Les habitants des quartiers rebelles d'Alep étaient terrés hier chez eux à cause des raids et des mises en garde contre l'utilisation des «couloirs de la mort» ouverts par le régime pour sortir de la métropole syrienne. Après des semaines de bombardements et de siège des quartiers rebelles, le régime a ouvert des corridors pour encourager civils et combattants souhaitant déposer les armes à sortir avec l'objectif de s'emparer rapidement et complètement de la deuxième ville du pays et réaliser ainsi sa plus grande victoire de la guerre. L'ouverture des couloirs, annoncée par le régime de Bachar Al Assad, est présentée comme ayant un but «humanitaire», mais l'opposition, les analystes et les rebelles doutent d'une telle intention. L'aviation et l'artillerie du régime ont d'ailleurs repris le matin leurs bombardements contre les quartiers rebelles dans l'est de la cité septentrionale, où se trouvent assiégés depuis le 17 juillet quelque 250 000 habitants qui manquent de nombreux produits de base. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), seule «une douzaine de personnes sont sorties depuis jeudi via l'un des corridors à partir du quartier Boustane Al Qasr». «Mais les rebelles ont ensuite empêché les habitants de s'approcher de ces corridors», a-t-il ajouté. Concrètement, les couloirs sont fermés du côté rebelle, mais ouverts de l'autre côté, c'est-à-dire dans les régions sous contrôle du régime. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a annoncé jeudi le début d'une opération d'une grande envergure d'aide à la population d'Alep, dans le nord de la Syrie, soulignant qu'elle sera menée de concert avec les autorités syriennes. «La Russie et le gouvernement syrien lancent une opération humanitaire de grande envergure à Alep», a communiqué jeudi aux journalistes le ministre russe de la Défense, annonçant ainsi que «trois corridors seront créés pour que les habitants puissent quitter la ville». «Un corridor à part sera créé pour les combattants prêts à déposer les armes», a-t-il ajouté, indiquant que «l'opération doit commencer dès le 28 juillet». Une source au sein des milices d'Alep a clairement laissé entendre qu'une part des combattants encerclés par les forces gouvernementales syriennes se sont déclarés prêts à déposer les armes au lendemain de la déclaration du président Bachar Al Assad relative à l'amnistie. Mais il est encore trop tôt pour avoir des chiffres concrets, selon la même source. Pour Karim Bitar, directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), «une chute d'Alep constituerait un revers majeur pour les rebelles. Cela signifierait qu'Al Assad et Poutine ont réalisé l'un de leurs principaux objectifs et repris le dessus», dit-il en allusion au président russe Vladimir Poutine. «Les Russes et le régime veulent pousser les gens à se rendre. Ce qu'ils veulent, c'est une reddition», a dit une source diplomatique occidentale. Selon des analystes, la perte d'Alep pourrait signifier le début de la fin pour la rébellion et représenter un tournant dans la guerre qui a fait plus de 280 000 morts et poussé des millions de personnes à la fuite. Outre Alep, les rebelles contrôlent des secteurs de la province de Damas, notamment la Ghouta orientale, et quelques régions du sud du pays morcelé. Les autres zones sont soit aux mains du régime soit contrôlées par les djihadistes. Alors que l'aide n'est plus parvenue à Alep depuis le 7 juillet, des médecins syriens opérant dans les zones rebelles ont averti depuis Genève qu'«Alep est en train d'être éradiquée sous les yeux du monde». Par ailleurs et dans un nouvel acte cruel, les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont assassiné 24 civils après leur prise d'un village près de Minbej, une localité du nord de la Syrie théâtre de combats avec une alliance kurdo-arabe, selon l'OSDH. Bombardements aveugles Le représentant permanent syrien auprès des Nations unies, Bachar Al Jaafari, a accusé les forces aériennes françaises d'avoir tué des civils lors d'un raid mené près d'un village dans le nord du pays, causant la mort de 164 civils. Le diplomate syrien a mis «cet incident», selon la même source, sur le compte du «manque de communication entre les autorités syriennes et les forces de la coalition menée par les Etats-Unis et à laquelle participe la France». Dans ce contexte, le représentant permanent russe Vitali Tchourkine a demandé «des explications sur ce qui s'était passé dans le village syrien». Au moins 41 personnes, dont 28 civils, ont d'autre part été tuées dans des raids de la coalition antidjihadiste dirigée par Washington jeudi contre une localité aux mains des djihadistes. La localité visée d'Al Ghandoura, contrôlée par l'EI, est située dans la province septentrionale d'Alep, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest du fief djihadiste de Minbej assiégé par les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par Washington. Ces frappes sont intervenues le jour où la coalition internationale contre l'EI a reconnu de nouvelles victimes civiles dans des bombardements en Irak et en Syrie ces derniers mois, qui ont fait au total, selon elle, 55 morts depuis le début de la campagne aérienne en 2014. Mais la coalition est accusée de sous-estimer largement leur nombre. Selon l'OSDH, les frappes de la coalition en Syrie ont tué environ 600 civils, dont 136 enfants.