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Choquée, profondément révoltée…
Anna Politkovskaïa. Reporter de Guerre assassinée à Moscou
Publié dans El Watan le 19 - 10 - 2006

« La vérité peut se promener nue, mais les mensonges doivent être habillés. » Dicton juif
Samedi 7 octobre 2006 à 17h. Dans l'ascenseur de son immeuble à Moscou, la journaliste Anna Politkovskaïa a été abattue d'une balle dans la tête et d'une autre en plein cœur. Depuis l'accession de Poutine au pouvoir, elle est la 13e de la corporation à subir ce funeste sort.
Samedi 7 octobre 2006 à 17h. Dans l'ascenseur de son immeuble à Moscou, la journaliste Anna Politkovskaïa a été abattue d'une balle dans la tête et d'une autre en plein cœur. Depuis l'accession de Poutine au pouvoir, elle est la 13e de la corporation à subir ce funeste sort. Son tort ? Avoir obstinément dénoncé, au péril de sa vie, les travers du Kremlin et surtout la « sale » guerre en Tchétchénie. Avec son style particulier et son verbe haut, elle décrivait les horreurs commises par l'armée russe et ses supplétifs tchétchènes. Le Kremlin, relève-t-on çà et là, porte la responsabilité morale de cet assassinat. Les journalistes russes plus ou moins engagés ne cherchent même pas après l'auteur de cet innommable acte. La seule question qui les taraude : Après Anna, à qui le tour ? Anna est la 42e journaliste tuée depuis l'effondrement de l'empire soviétique. Sa tragique disparition coïncide avec le premier mémorial des journalistes morts dans l'exercice de leurs fonctions à travers le monde, depuis 1944, inauguré en France. Il compte 2000 noms et la liste risque de s'allonger. En trois ans en Irak, on a tué plus de journalistes (107), qu'en 20 ans au Vietnam ! Anna qui faisait partie de ces hommes et ces femmes qui résistent à des oppressions exercées par des polices masquées, avait-elle l'illusion qu'elle ne serait pas l'objet d'atteinte à son intégrité physique dès lors qu'elle jouissait d'une certaine notoriété, seul bouclier contre l'implacable machine froide du pouvoir ? Mais Anna était ciblée et elle le savait. Elle figurait sur une liste de 89 personnes menacées de mort par des nationalistes russes. Cette liste publiée sur Internet par l'organisation « La volonté russe » est accompagnée d'un appel aux « patriotes » à prendre les armes et à exécuter les « ennemis » de la Russie.
La vérité assassinée
Née le 30 août 1958, Anna a toujours été obsédée par la quête de vérité. De New York où elle a vu le jour, elle garde quelques souvenirs vivaces de son père, alors diplomate et de sa mère qu'elle chérissait. Cette femme frêle aux cheveux gris et aux yeux interrogateurs, cachés derrière de petites lunettes de métal, n'a jamais caché son aversion pour les injustices et l'oppression. Vladimir Poutine et son régime ont été sa cible privilégiée. En abordant les sujets tabous, notamment la guerre en Tchétchénie, elle a irrité plus d'un au Kremlin. « Elle est devenue la confidente de soldats, de Tchéchènes et de petites gens qui lui confiaient leurs misères. Elle avait choisi le terrain, une option risquée au vu des dangers auxquels elle s'exposait dans le Causase et même dans son quartier où elle n'avait pas que des amis… », confie une de ses collègues. Ses écrits dérangeaient notamment sur la Tchétchénie qui pourrait devenir, selon elle, une autre Palestine. « Depuis plusieurs années, le martyre d'un peuple se poursuit dans un silence assourdissant. La dignité de la Russie sombre dans les meurtres, les viols, les tortures et les pillages perpétrés en son nom par les forces fédérales. Tant que Poutine rejettera des négociations de paix, les combattants de tout bord n'auront d'autre issue que la lutte à outrance. » Elle dénonce avec force le régime préfabriqué par Moscou et installé à Grozni. « Une véritable mafia », décrète-t-elle. « Le Kremlin a élevé un petit dragon et doit maintenant le nourrir pour qu'il ne crache pas du feu. En Tchétchénie, notre Etat a connu un échec monumental. Un échec que les hommes au pouvoir essayent de présenter comme une victoire éclatante. Le peuple tchétchène, pour sa part, n'a guère le choix. Il est bien obligé de composer avec le petit dragon s'il tient à la vie. Le Kremlin a montré à ce peuple rebelle que sous Poutine, il était impossible de protester. Et la majorité des tchétchènes a fini par baisser la tête. »
Un problème sans solution est un problème mal posé
Kadyrov, le fils de son père ancien maître des lieux, assassiné, Anna a eu l'occasion de l'approcher et même de lui consacrer une interview dans laquelle elle décrit les appétits voraces d'un analphabète cruel. A l'endroit de Kadyrov et de Poutine, elle manifeste un sentiment de dégoût. « Pourquoi ai-je une telle aversion pour Poutine ? Parce que cela fait des années qu'a éclaté la seconde guerre de Tchétchénie et nous n'en voyons pas venir la fin. Je le déteste pour sa redoutable balourdise, pour son cynisme, pour sa xénophobie, pour ses mensonges, pour les gaz qu'il a utilisés lors du siège du théâtre de Moscou, pour les massacres d'innocents. Poutine se croit en droit de faire de nous ce qu'il veut et de nous manipuler, de nous détruire, s'il le juge nécessaire. La Russie a déjà eu des dirigeants de cette espèce. Chaque fois, cela nous a conduits à la tragédie, à des bains de sang, à des guerres civiles », avait-elle écrit dans son livre La Russie selon Poutine. Elle revendique ce jugement sévère et implacable sur le maître de la Russie comme elle fait siens les sanglots de milliers de Tchétchènes qui abhorrent le président potiche Kadyrov. Ce dernier ne va pas avec le dos de la cuillère pour fustiger l'attitude de la journaliste qui, selon lui, est allée un peu « trop loin ». Ainsi en réponse à l'une des nombreuses critiques adressées par Anna, il réplique : « Vous ne nous laissez pas remettre de l'ordre ; Vous semez la division chez nous. Toi, par exemple, tu t'es interposée entre les Tchétchènes. Tu es notre ennemi. Pour moi, tu es pire que Bassaëv (chef rebelle tchétchène tué en juillet dernier). » Sur son bureau, désormais déserté à la rédaction de Novaïa Gazeta où elle exerce depuis des années, traînent deux photos, celle d'un Russe et celle d'un Tchétchène qui avaient tous deux été salement torturés. Au moment de son meurtre, Anna était en train d'enquêter sur ces deux cas. Les articles d'investigation qu'écrivait Anna lui ont valu nombre d'ennemis dans les rangs de l'armée et des services de renseignement fédéraux, sans oublier le ressentiment tenace du chef de la Tchétchénie Kadyrov. Très critique de la politique de Moscou dans le Caucase, mais aussi plus largement du tournant autoritaire pris par le régime de Poutine, cette quadragénaire aux cheveux gris a publié plusieurs livres « qui remettent tous en question la politique du Kremlin aussi bien au plan interne qu'externe ». Un de ses confrères, qui l'a longuement côtoyée, témoigne du climat terrible dans lequel elle exerçait son métier. « La dernière fois que je l'ai rencontrée, Anna m'avait raconté les menaces trouvées dans son courrier, les appels téléphoniques anonymes et les voitures qui la suivaient dans la rue. Elle disait aussi : ‘'Mon pays est tenu par des mafias dont les responsables sont régulièrement assassinés ou élus au Parlement. D'autres s'achètent des régions, comme Roman Abramovitch, il s'est offert le Kamchatka, dont il est le gouverneur, mais il n'y va quasiment jamais. Pour lui, c'est simplement amusant, il l'a dit. En revanche, l'achat du club de football anglais de Chelsea, c'est un placement.'' » Anna évoquait aussi son rédacteur en chef, empoisonné en juillet 2006 par des inconnus et mort dans d'atroces souffrances. Elle rappelait qu'en septembre 2004, partant en reportage sur la prise d'otages des enfants de l'école de Beslan, elle avait été empoisonnée dans l'avion, au moyen d'une tasse de thé, par ceux qui ne voulaient pas qu'elle se mêle de cette horrible et sombre affaire.
Mourir pour des idées
Après une nuit de coma à l'hôpital de Rostov, elle avait survécu par miracle à l'issue d'une très longue convalescence. De cette période, elle garde un souvenir amer. Elle se souvient du malaise qu'elle qualifiera d'empoisonnement sinon, tempête-t-elle, pourquoi les résultats de ses analyses disparurent, laissant planer un mystère coupable... De cette période, elle tirera aussi quelques enseignements puisqu'elle confiera à sa famille que durant son rétablissement elle était immensément seule et qu'elle n'a pas été entourée de la sollicitude voulue. Peut-être à ce moment-là, se savait-elle indésirable ? Les journalistes, qui avaient accompagné Anna à sa dernière demeure, étaient partagés entre la colère et la peur. Ils s'en voulaient d'avoir déserté le front de la lutte, du moins d'avoir accepté indirectement le muselage et d'être envahis quelque part par un sentiment de culpabilité. « Anna illustrait ses accusations de faits concrets et précis. Et nous ? Pendant ce temps, nous nous sommes laissés gagner par la peur, écrivant des analyses, maniant des concepts sur les violations de la démocratie, sans prendre suffisamment de risques », admettent-ils dans leur impuissance. La corporation de la presse a peur, sans doute depuis le 13 novembre 2002, lorsque la Douma a adopté une loi antiterroriste qui restreint considérablement la liberté des médias dans le pays. Celui qui fait la propagande de l'opposition, qui traite du terrorisme ou de la Tchétchénie, est vite désigné du doigt et mis dans la ligne de mire. Comme ce journaliste dénonciateur de la guerre russe en Tchétchénie, qui a été accusé directement par Poutine d'être un traître. « Il est clairement au service de l'ennemi. Ce qu'il fait est bien plus dangereux que de tirer des rafales d'armes automatiques, avait déclaré le président russe. Kadyrov, lui aussi, n'a pas dit autre chose à Anna. « Les mots peuvent sauver des vies », disait-elle. Elle aura donné la sienne pour la liberté d'expression. Devant son cercueil, les quelques intervenants qui se sont succédé n'ont pu retenir leur amertume. « Maintenant qu'elle est morte, on la montre à la télévision russe à laquelle elle n'avait pas accès de son vivant », a signalé un de ses collègues. Mais c'est cela « l'exemple » dans toutes les acceptions du terme...
PARCOURS
Née à New York, le 30 août 1958, elle est la fille de diplomates. Après des études de journalisme à Moscou qu'elle termine en 1980, elle commence sa carrière au journal Izvestia. Depuis juin 1999, elle écrivait des articles pour le journal en ligne Nouvaïa Gazeta. En 2001, elle s'était réfugiée plusieurs mois en Autriche après avoir reçu des menaces par courriers électroniques. Les menaces affirmaient qu'un officier de police, qu'elle avait accusé de commettre des atrocités contre les civils, avait l'intention de se venger. Sergueï Lapine avait été interpellé, mais les charges avaient été abandonnées, l'année suivante. Celles-ci furent reprises en 2005 et Lapine fut condamné à une peine de onze années d'emprisonnement. A son actif, des ouvrages publiés en français :
Voyage en enfer, journal de Tchétchénie, Robert Laffont 2002
Tchétchénie, le déshonneur russe, Buchet Chastel 2003
La Russie selon Poutine (2005)
Douloureuse Russie (2006)


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