Ses habitants doivent déménager sur le continent. Le danger a commencé à pointer, il y a de cela une trentaine d'années. Cruel destin qui avait coïncidé avec la frénésie du développement industriel orchestré sans retenue par les puissances du monde. La sonnette d'alarme a été tirée dès le départ par les scientifiques : l'humanité risque de se suicider. Ces derniers temps, ce grand ami de la terre qu'est Nicolas Hullot a entamé une campagne de sensibilisation sur les conséquences de la diminution de la couche d'ozone. Il est rejoint dans son combat titanesque par Al Gore, ancien vice-président américain. Des études sérieuses ont calculé le volume d'eau qui va submerger la terre ferme suite à l'irrémédiable fonte des glaciers polaires. Des pays entiers seront rayés de la carte engloutis sous les eaux. Une carte précise des débordements océaniques a été établie et montrée au grand public. Sur un autre plan, tout aussi dramatique, les autorités sanitaires de certains pays hyper- développés avertissent du désastre annoncé d'un fléau appelé obésité. Les statistiques des USA donnent la proportion de 1 habitant sur 3 à souffrir de ce mal, dans un proche avenir. Au rythme alimentaire affiché par les descendants de l'oncle Sam, les spécialistes prédisent une désertion des usines et une surpopulation des hôpitaux. Deux scénarii catastrophes en grandeur nature ou quand Hollywood rejoint la réalité. Ces informations suscitent inquiétude et amènent certains à une prise de conscience. Les écologistes et d'autres militants de la cause humaine revendiquent une stratégie à deux dimensions. D'abord en direction des politiques pour réprimer la frénésie meurtrière des grands trusts industriels. Le débat est pris en charge par les cénacles internationaux, sans grand succès jusque-là. Aux dires de ces missionnaires des bonnes causes, les argentiers sont égoïstes. « Après moi le déluge », telle serait leur devise. Façonner des comportements critiques Sur un autre volet, c'est l'éducation à la prévention qui est mise en relief. Les conseils donnés sont d'une étonnante simplicité. Des gestes à enraciner dans les habitudes quotidiennes peuvent améliorer la situation et contenir la pollution de notre corps et de notre environnement. Inculquer aux enfants dès le préscolaire les bienfaits de la saine alimentation, ancrer en eux la culture du tri des déchets, les sensibiliser aux conséquences du gaspillage de l'eau et de l'électricité. Démultipliés par centaines de millions, ces gestes vont — dans la durée — infléchir la courbe. Outre l'aspect ludique dans un premier temps, ces gestes seront expliqués par la suite selon le niveau scolaire. Les élèves auront à leur disposition des témoignages accablant l'inconscience humaine. Le choc des images ne sera point occulté. Bien au contraire, l'émotivité et la sensibilité sont d'un secours appréciable pour conscientiser l'enfant ou l'adolescent. Les paroles du maître ne sont pas aussi efficaces que le visionnage didactisé d'un documentaire ou l'intervention d'un spécialiste invité pour l'occasion voire une mise en situation « in vivo ». En appui, l'enseignant aura recours aux différentes disciplines scolaires pour étayer son argumentaire. Dans ce cas de figure, l'interdisciplinarité pourra s'appliquer à merveille. Elle viendra renforcer la compréhension des phénomènes expliqués par le maître. Une bonne compréhension n'est-elle pas la première étape du processus qui mène à la conscientisation ? Elle garantit l'acquisition de comportements critiques sans lesquels la saine pratique restera vaine. Une telle démarche pédagogique se situe aux antipodes de la méthode expositive et magistrale. Elle rend d'énormes services dans la lutte contre les fléaux sociaux, tels que le terrorisme routier, le tabagisme, la toxicomanie, l'alcoolisme, le racisme, l'intolérance, les pollutions... Des expériences fleurissent ici et là dans des établissements scolaires un peu partout dans le monde. Des éducateurs conscients s'échinent aux quatre coins de la planète. Ils n'exercent pas dans les quartiers chics des grandes villes mais souvent dans des écoles situées dans des milieux modestes. Dans les écoles d'un département français d'outre-mer, les écoles maternelles et primaires ont, depuis quelques années, obtenu de leurs élèves des réflexes liés à la culture de la récupération et du tri. Des économies substantielles ont été générées par ces gestes au quotidien. Il s'agit d'amplifier ce mouvement jusqu'à l'internationaliser par la voie institutionnelle. Le combat des écologistes s'apparente à celui des militants des droits de l'homme, soucieux de paix et de solidarité entre les peuples. Là aussi l'éducation à la tolérance et à la paix s'est imposée depuis quelques décennies. Il reste que toutes les écoles ne se sont pas encore mises au diapason. Il faudrait pour cela que les programmes d'étude soient imprégnés des cultures marquantes du monde entier. Cette ouverture interculturelle, via les programmes scolaires, servira à créer et à renforcer ce noble concept de « citoyen du monde chez soi ». C'est par ce chemin que passe inévitablement le dialogue des civilisations et la cohabitation des cultures. N'est-il pas remarquable de savoir que le fondateur de la Ligue internationale des droits de l'homme est un éducateur versé dans la formation des jeunes générations. Ferdinand Buisson — puisque c'est de lui qu'il s'agit — est un pédagogue français doublement célèbre avec l'élaboration du monumental Dictionnaire de la Pédagogie. Son militantisme pour la défense des droits de l'homme a été récompensé du Nobel de la Paix en 1927. Quoique appréciables, les progrès réalisés dans ce domaine sont loin de répondre au rêve d'un monde sans guerre, sans misère. Chaque seconde qui passe voit mourir des milliers d'enfants victimes des guerres, de maladies infectieuses et de malnutrition. Ces sauveurs de l'humanité rejoignent en cela la croisade menée par le monde médical pour éradiquer des fléaux dont certains ont par le passé décimé des millions de personnes. D'autres maladies inconnues jusque-là ont pris le relais des anciennes — même si ces dernières reviennent dans les fourgons de la pauvreté. Là aussi, l'éducation est sollicitée. La saine alimentation s'apprend dès le préscolaire. L'éducation nutritionnelle s'avère être une arme de dissuasion efficace contre l'obésité et les maladies cardiovasculaires déclarées danger public par l'OMS. L'Unesco est interpellée pour agir avec plus de fermeté envers les pays membres pour qu'ils accordent de l'importance à l'éducation durable. Ce concept est à associer à celui de développement durable. Ils sont complémentaires. Faute d'une éducation appropriée, l'homme peut nuire, par son comportement, aux efforts menés en vue d'un développement durable. Nous devons établir un bilan exhaustif des bienfaits et des méfaits de l'actuelle pédagogie scolaire par rapport aux exigences constatées par ces « semeurs de bonheur » que sont les pionniers de l'écologie, des droits de l'homme et des médecins. Ne pourrait-on pas affirmer que c'est précisément par carence dans la prise en charge de ces thèmes sensibles que les systèmes éducatifs ont leur part de responsabilité dans l'apparition ou l'aggravation de ces fléaux ? Il n' y a pas que les apprentissages scolaires et les réussites aux examens qui sont dignes d'intérêt. Certes des efforts sont entrepris dans cette direction mais par confusion des genres, ils s'avèrent inefficaces. Les droits de l'homme, l'hygiène ou l'écologie sont incompatibles avec la logique scolaire adaptée aux maths ou aux langues. Ils nécessitent une autre démarche pédagogique, un autre type d'évaluation. Et d'ailleurs, c'est par l'exemple et la mise en situation que cet enseignement — on dira cette éducation — se transmet et s'enracine. En l'état actuel des choses, les gestionnaires des systèmes scolaires ont du pain sur la planche. Ils doivent concevoir et élaborer une véritable doctrine pédagogique tournée vers l'ensemencement de ce nobles idéaux. Où est ce terrain fertile pour que les graines puissent éclore si ce n'est dans le cœur et l'esprit des enfants ? La mission la plus durable car permanente est celle qui appréhende l'acte éducatif dans une perspective à moyen et à long terme. On n'éduque pas pour la seule réussite à l'examen ou au passage en classe supérieure : ce serait de la myopie intellectuelle. L'enseignant doit travailler en fonction d'un état futur, celui de l'élève devenu adulte dans un monde à construire. Les décideurs politiques, les industriels et les consommateurs de demain se forment ici et maintenant. Faisons en sorte qu'une fois adulte, ils matérialiseront le rêve des semeurs de bonheur. Les enfants d'aujourd'hui aspirent à vivre sains et dans un monde sécurisé. Ils ne pardonneront pas aux adultes en charge de leur éducation de ne pas les avoir outillés en conséquence. Dans l'actuel contexte caractérisé par la menace de l'Homme sur la Terre, leur avenir est incertain.