Musellement Contrairement aux télévisions russes, la presse écrite s'est montrée très critique de la gestion de la crise par le Kremlin. Au point que le rédacteur en chef des Izvestia a été contraint de démissionner. Officiellement, Raf Chakirov a démissionné pour divergences avec le propriétaire des Izvestia, le groupe de presse Prof-Media détenu par Vladimir Potanine, un «oligarque» rentré dans le rang après l'arrivée au pouvoir de Poutine. La direction de Prof-Media a jugé l'édition de samedi dernier, rendant compte du dénouement tragique, «trop émotionnelle» avec la photo d'une jeune otage à moitié nue dans les bras d'un sauveteur barrant toute sa une et de nombreuses photos de scènes chaotiques à l'intérieur. Mais Chakirov a tenu bon : «Le pays le ressent ainsi : c'est le début d'une guerre.» Selon un membre de la rédaction, cité par le quotidien anglophone Moscow Times, c'est en fait le Kremlin qui aurait réclamé son départ. Le quotidien, fondé en 1917, suivait jusqu'ici une ligne modérée, se gardant de critiquer le président. Dans la crise de Beslan, sous la direction de Chakirov, 44 ans, professionnel reconnu, arrivé à la tête de la rédaction en novembre 2003, sa couverture a été l'une des meilleures de la presse. Le journal, l'un des plus gros tirages (235 000 exemplaires) de Russie, a été le premier à mettre en doute le chiffre officiel de 354 otages, ridiculement bas sachant que l'école comptait 800 élèves. Par ailleurs, deux journalistes , excellents connaisseurs du Caucase, respectés à l'étranger et connus pour leur opposition à la politique tchétchène de Poutine, avaient été victimes d'incidents séparés en route pour Beslan. Andrei Babitski, de Radio Liberty, n'a pu prendre son avion : retenu pour une fouille, il a ensuite été pris à partie par deux inconnus. Condamné pour hooliganisme à cinq jours de prison, il a été libéré au bout de quarante-huit heures. La journaliste de Novaïa Gazeta Anna Politkovskaïa avait pu monter à bord de son avion. Mais après avoir bu un thé dans l'appareil, elle s'est sentie mal, et a dû être hospitalisée. De retour chez elle à Moscou, sa rédaction a dénoncé un empoisonnement. Leurs témoignages sur la tragédie de Beslan auraient eu un incontestable retentissement à l'étranger.