Le chef du gouvernement démis, Habib Essid, a commencé son allocution d'hier à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) par cette affirmation : « Je suis tout à fait conscient que le vote sera contre moi (...). Je ne suis pas venu pour obtenir les 109 voix (nécessaires au maintien du gouvernement), je suis venu exposer les choses au peuple et aux députés». Laquelle affirmation montre que Habib Essid n'entretenait aucune illusion concernant son avenir à la Kasbah. Par contre, il a fermement défendu les acquis de équipe, en accusant les partis politiques de « faire mine d'oublier les progrès réalisés contre le terrorisme et la cherté de la vie, ainsi que l'élaboration d'un plan quinquennal ». Habib Essid a insisté sur le fait que son gouvernement « était fait pour durer (...) parce que la situation de notre pays imposait de la continuité ». Mais, les dés étaient jetés, aussi bien du côté de la majorité ayant installé Essid à la Kasbah, à savoir NidaaTounes, Ennahdha, l'UPL et Afek Tounes, ou du côté de l'opposition qui n'a jamais accordé de confiance à ce gouvernement. Si toutes les interventions des députés sont allées hier vers l'appréciation des acquis réalisés par le gouvernement de Habib Essid, notamment sur le plan sécuritaire, le reproche de manque de poigne revenait sur toutes les bouches. «L'étape délicate traversée en ce moment par la Tunisie nécessite un chef de gouvernement courageux et doté de qualités spéciales, notamment la capacité de faire face aux situations difficiles en prenant les décisions cruciales nécessaires», a dit le porte-parole d'Ennahdha, Imed Hammami. Les islamistes ont maintenu jusqu'au dernier moment leur soutien à Essid. Mais, ils se sont vus obligés de le lâcher lorsque tous les partis lui ont retiré leur soutien. Des reproches Du côté de Nidaa Tounes, la tendance anti-Essid est plus nuancée dans les interventions des députés de ce parti. Ainsi, le député Hatem Ferjani explique comment l'accord de Carthage, signé dernièrement par huit partis politiques et trois organisations nationales, «représente une nouvelle classification des priorités à l'échelle nationale et doit impérativement s'accompagner d'un changement de plan d'action afin de sauver ce qui peut être encore sauvé». Pour ce député, Habib Essid aurait dû démissionner suite à la signature de cet accord car, pour Nidaa Tounes, «nous pensons qu'aujourd'hui, vous n'êtes plus la personne qui doit continuer à diriger le pouvoir exécutif. Les partis politiques sont tenus par des résultats et nous n'avons aucun autre choix que celui d'aller vers les solutions les plus efficaces pour sortir de cette crise». Le ton était hier plus virulent du côté du Front populaire, cette formation de l'opposition radicale qui dispose de 15 députés à l'ARP. Ainsi, Zied Lakhdhar a rappelé au Chef du gouvernement sortant que le Front populaire n'avait pas voté la confiance au gouvernement dès le départ parce que « nous étions surs que votre gouvernement ne pouvait qu'échouer dans la réalisation des promesses faites au peuple tunisien, notamment celles de dévoiler toute la vérité sur les assassinats politiques de 2013 et la réalité sur les lobbies de corruption, qui se sont même incrustées au sein des partis». Il était donc clair, depuis le lancement de l'initiative de gouvernement d'Union nationale par le Président Béji Caïd Essebsi, le 02 Juin dernier, que les jeux étaient donc faits pour le retrait de confiance au gouvernement Essid. La composition de l'ARP va dans le sens de ce choix. Ennahdha dispose de 69 députés, Nidaa Tounes 67, El Horra de Machrouaâ Tounes et Mohsen Marzouk, 24 députés, le Front populaire, 15, l'UPL, 12, Afek 8, ainsi qu'une vingtaine de députés répartis entre de petites formations. La question qui se pose aujourd'hui concerne la personnalité qui va prendre le relais à la tête du gouvernement dans cette situation tunisienne confuse où la transition socioéconomique peine à s'affirmer. Le choix est d'autant plus difficile qu'il y a une obligation de résultats après 06 gouvernements en cinq ans.