Premier couac dans les rapports entre le ministère de la Communication et l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) fraîchement installée. La mise en demeure adressée par le ministre de la Communication, Hamid Grine, aux chaînes de télévision privées non agréées, pour exiger d'elles de se mettre en conformité avec le cahier des charges régissant le secteur, est venue briser net les préjugés favorables accordés à cet organe et à son nouveau président Zouaoui Benamadi qui a bonne presse dans la corporation. Le délai de grâce pour la réappropriation par l'Arav de ses prérogatives usurpées par le ministère de tutelle durant la période ayant précédé l'installation officielle de cette instance n'aura été que de courte durée. Dans une déclaration faite hier à notre confrère El Khabar, le président de l'ARAV a admis que son institution n'a pas été informée ni consultée sur l'initiative du ministre de la Communication tout en qualifiant, par ailleurs, celle-ci «d'action souveraine de l'Etat». De par son statut d'autorité indépendante du pouvoir exécutif, il n'est pas dans les prérogatives de l'ARAV d'être consultée par le gouvernement, a ajouté M. Benamadi, tout en revendiquant le devoir pour le Parlement et le gouvernement de consulter l'Autorité de régulation de l'audiovisuel sur «certaines décisions pour donner notre avis aux décideurs». Réaction timorée d'un président qui apparaît, d'une part, soucieux d'affirmer l'autorité et l'indépendance de son institution sachant qu'il est attendu de pied ferme sur ces principaux enjeux par la corporation à laquelle il appartient, tout en se gardant, d'autre part, d'entrer en confrontation avec les décideurs alors que l'Arav est encore en phase de structuration. Qu'importe de savoir s'il s'agit d'un nouveau dérapage personnel du ministre de la Communication qui n'en est pas à sa première bourde, ou si la décision de court-circuiter l'Arav est endossée par le gouvernement ! Le fait est qu'à peine installée, cette institution est déjà discréditée. Les prochains jours nous diront si cette passe d'armes à fleurets mouchetés entre le ministre de la Communication qui semble mal vivre le délestage des prérogatives de son ministère en matière d'encadrement du secteur de l'audiovisuel au profit de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel après son installation et le président de l'Arav relève de l'abus d'autorité ou d'une politique gouvernementale assumée. Quand on relit les missions et les prérogatives de l'Arav, dont celles notamment d'instruire les dossiers d'agrément des chaînes privées et d'octroyer les fréquences, de veiller dans les grilles des programmes des chaînes au respect du pluralisme politique et syndical, de la diversité culturelle, il y a lieu de se demander comment une institution dont la composante est choisie et nommée par décret présidentiel peut s'affranchir des pesanteurs politiques. A supposer que cette cacophonie à laquelle on a assisté n'est qu'un feu follet autour d'un balisage du champ d'intervention dans le secteur de l'audiovisuel entre les différentes institutions, la reconfiguration prochaine du champ de l'audiovisuel résultant de la mise en œuvre des nouvelles dispositions régissant le secteur nous renseignera sur les intentions du pouvoir d'aller vers une ouverture ou un verrouillage de l'audiovisuel.