L'opposition parlementaire a dénoncé énergiquement les deux projets de loi qui vont déterminer l'avenir du multipartisme, à savoir le projet de code électoral et la loi organique relative à la haute instance de contrôle des élections soumis au vote aujourd'hui à l'APN. Cela était prévisible : les députés du Front des forces socialistes (FFS) ont annoncé, hier, le boycott des débats à l'Assemblée sur les projets de loi relatifs au code électoral et à l'instance de contrôle des élections. Lors de la réunion de samedi dernier avec les six autres formations politiques (MSP, Ennahda, Front de la justice et du développement, Al Islah, PT, El Karama), il a été question des actions à mener pour dénoncer les lois dites «liberticides», présentées par l'Exécutif «avec précipitation pour être adoptées sans aucun amendement». L'une des propositions retenue par les sept partis est de prendre part au débat en plénière, pour exprimer «les craintes» et expliquer «le danger» que comportent les nouvelles dispositions des lois organiques, notamment celles liées aux projets de code électoral et à l'instance de contrôle des élections. Les députés des sept partis s'accordent à dire que les dispositions du code électoral ont pour objectif de réduire le champ politique aux seuls partis au pouvoir et qu'elles portent atteinte aux libertés individuelles et collectives. Le représentant du FFS ne s'est pas opposé à l'idée d'exprimer cet avis au sein de l'hémicycle, lors des débats. Il a préféré s'en remettre à la direction de son parti, qui, elle, s'était engagée dans la logique du boycott de toutes les lois découlant de la nouvelle Constitution, qu'elle a rejetée dès sa promulgation. «C'est la continuation de la juridiciarisation du politique dans la fuite en avant autoritaire dans l'aggravation de la crise nationale», affirme Chafaa Bouaïche, président du groupe parlementaire, devant un parterre de journalistes. Et de préciser que depuis 2011, le pouvoir parle de réformes démocratiques mais ne fait que ruser et pousser le pays vers l'effondrement. Il poursuit : «En cinq ans nous avons vu se multiplier les émeutes, on a vu émerger et s'installer dans la durée des violences intercommunautaires et on a vu se renforcer des mouvements séparatistes. Nous avons assisté à une explosion de phénomènes de corruption impunis, à l'éclatement de violentes polémiques publiques mettant en cause des responsables institutionnels (…). Quand le pouvoir viole les lois et utilise le deux poids deux mesures dans l'application du droit en fonction des allégeances, il devient le premier pourvoyeur du désordre dans le pays.» Pour le représentant du FFS, «le pouvoir veut donner un tour de vis autoritaire en recyclant ses vieilles recettes et ses clientèles coutumières de la fraude et des coups de force contre une véritable représentation sociale et politique des Algériens». Dénoncer le coup de force de l'intérieur de l'hémicycle… Mais du côté des six autres formations politiques, avec lesquelles le FFS s'est allié pour contrecarrer les lois «scélérates», l'option est pour une autre action. Celle de prendre part aux débats en plénière et de dénoncer «le coup de force de l'Exécutif et de la majorité parlementaire». Ramdane Taazibt, du Parti des travailleurs (PT), explique la position de son parti : «Nous nous sommes inscrits dans une logique de contestation et de rejet de toutes les lois que nous estimons contraires au droit. Libre aux autres de le faire à leur manière.» Le député du PT revient sur les causes de cette contestation : «Les conditions d'un débat serein ne sont pas réunies, puisque plusieurs fois les députés ont été soumis à une pression intenable en courant d'une commission à une autre. Sept projets de loi d'une extrême importance sont programmés pour adoption demain (aujourd'hui, ndlr) dans une situation très difficile. Il y a un empressement de l'Exécutif à faire passer rapidement ces lois. Nous avons peur, parce que notre pays est en danger. Ces projets de lois liberticides et contraires à la démocratie risquent de réunir tous les ingrédients d'une explosion sociale.» Evoquant les deux projets de loi relatifs à l'obligation de réserve imposée aux militaires à la retraite et aux réservistes, Taazibt juge «inadmissible d'amputer la société de l'une de ses forces vives en lui imposant la censure». Pour lui, entre les intentions exprimées par l'Exécutif et la réalité, il y a tout un monde. «Nous sommes face à des lois contraires, y compris les conventions internationales. Nous disons au gouvernement que cette voie risque de provoquer des situations incontrôlables et qu'il est temps de se raviser avant qu'il ne soit trop tard.» Aujourd'hui, les sept partis de l'alliance du refus se rencontreront dans l'hémicycle pour voter sept projets de loi dont les amendements ont tous été rejetés. La majorité parlementaire sera là pour s'assurer que ces textes passent comme une lettre à la poste.