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La baraka de Sidi Yahia
Station thermale de Tamokra (Béjaïa)
Publié dans El Watan le 05 - 09 - 2016

Des visiteurs continuent d'affluer vers Hammam Sidi Yahia, une station thermale située dans la commune de Tamokra, à 90 km au sud de Béjaïa. On y vient particulièrement pour les vertus thérapeutiques de ses eaux chaudes chargées de minéraux. Au bout des deux kilomètres qui relient le hammam du chemin de wilaya n°35, le parking du hammam, aménagé avec du tout-venant, s'offre aux yeux.
Il est 11h. A l'intérieur, une cinquantaine de véhicules immatriculés dans plusieurs wilayas du pays sont stationnés. «Garez-vous ici, puis installez-vous à la cafète qui se trouve après le second portail, qui est devant vous. C'est au tour des femmes de se baigner. Les hommes entreront à 12h, et ce, jusqu'à 14h», dit, accueillant, le gardien du parking, chargé de veiller sur les biens des visiteurs.
Sur une plaque de marbre blanc, devant le deuxième portail, est gravée la biographie du savant, le saint Cheikh Yahia Abou Zakaria Ahmed El Idli, celui qui a donné son nom au hammam et néanmoins, fondateur de la célèbre zaouïa de Tamokra en 1430. Décédé en 1476, il a été, précise la transcription, l'un des descendants de la fille du Prophète Mohamed, Fatima Zahra. Le bain thermal est, depuis sa découverte au XVIe siècle, devenu une destination prisée par des centaines de visiteurs à la recherche d'escapade, d'air pur, mais surtout d'un remède efficace contre les maladies rhumatologiques grâce aux bienfaits d'une eau minérale chaude qui s'échappe des entrailles de la terre.
Eté comme hiver, cette station thermale ne désemplit pas. Samir est un habitué des lieux. Transporteur de son état, il vient très régulièrement, dit-il, accompagnant des femmes depuis Aïn El Hammam, dans la wilaya de Tizi Ouzou.
Si quelques-uns des visiteurs, ayant connu le hammam dans le passé, y reviennent par nostalgie ou pour le loisir afin de profiter de la douceur de la brise de l'oued Boussellam, pour Samir, le déplacement relève d'une pratique religieuse doublée d'une tradition. «C'est comme un pèlerinage où l'on s'adonne à des rituels religieux. Ce n'est pas du chirk (association).
Le cheikh est vénéré pour sa sagesse. Et puis, il n'y a rien de plus ordinaire que de prier et de demander la guérison, par cette eau, dans un lieu saint», explique-t-il, convaincu. Par contre, Djamal, un Algérois originaire de Tazmalt, la soixantaine, respectant et laissant Samir à ses croyances dira : «Depuis que j'étais tout petit, mon père me ramenait avec mes frères pour nager dans cet oued pendant que notre mère et nos tantes se baignaient dans le hammam. Pour moi, cela relève de la nostalgie, ma présence ici réveille autant de souvenirs pour quelqu'un qui a vécu et travaillé toute sa vie dans la capitale.»
En attendant le tour des hommes, le gardien du parking fait découvrir le site. «Nous avons environ 24 chambres, un hammam et un petit bassin d'eau thermale pour les maladies de la peau, en bas près du lit de l'oued». Ventilant le visage avec sa pile de tickets de parking, en cette chaleur torride de midi, il ajoute fièrement que «le lieu reçoit la visite de 200 à 300 personnes par jour, et ce, en dehors des journées de grande affluence, où on enregistre plus de 400 visiteurs». La station thermale se présente en deux allées, qui séparent deux rangées de maisonnettes, dont quelques-unes ont été construites récemment. Celles-ci côtoient d'anciennes maisons kabyles érigées en pierre, revêtues en argile et coiffées de tuiles berbères rouges.
Avant de s'engouffrer dans les deux venelles, en contrebas, un gros rocher emmuré renferme le bassin d'eau minérale. Les maisonnettes, accrochées au pied du massif, sont séparées par une somptueuse élévation rocheuse dont le relief a été transformé et dessiné par l'oued Boussellam où des enfants barbotent dans l'eau sous l'œil vigilant de leurs mamans. Certaines familles viennent de loin pour un séjour d'une semaine.
En longeant les maisonnettes, des senteurs culinaires s'y dégagent, des femmes, accroupies devant leur porte, préparent le déjeuner sur le feu de camping. D'autres sèchent leur linge sur la clôture grillagée des lieux. Dans la cafete, les discussions des hommes tournent autour de la beauté du site et de son histoire. Les habitués s'improvisent alors guides touristiques, racontant des anecdotes parfois invraisemblables sur le cheikh. Dans cette cafete, on vend de tout : des boissons, des fruits, des gâteaux et même des shorts pour la baignade.
Vœu et besoin d'aménagements
La région de Tamokra, dans la daïra de Seddouk, est connue pour sa production d'huile d'olive. Zone montagneuse aride, il n'y a que les oliviers et les figues de Barbarie qui puissent résister à ce climat chaud et relativement sec. Mais ce territoire recèle également un potentiel touristique non négligeable. Au nord, le barrage hydraulique de Tichy-Haf, à Bouhamza, offre des opportunités dans l'investissement touristique en matière de loisirs, de la pêche continentale et des sports nautiques. A ce titre, les pouvoirs publics gagneront également à développer le tourisme thermal ou le tourisme de santé s'ils s'attellent à aménager le site du hammam en lui donnant une touche de modernité, que ce soit sur le plan des infrastructures ou celui de sa gestion.
Pour l'heure, dit Djaffar, l'un des responsables de la zaouïa de Cheikh Yahia Ahmed El Idli, rencontré à l'école coranique, «c'est la zaouïa qui prend en charge la gestion du hammam. Nous l'entretenons grâce aux dons des bienfaiteurs, en plus des rentes qui parviennent du parking, de la cafete, de la boutique, implantés sur place, et de la location des maisonnettes pour les familles qui désirent y passer la nuit». Il regrette le fait que «la zaouïa n'ait reçu aucun accord favorable quant à la demande de financement envoyée aux autorités locales».
Levant les deux mains vers le ciel, il récite une prière, demandant à son Dieu «de bénir les hommes de foi qui ont pris en charge, précise-t-il, l'aménagement de la route qui mène au hammam, l'électricité et la construction de chambres supplémentaires pour les invités». Un autre membre de la zaouïa se rappelle qu'en 2011 «l'ancien ministre du Tourisme, Smaïl Mimoune, avait promis d'allouer une enveloppe budgétaire afin de réhabiliter le site». « Mais à ce jour, nous n'avons rien vu venir», affirme-t-il.
Le vœu très cher des habitants de Tamokra est de voir leur hammam hissé au statut de station thermale, au sens technique et touristique du terme. Djaffar dit avoir nourri, avec les autres responsables de la zaouïa, l'espoir de voir un jour se concrétiser l'extension du bassin du hammam et la réalisation d'infrastructures d'accueil plus décentes.


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