La tension à l'Assemblée nationale était perceptible dès mardi dernier, jour de la reprise des plénières. Elle s'est matérialisée jeudi matin par un mouvement de protestation, enclenché par huit partis politiques, représentés dans l'hémicycle du palais Zighoud-Youcef. Huit entités parlementaires, en l'occurrence le Front des forces socialistes, le Parti des travailleurs, l'Alliance de l'Algérie verte (AAV), le Mouvement pour la société et la paix (MSP), Ennahda, El-Islah, le parti Adala et El-Karama, s'insurgent contre leur spoliation du droit de contrôle de l'action de l'Exécutif ainsi que les mauvaises conditions dans lesquelles se déroule l'examen de cinq projets de loi, qu'ils qualifient de déterminants pour le pays. Il s'agit du projet de loi organique portant régime électoral, le projet de loi organique relatif à la haute instance de surveillance des élections, le projet de loi régissant les relations entre le Parlement et le gouvernement et les deux projets de loi portant obligation de réserve pour les militaires (statuts des officiers de réserve et statuts généraux des fonctionnaires militaires). Les projets de textes en question ont été transmis par le gouvernement au bureau de l'APN, le 16 juin. Ils ont été aussitôt programmés en séance plénière, sous les pressions du gouvernement qui leur a donné un caractère d'urgence. Si bien que certains projets ont été soumis au débat général avant que les différentes commissions compétentes n'achèvent leurs rapports préliminaires qui devaient, en principe, être remis aux députés trois jours auparavant. Les instances permanentes de la Chambre basse ont manqué de temps pour accomplir leur travail malgré le fait d'avoir tenu des séances de nuit qui ont duré, souvent, jusqu'à 2h du matin. Jeudi, à 10h30, les députés des huit formations politiques protestataires ont brandi devant les caméras des télévisions des pancartes sur lesquelles est écrit : "Démocratie en danger, multipartisme, la ligne à ne pas franchir et la prédominance du pouvoir exécutif sur le législative". La parole est ensuite donnée à chaque député représentant un parti. Ces parlementaires ont dénoncé le cachet urgent attribué à ces projets de loi, qui visent "à faire taire les militaires en retraite, et à écarter certains partis du processus électoral, après avoir exercé des pressions sur les médias et les syndicats", ont-ils relevé. "On veut passer ces projets, alors que 7% des députés seulement assistent aux plénières", conteste Djilloul Djoudi, député du PT, qui remet en cause la nature des amendements apportés par le gouvernement. "C'est une atteinte au multipartisme et à la liberté d'expression", a ajouté le député du PT. Le président du groupe parlementaire Adala, Lakhdar Benkhellaf, s'est interrogé sur le timing de la programmation de ces projets de loi : "Ces projets de loi ont atterri à l'APN plusieurs mois après la révision de la Constitution. Pourquoi les programmer dans l'urgence ? Parce que le pouvoir ne veut pas donner aux députés l'occasion d'introduire des amendements. Le pouvoir veut liquider certains partis avant les prochaines législatives après les avoir utilisé comme des nombres". Pour l'élu du FFS, Benferfat, "ces projets tendent à mettre fin à ce qui reste des libertés". Le bureau 5 chargé des initiatives des parlementaires a enregistré seulement 24 propositions d'amendements autour du projet du code de l'investissement, essentiellement autour de la règle 49/51 et la fiscalité. Pour ce qui est des deux projets de loi portant obligation de réserve pour les militaires, un seul amendement a été proposé à la commission de défense de l'APN. Il a été refusé. Son auteur, Djilloul Djoudi, a recommandé que l'obligation de réserve soit appliquée uniquement au secret professionnel et l'atteinte à l'unité de l'Armée nationale. À noter que la plénière de jeudi dernier devait procéder au vote de quatre projets de loi : le projet de loi portant organisation du métier du commissaire priseur, le projet de loi portant régulation du budget pour 2013 et les deux projets de loi concernant les statuts des officiers de réserve et statuts généraux des fonctionnaires militaires. La sonnerie invitant les députés à rejoindre la plénière a retenti de 10h du matin jusqu'à 14h30, sans succès. Même les tentatives de joindre les députés par téléphone n'ont pas abouti. Le carré réservé aux députés du FLN était quasiment vide, celui du RND aux trois quarts dégarni. Or, pour valider le vote, il faut la présence de 50% des membres de l'APN plus un, soit réunir au moins 232 députés sur 462. Le président de l'Assemblée nationale s'est incliné, après plusieurs rappels à rejoindre l'hémicycle, à reporter cette séance de vote à lundi prochain. Il a soutenu qu'il ne souhaitait pas contraindre les députés à se déplacer à l'hémicycle un week-end de Ramadhan. Alors, pourquoi avoir programmé, à la base, cette séance de vote, la veille d'un week-end ? Nissa Hammadi