Fabuleux système politique américain qui, après avoir frôlé le pire avec la ségrégation raciale, a permis à un Noir d'être élu président des Etats-Unis et, probablement, en novembre prochain, à une femme de se hisser à la tête du plus puissant pays de la planète. Lorsque le 17 septembre 1787, les Américains, immigrés d'Europe, écrivirent et adoptèrent la Constitution des Etats-Unis, consacrant ainsi «la loi suprême du pays», ils ne savaient pas qu'ils donnaient naissance à ce qui sera l'un des plus anciens textes de l'ère moderne, encore appliqué avec beaucoup de cohérence aujourd'hui. La Constitution des Etats-Unis, et c'est sa force, est fondée sur la séparation stricte des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), mais des pouvoirs qui s'interconnectent entre eux. Ce système, dit assez improprement présidentiel (en opposition au système législatif tel qu'appliqué ailleurs), place le citoyen au centre des préoccupations nationales. La Constitution définit en effet dans le détail tous les droits des citoyens, les mettant à l'abri de l'arbitraire, de la déraison et de l'abus d'autorité. Cette dernière, forte de sa longévité, n'a subi que 27 amendements en plus de deux siècles et a consacré uniquement deux mandats de quatre ans au Président élu, soit huit ans de pouvoir, pas plus. Pourquoi les Américains s'astreignent-ils donc à la limitation stricte des mandats électifs ? La motivation des pères fondateurs est liée à l'origine et aux causes de l'émigration massive à vecteur unique : d'Europe vers le Nouveau Monde. Réprimées politiquement et religieusement sur le vieux continent (comme l'a si bien relaté Alexis de Tocqueville dans son livre De la démocratie en Amérique), les nouveaux citoyens américains se sont attelés à réfléchir à un système politique basé sur l'encadrement, donc la limitation des pouvoirs constitutionnels des gouvernants, et un renforcement de leurs propres droits protecteurs de leurs libertés, des droits inscrits en lettres d'or dans la Constitution. Le postulat qui les a guidés est que «plus un gouvernant perdure au pouvoir, plus il prend goût au pouvoir et plus il perd la notion des réalités». C'est un peu ce que nous avons eu à observer tout au long du siècle qui s'est écoulé, particulièrement en Europe de l'Est où le système dit socialiste avait donné naissance à des dictateurs permanents et sanguinaires. Ne parlons pas des autres pays afro-asiatiques… L'Algérie ne fait pas exception à la règle. Après un mandat brutalement stoppé de Ben Bella, Houari Boumediène a pris le pouvoir en 1965 jusqu'à ce que mort s'ensuive. L'idée d'une limitation des mandats sera pourtant consacrée par Liamine Zeroual en 1996, mais vite enterrée à l'avènement de Bouteflika. Après quatre élections consécutives, ce dernier revient à deux mandats stricts, mais en faisant valoir l'idée que lui-même pourrait se présenter… De toutes les façons, ce ne sera pas là une disposition constitutionnelle immuable puisque l'histoire politique dans notre pays nous a appris douloureusement que chaque président de la République triture et arrange à son strict profit la Loi fondamentale. Si aux Etats-Unis les 27 amendements introduits depuis plus de deux siècles sont venus renforcer les droits des citoyens américains, les honteuses déviations des Constitutions algériennes visent essentiellement à dépouiller le peuple de ses droits fondamentaux et à renforcer le pouvoir et l'ordre établi. L'utilité de cette limitation est vitale non seulement dans la vie d'une nation pour permettre des alternances politiques au pouvoir, pacifiques et librement consenties, mais également pour assurer l'émergence des élites et des idées nouvelles. La politique des bi-mandats doit également être incrustée dans toutes les structures institutionnelles et à tous les étages de la vie économique, politique, sociale et associative afin d'endiguer la terrible tentation du pouvoir absolu. C'est la seule condition susceptible de permettre aux courants générationnels vivifiants d'affirmer leurs idées en leur temps, de battre en brèche les velléités traditionalistes éculées et de nourrir durablement des perspectives de modernité et de progrès.