Pour le journaliste Edwy Plenel, il est bien de «revisiter un passé qu'il faut sauver à l'instant des dérives du présent pour mieux y faire face». Voilà qui ouvrait de fort belle manière la réflexion sur le documentaire Alger, la Mecque des révolutionnaires, présenté pour la toute première fois au public à Avignon pour la manifestation «Les écrans du tout monde», dans la Chapelle du verbe incarné. Le film sera diffusé sur la chaîne Arte à la fin de l'année. Parlant de cette période très animée en Algérie, le fondateur du journal en ligne Mediapart devait rappeler que «l'ébranlement algérien fut un ébranlement du monde». Au lendemain de l'indépendance, Alger accueillit jusqu'au début des années 1970 tout ce que le monde connaissait comme mouvements révolutionnaires (Mozambique, Angola, Cap-Vert…) et de personnalités tels le mouvement noir américain, Che Guevara, Patrice Lumumba, Amilcar Cabral ou encore, déjà dans les bases marocaines, en 1961-1962, le plus connu de tous, Nelson Mandela, qui n'oublia jamais le soutien algérien à la cause de la libération sud-africaine. « Cette Algerie a fait de nous ce que nous sommes». A la fin de la projection, ému aux larmes, Edwy Plenel révéla ce que l'Algérie lui a apporté. Au lendemain de l'indépendance, il vivait à Alger avec son père qui avait tout lâché en France pour aider la jeune révolution : «Cette Algérie-là a fait de nous ce que nous sommes». Il ajouta : «Le film est très juste. Nous avons besoin d'idéal quelles que soient les ombres qu'il y a derrière, c'est fort d'avoir abordé ces idéaux de fraternité, de solidarité, d'humanité. Et d'avoir rendu, ce qui est aussi au cœur de nos débats franco-français, cet événement du saut qu'a fait le peuple algérien, un événement géopolitique déterminant.» Pour le réalisateur Ben Salama, qui vécut sa jeunesse à Alger, de 1963 à 1972, «il y avait un bouillonnement qu'on ne peut pas imaginer aujourd'hui. On se prenait tous pour des révolutionnaires de 15/16 ans, avec l'impression de participer à la révolution mondiale. Il y a beaucoup de choses que je n'ai pas pu aborder comme les pieds-rouges, venus en sacrifiant leur carrière pour aider la jeune Algérie qui nous a tous déçus malheureusement». Idée sur laquelle rebondit Edwy Plenel : «L'émotion renvoie aux espérances de beaucoup, y compris en Algérie, fussent-elles déçues. C'est le souvenir des espérances qui permet d'en inventer d'autres. Ce n'est ps de la déploration, c'est au contraire une façon d'avancer». Le producteur Amirouche Laïdi estime que «c'est un film pédagogique à proposer à l'éducation nationale ici et là-bas, pour que les jeunes connaissent cette partie de l'histoire. Cette période est une fierté pour l'Algérie et fait partie du patrimoine historique du pays». Ben Salama nous confie sa joie d'avoir mené à bien ce projet. «L'Algérie a été un lieu d'espoir, où tous ceux qui espéraient un autre monde se retrouvaient à la fois sur le plan culturel et politique, mais aussi dans l'animation d'Alger. C'était extraordinaire. Tous les Algériens étaient fiers de cette Algérie rayonnante. Même si sur le plan économique il y avait à redire, il y avait un enthousiasme». D'autant plus que «cette histoire est grandiose, elle est importante, elle fait partie de nous que nous l'ayons vécue ou qu'on en soit les héritiers». Quant à la carrière du film, le producteur nous a indiqué être en contact avec une chaîne de télévision privée en Algérie pour une diffusion en langue arabe.