Le collectif des avocats de la défense a décidé de se retirer de l'affaire de fond pendante au niveau du tribunal administratif de Bir Mourad Raïs. L'ordonnance prononcée par le juge des référés dans le procès opposant le ministère de la Communication au groupe El Khabar a convaincu les avocats de la défense de ne plus plaider dans la deuxième affaire de fond (annulation du contrat) «dont l'issue est connue d'avance». Me Bergheul Khaled a dénoncé hier, lors d'une conférence de presse organisée par des membres du collectif au siège de Liberté, un «procès-spectacle» et «une parodie de justice». «Nous avons la conviction que notre présence dans cette parodie de justice et ce procè-spectacle ne plaidera en notre faveur et donnera une caution au verdict que prononcera le juge de fond», tranche l'avocat, précisant que la décision prise par la quarantaine d'avocats du collectif a été communiqué aux clients. Me Bourayou Khaled, est tout aussi tranchant en dénonçant une «arnaque». «Dans cette affaire comme dans d'autres la question de l'indépendance de justice et sa relation avec l'Etat s'est posée», estime-t-il. Tout en citant les propos contenus dans un article d'El Moudjahid critique envers ses collègues, Me Bourayou dénonce une justice aux ordres : «On n'est pas face à l'intime conviction du juge, mais à l'intime instruction.» L'orateur est convaincu que la décision prononcée par le tribunal vise à «assassiner» le journal qui a toujours soutenu le processus démocratique et les libertés dans le pays. «Le gouvernement veut affaiblir El Khabar et l'éloigner dans la perspective des nouveaux défis que connaîtra le pays», signale-t-il, allusion aux transactions sur la succession de Bouteflika. Dénonçant, pour sa part, une décision «prise en dehors des prescriptions légales (dispositions sur les libertés de la nouvelle Constitution et du code de procédure civile et administrative)», Me Fella Sadat a recensé plusieurs «irrégularités» dans l'affaire des référés. Selon elle, le ministère de la Communication ne dispose pas de la personnalité juridique pour déposer une requête introductive d'instruction, cette institution ne disposant pas de la personnalité morale. «Le sort réservé à l'action de cette entité était le rejet et l'irrecevabilité en la forme», assure-t-elle. L'avocate dénonce une «hérésie» qui a permis à la justice, «au mépris» des articles de la loi (927 du code de procédure civile et administrative) d'accepter la rectification de la demande introductive (d'annulation à rejet de l'acte de cessions au profit de NessProd) et de la troisième requête introductrice de nouvelles parties (actionnaires au lieu du président du conseil d'administration du groupe). L'incompétence matérielle du juge des référés pour statuer dans l'affaire de la cession des actifs du groupe arabophone a été aussi mise en avant par l'oratrice. Selon l'avocate, l'affaire en référé devra faire jurisprudence puis que cinq renvois et six audiences ont été nécessaires au juge Mohamed Dahmane pour prononcer son ordonnance, soit plus de deux mois. Me Bergheul dénonce une justice «soumise» au ministre de la Communication «en permettant à la partie demanderesse de rectifier, en violation de la loi, des erreurs liées à l'objectif de sa requête, les parties concernées, les causes et la demande». Affirmant que la décision du collectif ne vise pas les magistrats «fragilisés» par le système, Me Berghuel rappelle que le jour de la plaidoirie, le magistrat s'est adressé à l'avocat de la défense pour lui demander une preuve du fait que Issad Rebrab est le propriétaire des deux titres (Liberté et El Khabar), pour justifier le monopole dénoncé par le ministère (art. 25 de la loi sur la communication). «L'avocat du ministère s'est contenté de rapporter des déclarations à la presse du concerné», rappelle Me Bergheul, précisant que le juge des référés a «tranché sans preuve». Soutenant que c'est le pouvoir qui a politisé l'affaire, l'avocat rappelle les propos du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, et ceux du Premier ministre, qui s'est, signale-t-il, solidarisé avec son collègue du gouvernement. Selon l'orateur, Issad Rebrab qui n'a rejoint aucun clan «fait l'objet de menaces de ministres». «Rebrab a tenté de sauver El Khabar. L'homme n'a pas d'ambition politique. Il est cerné de toutes parts, ses projets sont bloqués. Au Brésil, cet homme, qui était escorté par deux sénateurs, a été reçu par quatre ministres. Même traitement en Italie», signale-t-il, en affirmant que les tenants du pouvoir craignent que Rebrab vise la Présidence ou soutienne un candidat. L'orateur rappelle, à la fin, les difficultés d'exécution du jugement que devra prononcer la justice : «Le jugement du tribunal fera face à plusieurs difficultés d'exécution vu que le contrat, enregistré et publié a produit tous ses effets. Le journal est là, avec sa direction.»