Le retrait progressif de la police des stades est-il un projet mort-né ? La question est d'actualité après seulement deux journées de championnat de Ligue 1 émaillées d'incidents dans les tribunes qui font craindre le pire. Le 31 juillet dernier, le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major Abdelghani Hamel, a instruit les inspecteurs régionaux de police et les chefs des 48 sûretés de wilaya sur les nouvelles dispositions de sécurisation des rencontres de football, en prélude au retrait progressif de la police des enceintes sportives. Pour rappel, le patron de la Sûreté nationale avait évoqué ce sujet lors de son passage, en 2013, au Parlement. Il avait clairement signifié à l'endroit des organisateurs des compétitions de football (fédération, ligues, clubs) que les effectifs de police déployés à l'occasion de rencontres de football seront progressivement réduits et donc tous les partenaires devront s'impliquer davantage dans l'aspect sécuritaire lié à l'organisation de compétitions de football. Les parties visées par ce message n'ont pris aucune initiative. Elles ont continué à fonctionner sans tenir compte de la mise en garde du premier responsable de la DGSN. Au cours de la même année 2013, la DGSN a organisé une conférence sur la prévention et la sécurité dans les stades au profit de tous les partenaires du football. Deux clubs professionnels étrangers (Lyon-France et un club espagnol) avaient dépêché à Alger leurs responsables respectifs de la sécurité lors des matchs. Les hôtes étrangers de la DGSN se sont longuement exprimés sur leur expérience. Dans la salle, à El Hamiz, il y avait des représentants de la fédération, des ligues et des clubs professionnels. Le chapitre des stadiers et le rôle important que jouent ces derniers dans la réussite et l'organisation d'une rencontre de football a été longuement traité par les invités étrangers. La DGSN s'était engagée à former gratuitement les stadiers, à charge pour les clubs de former les premiers noyaux. Les recommandations de ce rendez-vous sont restées lettre morte, obligeant la DGSN à mettre en pratique, partiellement, l'engagement pris par le général-major Hamel devant les députés en 2013. Après seulement deux journées de championnat de Ligue 1, la corbeille des incidents est déjà pleine. Les stades Omar Hamadi, 1er Novembre et 5 Juillet ont été le théâtre de graves incidents. Les terribles images de bagarres entre supporters en tribunes, relayées par les télévisions ont heurté les citoyens. L'absence de policiers en tribunes a ouvert la voie aux multiples dépassements déplorés. Les responsables des clubs ont eu peur et ont demandé, à l'unisson, au général-major Hamel de revoir sa décision. De leur côté, la Fédération et la Ligue de football professionnel, par les voix autorisées de leurs présidents respectifs, ont signifié qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Même le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, s'est invité au débat et a déclaré, lors de sa visite à Blida, que la décision de la DGSN ne sera pas remise en cause et qu'il incombe à tous les acteurs du football et bien évidemment aux supporters d'adopter une conduite conforme aux principes qui guident le sport. Face à la force des images des incidents qui se sont produits en tribunes, devant la peur générée à la vue des scènes de violence, le DGSN a quelque peu lâché du lest et a décidé de confier à la police le contrôle de l'accès au stade, avec palpation, et ce, pour faire échouer «toute tentative de pénétration d'objets dangereux (fumigènes, etc.) qui font peser un risque pour la sécurité des foules». Au niveau des tribunes, la police se chargera du positionnement des stadiers, en étroite collaboration avec les présidents de club, le directeur du stade, le commissaire au match. Dans une note de la DGSN, il est précisé que «la police assure la sécurité au niveau des tribunes et alentours, des vestiaires destinés aux sportifs et au staff technique par des patrouilles d'agents pédestres en uniformes, ces équipes interviendront à la demande ou en cas de nécessité, les journalistes seront sécurisés au niveau des stades par la police…le DGSN a pris l'engagement de former des stadiers à titre gracieux, au niveau des écoles de police, et ce, à la demande des présidents de club». Ces mesures ne remettent nullement en question la décision initiale du retrait progressif de la police des stades. Celle-ci est fondée sur des mobiles et motivations puisées dans des considérations extra-football. Ce dernier nourrit des craintes par la force de son exposition et son poids dans la société et son quotidien. Il une tribune idéale pour toute sorte de contestation (politique, sociale, économique, culturelle, juvénile…) que l'autorité n'aime pas beaucoup. D'ailleurs, ces aspects sont mis en relief dans le préambule qui annonce et explique les motivations de cette décision qui met en avant que «l'évaluation de la situation sécuritaire à travers le territoire national fait ressortir la nécessité de maintenir une vigilance accrue et une mobilisation soutenue des moyens humains et matériels de la Sûreté nationale en vue de faire face aux intentions criminelles des groupes hostiles à la stabilité de notre pays. Les forces de police, auxquelles échoient essentiellement le devoir de la sécurité des personnes et des biens, et la préservation de l'ordre public, sont donc appelées une fois de plus à s'adapter en fonction de la nature des défis attendus et des échéances en perspectives dont principalement : la lutte contre la criminalité organisée et les réseaux terroristes à la lumière des tensions qui persistent aux frontières de notre pays, la rentrée sociale 2016-2017 qui s'annonce tumultueuse au regard des nouvelles dispositions préconisées par les pouvoirs publics relatives à la retraite anticipée et les contestations sociales persistantes liées à l'amélioration des conditions de vie des citoyens, la rentrée scolaire avec les défis qu'elle engendre, notamment en lien avec les revendications syndicales des enseignants, les échéances liées aux élections législatives 2017, la persistance de la situation prévalant à Ghardaïa engendrant la mobilisation de plusieurs forces de police en permanence (…) ces préoccupations exigent des mécanismes d'emploi plus dynamiques, ainsi les dispositifs statiques dédiés aux établissements publics, tels que les hôpitaux, les universités, les administrations (…) doivent être revues à la baisse. Dans ce contexte il s'avère impératif de ne plus assurer les tâches incombant aux partenaires et acteurs concernés engendrant le recours à des renforts au détriment du plan global du déploiement des forces». Le retrait progressif de la police des stades vise à réduire les effectifs des agents aux abords et à l'intérieur des enceintes pour confier les tâches et missions de servitude (accueil, orientation, contrôle des billets et des entrées) qui étaient remplies par la police aux organisateurs des compétitions. Depuis jeudi, la DGSN a quelque peu revu sa copie et a concédé de renforcer ses effectifs en tribunes, de prendre en charge le processus d'entrée au stade et demande en contrepartie l'implication sans détour de tous les organisateurs des compétitions. A noter que seuls les matchs de l'équipe nationale de football sont sécurisés.