Printemps 2015, introduction d'un nouveau cahier des charges pour la mise en conformité des véhicules importés avec les nouvelles exigences de sécurité. Eté 2015, les conditions d'exercice de l'activité de concessionnaires de véhicules neufs sont recadrées par un nouvel arrêté interministériel. Automne 2015, publication du décret relatif à la mise en place des licences d'importation. Hiver 2015, ouverture des quotas et dépôt de dossiers pour l'obtention des licences. Printemps 2016, annonce des quotas au profit des concessionnaires. Pour les opérateurs de l'automobile en Algérie, les saisons depuis un an se suivent, se ressemblent et sont en passe de mettre le secteur à genoux. Des show-rooms ont été vidés, d'autres ont carrément fermé, des menaces de licenciement planent sur des milliers d'employés quand d'autres ont déjà été mis au chômage, certains agents agréés ont cessé leur activité, et ce n'est que le début. L'assainissement du secteur entrepris depuis un an n'a pas fini de faire de dégâts. Les premiers touchés certains concessionnaires sont réticents à évoquer publiquement des plans sociaux ou des actions de licenciements, de peur d'en subir les conséquences, nous dit-on. Le gouvernement a pris la décision de diviser par trois la facture des importations de véhicules pour la ramener à un milliard de dollars alors qu'elle avait dépassé les 3 milliards en 2015. Le contingent quantitatif global doit lui subir une baisse de plus de 40% (par rapport au chiffre de 2015) ramené à 152 000 unités. Le ministère du Commerce avait indiqué qu'un quota-plafond de 15 000 unités par concessionnaire et par an a été fixé en fonction des marques ainsi que des pays de provenance des véhicules. Mais le quota de 2016, accordé à la quarantaine de concessionnaires bénéficiaires des licences d'importation, a représenté à peine un peu plus de 50% du contingent initialement annoncé par le ministère du Commerce. Renversement Les concessionnaires automobile avaient ces dernières années pu tirer profit d'un marché très demandeur dont l'évolution n'avait pourtant pas poussé les marques à investir, le marché étant (jusqu'à l'avènement de l'usine Renault en Algérie) alimenté essentiellement par les importations. Aujourd'hui, la décision du gouvernement de réguler davantage le marché et de resserrer l'étau a coïncidé avec des velléités d'investissement plus présentes chez les fabricants étrangers (Volkswagen, Peugeot, Toyota). En attendant, le secteur subit depuis un an un ralentissement dû non seulement à la crise économique mais aussi et surtout à la nouvelle réglementation du secteur (exigences de sécurité, conditions d'importation). «Quand il y a crise, le secteur automobile est le premier touché, et ce, dans n'importe quel pays dans le monde», commente Nazih Bouayad, directeur marketing chez Toyota Algérie. On se souvient, en effet, comment en 2008 la crise des subprimes avait fini par ébranler l'industrie automobile américaine, poussant à l'intervention du gouvernement américain pour un sauvetage. En Algérie, «nous étions un marché qui absorbait 500 000 véhicules par an, aujourd'hui, il est en baisse de 70 à 80%. Il est évident que les entreprises soient touchées et qu'il y aura un efffet», s'inquiète Nazih Bouayad. L'impact est attendu notamment sur les emplois et les dépenses marketing, mais sur ces aspects, les concessionnaires restent peu loquaces. «Nous sommes en mode évaluation pour le moment. Avec les quotas il est sûr que ça sera difficile, mais nous sommes en train de regarder cela de près», explique Mohamed Bairi, PDG du groupe Ival. Menaces sur l'emploi Le gel des importations a laissé les concessionnaires avec des show-rooms vides. «Nous n'avons pas reçu de nouveaux véhicules depuis juin 2015», confie le représentant d'une marque asiatique. «Il y a un ralentissement évident, mais il est trop tôt pour parler d'un plan social», nous dit la même source. En revanche, le réseau de distribution de la marque a déjà perdu 3 à 4 agents agréés, nous précise-t-on. Un coup dur pour les milliers de travailleurs employés dans le secteur et dont les emplois se trouvent directement menacés. Le patron de Huyndai Algérie, Omar Rebrab, a annoncé sur TSA devoir licencier 1500 personnes avant la fin du mois. De son côté, le président de l'Association des concessionnaires algériens d'automobile (AC2A), Sefiane Hasnaoui, a déclaré (interview à El Watan du 13 mai 2016) que «les plans sociaux sont inévitables» et qu'il faut s'attendre à ce que de nombreuses entreprises «stoppent totalement» leurs activités «Quasiment tous les concessionnaires ont liquidé du personnel ou vont le faire. Avec les exigences de conformité, le cahier des charges et maintenant les quotas, personne ne tiendra», nous dit la directrice d'une boîte de communication qui compte dans son portefeuille clients plusieurs concessionnaires. Sollicitée pour l'achat d'espaces publicitaires dans les médias au profit de ces annonceurs, l'agence a vu son activité baisser dramatiquement ces derniers mois. Certains concessionnaires tentent tout de même de rester positifs. «Quand on regarde les quotas, on est un peu déçus, mais on reste optimistes», nous dit un représentant de Diamal, qui commercialise les marques Chevrolet et Opel. «Il y a eu déjà quelques fermetures en 2015 : une succursale à Constantine et le show-room de Bab Ezzouar. L'effectif a également déjà été réduit, il n'y en aura donc pas plus», précise-t-elle. L'année 2015 ayant déjà été catastrophique, l'année 2016, avec l'entrée en lice des licences d'importation, promet d'être au moins aussi dure. «Nous allons voir comment cela va évoluer et ensuite nous allons nous adapter», tempère Nazih Bouayad. Car des solutions de repli existent. «Nous avons beaucoup investi dans le domaine de l'après-vente. Toyota est 5e sur le marché, nous avons donc un parc important et on peut survivre.» Pour les autres, ça sera le wait and see. Le marasme ne fait que commencer, poussant les acteurs du secteur à se demander s'il est nécessaire de mettre en péril des dizaines de milliers d'emplois pour grappiller quelques points de pourcentage sur la facture globale d'importation. En 2015, la facture d'importation des véhicules a représenté 6% de la facture globale des importations contre près de 10% en 2014. Mais l'ensemble des tentatives du gouvernement pour diminuer les flux sortants de devises et d'atténuer l'impact sur la balance de paiement n'a permis de réduire les importations que de 12% en 2015.