Rome où l'alarme a sonné en plein milieu du festival, suite au dramatique accident du métro. Un des piliers du cinéma italien, le Sicilien Guiseppe Tornatore, a montré dans La Sconoscuita (l'inconnue), une fiction de deux heures, l'étroite association de la mafia de la drogue, du trafic d'armes avec la « traite des blanches ». Ces jeunes femmes d'Europe de l'Est qu'on jette sur les pavés de l'Occident. Parties pour découvrir la liberté et l'argent, elles se retrouvent esclaves, prostituées. Une nouvelle émigration avec son côté atroce de violence, d'humiliation, de désespoir absolu. Quelquefois, il y a des révoltes profondes. C'est le cas d'une femme d'Ukraine, Iréna, l'inconnue au centre du film de Tornatore. Une femme qui voue un ressentiment très vif envers ce qu'elle a dû subir dans un passé récent et qui débarque en Italie dans l'espoir d'une réhabilitation de sortir de son cauchemar. Mais, hélas, son passé la suit pas à pas. Il fallait tout le talent de Tornatore et de ses interprètes pour traiter ce sujet sérieux et d'actualité brûlante sans que ce soit de l'anecdote. La Sconoscuita, sombre vision de ce qui se passe en Europe (à l'Est comme à l'Ouest), est un film sur l'exil qui n'est jamais un royaume. Le Festival de Rome a fait bon accueil à un autre film : Mon colonel, de Laurent Herbiet, filmé à El Eulma, Sétif, Blida, Constantine, produit par Costa Gavras et l'ENTV, avec l'aide de l'ANP. Un film à thèse, premier film du genre contre la torture pratiquée par l'armée française en Algérie, contre les dérives fascistes de certains officiers de type Aussaresses. Mon colonel est adapté par Costa-Gavras d'un roman policier de F. Zanponi. Dans la première scène, on voit Charles Aznavour abattre un officier à la retraite, le colonel Duplan, qui venait évoquer à la télévision son rôle dans l'armée en Algérie. Alors que le récit progresse, on découvre que Charles Aznavour joue le rôle du père d'un jeune soldat, Guy Rossi, 24 ans en 1956, porté disparu, certainement assassiné par Duplan parce qu'il s'est opposé à ses méthodes criminelles. Au cours d'un dîner au Cirta à Constantine, Rossi a ouvert les yeux sur la réalité de l'occupation coloniale grâce à son ami instituteur progressiste, engagé auprès de la lutte pour l'indépendance. Rossi voit alors mieux l'engrenage de la « sale guerre », la torture, les exécutions sommaires sur l'ordre du sinistre colonel Duplan. Quand on lui dit : on va pacifier, éliminer les rebelles pour rétablir la paix, Rossi ne voit que les choses qui le révoltent et qu'il consigne jour après jour dans son journal. Un journal qui est minutieusement décortiqué à Paris dans le ministère de l'Armée qui a jusqu'à aujourd'hui étouffé les pratiques illégales, inhumaines, honteuses pendant la guerre d'Algérie. Pour avoir montré, radiographié cette situation, Mon colonel est une pierre dans le jardin de ceux qui prétendent que la colonisation était « globalement positive ». Ce film était une des meilleures affiches du Festival de Rome. Comme la force, la beauté et l'éclat du dernier film du cinéaste chinois Zhang Yimou : Mille miles en solitaire, avec l'acteur japonais Ken Takakura, qui a joué dans 130 films au Japon. Ce film est un manifeste pour de meilleures relations entre la Chine et le Japon. C'est un film de réconciliation entre les deux grands pays. C'est un choc visuel (tournage dans les paysages fabuleux de la province de Yunnan en Chine) autant qu'émotif.