Des journées commémoratives ont été organisées le week end dernier à l'occasion du 70e anniversaire du décès de Ali Laïmeche, le 6 août 1946 – il avait juste 21 ans – dans la commune de Tizi Rached, à 20 km à l'est de Tizi Ouzou. Le professeur Hend Sadi a animé une conférence, samedi, à la bibliothèque communale. Il a présenté des témoignages, des anecdotes, des écrits rapportés ou lus dans des ouvrages, tels ceux de Hocine Aït Ahmed, Sadek Hadjeres, Mohand-Saïd Maouziz, Idir Aït Amrane… évoquant le fin esprit de Ali Laïmeche dans ses études, ainsi que de son éveil, tout jeune, au militantisme nationaliste et berbériste. L'auteur de Mouloud Mammeri ou la Colline emblématique dira : «Il y a quelque chose de frappant dans le livre de Idir Aït Amrane (Ekker a-mmis u-mazigh, devenu hymne des chants berbères) préfacé par Mohand Saïd Aïche, dans lequel il disait que Ali Laïmeche était comme un phare autour duquel on gravitait.» Hend Sadi narre encore cette anecdote : Laïmeche était déjà, à 13 ans, un élève surdoué sur le plan scolaire puis un leader, comme il le fut au lycée. Tout le monde sait comment Laïmeche avait répondu à l'appel de Ouali Bennaï pour préparer l'insurrection (annulée ensuite) en mai 1945, comment il collectait déjà des armes en vue d'attaquer la caserne de Larbaâ Nath Irathen, puis arriva un contrordre (du PPA) invitant les lycéens à retourner à leurs classes. C'est ainsi qu'il passa son bac et il était le seul à l'avoir eu avec mention. Aussitôt, il décide que ce sera le maquis. «Tous les documents et les témoignages révèlent en lui une personnalité exceptionnelle. Et, à mon avis, son apport, c'était aussi dans la définition de la nation algérienne : qui sommes-nous, quelle est notre identité après l'évacuation du colonialisme français ? Là, il faut revenir en arrière et se demander dans quel contexte Ali Laïmeche a eu à réfléchir sur la question de l'identité algérienne», poursuit l'auteur du livre en berbère Mathématiques récréatives (Tusnakt s wurar). «Le mérite d'Ali Laïmeche, qui peut être associé à celui de Ouali Bennaï, a été de vouloir inscrire tamazight, non pas dans le cadre d'une culture reconnue dans un Etat sous l'égide de la France, mais dans le cadre d'un nationalisme radical et d'un mouvement de décolonisation. Ce n'est pas rien du tout quand on situe les choses dans le contexte national de l'époque», souligne Hend Sadi. Le conférencier estime que le militant «sur lequel Ouali Benaï comptait le plus pour faire émerger la question de tamazight – il comptait sur tous les militants, il est vrai – c'était Ali Laïmeche. Ce dernier, à 20 ans, n'a jamais été complexé, y compris par Messali Hadj, qui était presque un ‘demi-dieu' en Kabylie, et Ali Laïmeche n'acceptait pas cette confusion que Messali se faisait de sa personne et de la nation, alors que l'enfant de Icharaiwene réfléchissait sur le devenir de la patrie et n'a jamais eu froid aux yeux quant à la définition de l'identité berbère et de l'Etat nation». Ali Laimeche, poursuit le conférencier, «était un tribun qui savait expliquer les idées sur l'identité, le colonialisme, la nation algérienne, comment développer un discours idéologique chez les intellectuels. Et c'est ainsi qu'il a fini au scoutisme, au théâtre…». «Laïmeche Ali dont on sait qu'il a été le compositeur de l'hymne Nukni s-ilmezien n-Ldzaïr, tamurt negh ay nevgha atsid nerr (Nous, les jeunes Algériens, c'est notre patrie que nous voulons libérer), aurait composé d'autres chansons patriotiques interprétées par Farid Ali, dont on sait qu'il a été le premier à utiliser le mot ‘amazigh' à la radio kabyle. On dit aussi qu'Ali Laimeche a été le compositeur de la célèbre chanson de Slimane Azem Effegh ay ajrad tamurt iw, du moins son premier refrain, ce que confirme Kamel Hamadi», affirme encore l'universitaire.