embrasèrent la vallée de la Soummam, la wilaya de Béjaïa se remémore, à travers une série d'actions, ces événements tragiques où le mouvement pacifique de milliers de lycéens, qui ont déferlé sur les rues de la wilaya pour exprimer leur ras-le-bol et exiger l'application de la plateforme de revendications d'avril 1980, s'est heurté à une répression féroce des forces de l'ordre. Le Mouvement culturel berbère (MCB) a appelé, à travers une déclaration (dont une copie est parvenue à notre rédaction) à un meeting qu'il a choisi de tenir au niveau du carrefour Nacéria, au chef-lieu de la wilaya de Béjaïa, une place hautement symbolique qui a été le théâtre d'affrontements entre lycéens et forces de l'ordre à cette date historique. D'ailleurs, un groupe de militants a décidé de la baptiser, dès aujourd'hui, carrefour 19-Mai 1981. Dans son écrit, le MCB appelle «les citoyens et les citoyennes à se joindre à ce meeting pour témoigner notre engagement avec toutes celles et ceux qui, aux quatre coins de l'Algérie, cherchent à s'émanciper d'un système qui nous a condamnés à vivre dans l'humiliation, subir la répression, dépossédés de notre patrimoine et mis en danger notre destin collectif». Le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) a, de son côté, tenu à commémorer cette journée en appelant à une marche qui se dirigera du campus universitaire Targa Ouzemmour vers le siège de la wilaya. Des associations et des clubs scientifiques universitaires ont prévu également des rencontres avec des acteurs et détenus de ces événements pour livrer leurs témoignages. Le club scientifique du département de tamazight de l'université de Béjaïa a invité, mercredi dernier, Agoune Mokrane, détenu pendant 13 mois, et Boutrid Mohand Larbi, un autre détenu qui a obtenu son bac dans les geôles. Mokrane Agoune sera, pour cette journée, l'invité de l'APW de Béjaïa et de l'association ASJ-Espoir de jeunes, qui organisent conjointement une journée d'étude sur tamazight. Comme ces deux acteurs, 53 autres lycéens ont croupi pendant de longs mois dans les prisons de la wilaya de Béjaïa. Les arrestations ne se comptaient plus. La date du 19 mai 1981 est présentée comme le deuxième Printemps berbère, et ce, non seulement à cause de l'aspect chronologique des faits, mais pour ses dimensions revendicatives, politiques, socioéconomiques et identitaires. Les lycéens, rejoints par la suite par toutes les franges de la société, avaient dans leur escarcelle des revendications qui n'étaient en fait que le prolongement de celles exprimées lors du Printemps berbère d'avril 1980. Face au déni identitaire et à l'uniformisation prônée par le parti unique, les manifestants réclamaient la pluralité, notamment par la reconnaissance «de la langue et de l'identité amazighes et de l'arabe algérien». Socioéconomiquement, c'était un cri de détresse lancé par des lycéens mais qui a traduit un profond malaise social fait de privations, de dénuement et de frustrations en tous genres. Sur le plan politique, les slogans des lycéens étaient, entre autres, «Démocratie» et «Liberté». Par ailleurs, les lycéens voulaient faire pression pour la libération inconditionnelle des détenus du Printemps berbère d'avril 1980. Mais le gouvernement de l'époque, imbu de son autoritarisme, y voyait un sacrilège, d'où la répression «sauvage». Comme pour voiler tout cet élan social et le pervertir, il a réduit le mouvement à la seule contestation du détournement de l'université de Béjaïa vers la wilaya de Jijel. Cette requête était certes comprise dans la plateforme de revendications des lycéens, mais était loin d'en être le mot d'ordre principal. Pour preuve, Béjaïa dispose de son université, mais 34 ans après avril 1980 et 33 ans après les événements du 19 mai 1981, des voix continuent à s'élever contre l'oppression, le déni identitaire et pour réclamer un Etat de droit.