L'institution onusienne “Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement” (IAASTD), a tiré la sonnette d'alarme sur le fait que «35% des terres dans le monde sont très dégradées à cause des activités agricoles» modernes, a indiqué lundi à Paris l'Unesco. Lancée en 2002 par la Banque mondiale et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) lors du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg, l'IAASTD note, dans un rapport qui sera présenté le 15 avril simultanément dans plusieurs capitales dans le monde, qu'il “y a urgence” face à la suractivité agricole. “Depuis mars 2007, les prix du soja et du blé ont augmenté respectivement de 87% et de 130% et les réserves mondiales de céréales sont à leur plus bas niveau. Le prix du riz, du maïs et du blé devraient encore augmenter en raison de la hausse de la demande, notamment en Chine et en Inde, et de l'utilisation de ces produits comme biocarburants”, notent les auteurs du rapport. Dans ce contexte marqué par la flambée des prix des produits agricoles, L'IAASTD rendra public son rapport sur l'état de l'agriculture dans le monde (biocarburants, OGM, recours aux savoirs traditionnels, impact des changements climatiques pour conclure sur “l'urgence de changer les règles qui régissent l'agriculture moderne”. Selon le premier constat du rapport, “si les sciences agricoles ont permis d'améliorer considérablement la productivité depuis une cinquantaine d'années, les bénéfices ont été très inégalement partagés” dans le monde. Par ailleurs, ces progrès “se sont traduits dans bien des cas par un coût social et environnemental important” , poursuit le rapport qui préconise “que les sciences agricoles prennent davantage en compte la protection des ressources naturelles et les pratiques dites “agro-écologiques”, notamment par l'utilisation d'engrais naturels, des semences traditionnelles, l'intensification de processus naturels ou une plus grande proximité entre la production des matières agricoles et des consommateurs auxquels elles sont destinées”. En Amérique du Nord et en Europe, la part de la recherche agricole financée par des fonds privés a beaucoup progressé, ce qui a largement orienté les travaux menés. De fait, les grandes multinationales exercent aujourd'hui une forte influence sur les sciences agricoles et leurs priorités. Alors que “l'Asie centrale et de l'Ouest et l'Afrique du Nord disposent encore d'une diversité génétique unique”, contrairement à l'utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM), mais doivent optimiser la gestion de l'eau nécessaire au développement, en Asie du Sud et de l'Est et dans le Pacifique, “les schémas actuels de développement de l'agriculture devraient aggraver la pollution par l'azote. Les changements climatiques provoqueront certainement de forts mouvements migratoires. D'ici 2020, le niveau de l'eau disponible par personne devrait avoisiner un tiers de ce qu'il était en 1950, voire moins”, signale le rapport, réalisé par près de 400 scientifiques, de gouvernements des pays industrialisés et en développement, et de représentants de la société civile. Il ajoute qu'en “en Amérique latine et dans les Caraïbes, l'augmentation de la productivité agricole depuis 1950 n'a pas permis de réduire de manière significative la pauvreté, qui affecte encore 37% des habitants” et “l'importation de produits alimentaires a créé une dépendance et perturbé la production locale”. Les auteurs du rapport recommandent aux gouvernements “d'interdire la consommation et la culture d'OGM dans les pays (centres d'origine) de certaines plantes afin d'éviter la contamination et de préserver leur diversité génétique”. En Afrique subsaharienne, l'agriculture représente 32% du PIB. “Or, les pénuries d'eau affectent près de 80% des terres agricoles. Le recul de la diversité génétique est un problème dans la mesure où de nombreuses espèces et céréales, qui représentent une part très faible des échanges sur le plan mondial, sont des aliments de base sur le plan local”, constate l'IAASTD. Les conclusions du rapport sont soumises à l'approbation du panel intergouvernemental de l'IAASTD qui se réunit en séance plénière du 7 au 12 avril courant à Johannesburg, a indiqué l'Unesco.