Prévenir, surveiller, sanctionner, limiter les enjeux des évaluations sont les quatre pistes pour lutter contre la triche à l'école. Mais elles ne sont pas les solutions pour mettre fin à ce fléau. Aujourd'hui, rares sont les élèves non tricheurs et ces derniers deviennent anormaux s'ils ne s'adonnent pas à ce moyen qui a pris de l'ampleur. Des grèves à répétition dans des établissements publics et une complaisance dans certaines écoles expliqueraient en grande partie la baisse considérable du niveau chez les élèves, victimes d'un système éducatif de plus en plus dégradant. Par ailleurs, la tendance au projet qui consisterait à supprimer le redoublement de classe au cycle élémentaire, moyen ou secondaire ne devrait pas être négligée. La satisfaction des parents peut pousser à tout prix l'élève à tricher. Tous les moyens sont mis à profit pour obtenir une bonne note. Les pratiques diffèrent selon les élèves ou les outils dont on dispose. Optant pour la tricherie, des élèves recopient les leçons, formules ou pans de cours quelque part (même la calculatrice peut être employée) et prennent le soin de les dissimuler dans la copie destinée à l'épreuve, à l'intérieur des capuchons de stylo ou de stylo correcteur Tipp-Ex, communément appelé «blanco». Une autre pratique consisterait à utiliser un crayon de couleur blanche qui s'assortirait avec la feuille blanche non suspecte à première vue, alors que pour rendre effectif le forfait, l'utilisation d'une couleur différente suffirait. L'élève qui n'est pas capable de répondre aux questions s'arrange pour se trouver aux côtés de son camarade qui n'éprouverait pas de problèmes pour traiter le sujet soumis à leur appréciation. Cet élève tentera de donner l'impression d'être concentré sur son épreuve. En réalité, il passera tout son temps à lorgner les copies de ses voisins d'à côté pour glaner des informations utiles. Des bouts de papier aussi sont échangés, si ce ne sont pas des brouillons pour aider des camarades en difficulté. Dans ces circonstances, la communication entre candidats est de mise, elle occasionne des susurrements. La modernité aidant, de nouvelles pratiques, qui demandent parfois des moyens colossaux, font leur apparition sur le terrain de la tricherie. Des terminaux s'invitent à la fraude et tendent, bizarrement, de ravir la vedette aux méthodes jugées archaïques ou peu performantes. Les téléphones portables sont mis en mode silencieux pour ne pas se faire prendre facilement, l'élève ne cesse de consulter son écran prétextant s'intéresser à l'heure qu'il est. Alors, si ce ne sont pas des messages qui sont envoyés entre candidats, ce sont des messages destinés à un tiers qui se chargerait de traiter le sujet à la place du candidat. A titre illustratif, pour une épreuve ayant trait à une matière littéraire, comme les lettres, on sollicite l'aide de quelqu'un qui se chargerait de produire ne serait-ce qu'une introduction et une conclusion du sujet en question. Il y en a qui préféreront enregistrer les leçons, et le jour de l'épreuve s'arranger à dissimuler les écouteurs sous le foulard afin de se laisser dicter le contenu par l'outil : portable, mp3, etc. Les téléphones portables de dernière génération, dits téléphones intelligents, ou smartphones, sont aussi exploités. Comme pour ne rien arranger, la Toile s'invite au spectacle déshonorant de la triche avec ses moteurs de recherche et autres sites spécialisés, où l'on pourrait retrouver des sujets traités. Les fichiers sont souvent utilisés et leur transfert se fera via Bluetooth ou GPRS (méthode plus adaptée à la transmission des données). Des stylos électroniques, montres électroniques et autres outils modernes sont employés parfois pour stocker de tels fichiers. La liste est loin d'être exhaustive tant les astuces et moyens mis en œuvre pour rendre effective la tricherie sont considérables. Nous ne cachons pas notre indignation face à ce fléau qui ne cesse de gagner du terrain. Entre autres facteurs favorisant la tricherie, figure en bonne partie la crise des valeurs. Une telle crise fait que de nos jours la tendance se situe dans l'option de vouloir tout posséder ou de choisir la facilité. L'absence de pudeur ferait que l'on n'a plus honte de tricher au vu et au su de toute la salle. Le mérite devrait être replacé au centre des préoccupations dès lors qu'on n'aspirerait pas à tout prix à ce à quoi on n'aurait pas droit : des notes ou des diplômes. Vivement le retour aux vertus cardinales qui faisaient le charme d'une bonne éducation de base : l'honnêteté, la rigueur, le sérieux dans le travail, etc. Même si les cas de tricherie étaient présents, mais rares, ce phénomène tend, décidément, à être généralisé avec des candidats qui pensent que la fin justifie les moyens. La vigilance devra être de mise chez les surveillants pour limiter les dégâts de ce fléau. A l'avenir, ne faudrait-il pas envisager l'installation de salles spécialisées où se trouveraient des caméras de surveillance, ou mettre en place des émetteurs qui brouilleraient les réseaux des terminaux afin que ceux-ci ne soient pas opérationnels le temps des épreuves ? Généralement, les élèves pris la main dans le sac le jour du bac représentent une part infinitésimale des candidats (0,001%), alors que la triche aux examens et concours est largement plus répandue et atteint un taux beaucoup plus élevé avec le développement de l'utilisation de la technologie mise en place qui est devenue indétectable. D'après plusieurs études sur la question, près de 50% des étudiants auraient déjà triché ! La tricherie est un phénomène bien connu des établissements scolaires, du primaire à l'université pour se répercuter sur toute la société, car l'élève est le futur citoyen de demain. Il y a toujours eu des étudiants tricheurs et il y en aura toujours. En revanche, pendant les examens, même si la triche est très sévèrement punie, chaque année de plus en plus de jeunes trichent et se font prendre ou non. Ils trouvent un moyen d'amener leur portable ou un autre moyen de communiquer, ils demandent de l'aide sur internet pour les devoirs maison, certains payent pour que quelqu'un d'autre fasse leurs devoirs ! Alors pourquoi le taux de tricheurs ne diminue pas ? Nous avons maintes fois tiré la sonnette d'alarme sur le problème de la triche au lycée ; ce dernier va aller en s'aggravant et l'école doit agir vite afin de prendre en compte l'évolution des nouvelles technologies. La législation actuelle n'est pas adaptée aux nouvelles technologies. La triche officialisée, c'est la calculatrice. Cela fait quelque temps qu'on peut intégrer dans sa calculatrice des données sans rapport avec les calculs, son cours, des exercices par exemple. C'est bien pour cela que la calculatrice doit être interdite. Le problème est que si l'on n'autorise plus la calculatrice en sciences, il faut changer le programme de mathématiques et de physique-chimie. On a beau surveiller les candidats, leur demander de poser leur sac au fond de la classe, comment lutter contre celui qui va aux toilettes avec son téléphone pour regarder des cartes, trouver des citations, des définitions, un corrigé, voire envoyer un texto. On ne peut pas faire de fouille intégrale à l'entrée des toilettes ! Ce n'est d'ailleurs pas un problème uniquement algérien, tous les pays sont soumis aux mêmes difficultés. Mais seule l'Algérie est confrontée à ce point. Car, en Algérie, l'écrit est généralisé aux examens. La forme des épreuves doit être rapidement repensée, car le problème va aller en s'aggravant. L'école doit prendre en compte l'évolution des nouvelles technologies. On ne peut pas faire comme si rien n'avait changé, c'est un combat perdu d'avance. De toute façon, est-ce qu'il est toujours utile de déployer un système aussi cher et lourd que le bac en termes d'organisation pour un examen qu'on obtient dans 60% des cas. Si au moins cela permettait de vérifier que les candidats ont acquis des connaissances, mais ce n'est même pas le cas. La preuve, le bac n'apporte même pas la certitude qu'un bachelier est capable de faire une dissertation. Je pense qu'il serait préférable de garder seulement trois épreuves avec les matières principales et des coefficients élevés, le reste pourrait être noté en contrôle continu comme l'EPS (Education physique et sportive) actuellement. Le problème de la triche touche particulièrement la société algérienne en général et son milieu scolaire. La solution de cette crise se trouve à l'école et aux missions des systèmes éducatifs chargés de former des citoyens respectueux de l'intérêt général, intègres, ayant le sens de l'éthique et en luttant contre toutes les tricheries. C'est une évidence : la qualité des cadres d'un Etat dépend de la manière dont ils ont été éduqués et formés. L'assiduité à la tâche, le respect du bien commun, le respect des règles et des conventions, le respect des demandeurs de services… sont appris ou non à travers tout le processus d'éducation et de formation, à la maison et à l'école. Il ne faut pas perdre de vue que les milieux d'éducation se sont élargis et largement diversifiés : l'influence des parents et de l'école tend à se réduire : en plus de l'éducation que les enfants reçoivent à la maison et à l'école, il faut ajouter l'influence parfois plus forte des bandes d'amis, des religions, du cinéma, de l'internet… Ainsi, les cadres de référence des éducateurs, les parents en particulier et leurs enfants se sont nettement différenciés. Ils ont vécu dans des mondes complètement différents, ce qui provoque parfois des incompréhensions, voire des conflits entre parents et enfants. Nonobstant cette diversité des milieux d'éducation et des cadres de référence différents, il faut admettre qu'il existe des comportements manifestés par nos jeunes qui nous interpellent, particulièrement en milieu scolaire. Les médias rapportent souvent des cas de tricherie aux examens, auxquels même les parents participent, les cas de harcèlement sexuel des élèves, les détournements de fonds et de matériels appartenant aux écoles par les responsables… Les élèves tricheurs vont décrocher de bonnes notes imméritées. Ils ont enfreint les règles d'honnêteté que leurs parents tentent de leur inculquer. Mais le plus grave est le fait qu'ils aient obtenu les sujets par un membre de l'administration de l'école : contre de l'argent ? L'une des élèves paraît regretter sa non-participation à la triche, tandis que l'autre ne veut pas dénoncer ses camarades. Dans ce cas, ne se fait-elle pas complice de ces agissements condamnables ? La première conséquence de la tricherie aux épreuves est l'injustice par rapport aux élèves non tricheurs. Ensuite vient le fait d'agir hors des normes inculquées par leurs parents. Il est évident qu'un élève qui triche manque de confiance en lui-même, car il ne maîtrise ni son cours ni les exercices d'application. Ne continueront-ils pas à tricher par la suite ? Tricher dans leur future vie de famille, tricher au travail, tricher dans la vie sociale. Chaque année, l'on dénonce des tricheries aux examens officiels. Cela s'observe dans bien des pays. Est-ce l'éducation donnée à nos enfants qui est en cause ? Ne nous trompons pas, les politiciens trichent, nos gouvernants volent et trichent, chaque jour à la télévision les enfants sont submergés d'exemples d'agissements sans scrupules, de malhonnêteté, de tortuosité et de perfidie. Donnons à nos enfants des exemples par nos propres comportements, mais aussi ceux de grands hommes, les sages de nos sociétés et de nos familles. Montrons-leur que tricher c'est être déloyal avec soi-même et se créer un avenir malheureux. D'aucuns pourraient considérer cette réflexion comme une accusation du système, qu'il n'a été relevé que «ce qui ne va pas». C'est vrai, l'Algérie a fait des progrès en matière d'enseignement : les taux d'accès se sont nettement améliorés ces dernières années, des efforts importants ont été fournis dans la construction des écoles. C'est vrai aussi que les acteurs scolaires qui commettent les délits décrits ci-dessus sont encore minoritaires. Mais ne perdons pas de vue que si rien n'est fait pour enrayer ces comportements, ils pourraient se généraliser très rapidement et devenir «la norme» et détruire ainsi la crédibilité de notre système éducatif. Il faut s'interroger sérieusement sur la qualité du produit fini qui sort de nos écoles, si tous les efforts de formation ne sont pas vains, s'ils ne sont pas accompagnés d'une solide éducation aux valeurs humaines. En effet, pourquoi la corruption a gangrené le pays, au point d'être classé parmi les plus corrompus du monde ? Pourquoi les indicateurs du développement humain se dégradent, alors que nous avons des cadres formés en économie, en agronomie, en droit, en sciences de l'éducation… ? Ces classements qui font la honte du pays, qui en est responsable, si ce ne sont pas les cadres de ce pays ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à faire décoller le pays ? Pourquoi des hauts responsables du pays commettent de graves malversations avec autant de désinvolture ? Ceci prouve que derrière le bilan positif apparent des indicateurs d'accès, se cache l'échec de notre système éducatif.
Par : Hakem Bachir Professeur de mathématiques au lycée colonel Lotfi d'Oran