Le procureur de Paris, François Molins, a alerté l'opinion publique sur les risques élevés d'attentats. En septembre 2015, c'était l'ancien juge antiterroriste Marc Trédivic qui montrait son inquiétude, à juste titre, puisque deux mois après, les attentats parisiens sur les boulevards et la salle Le Bataclan démontraient la fiabilité de son analyse basée sur les enquêtes menées sur des suspects et leur entourage. Cette fois-ci, c'est le procureur, vers lequel remontent les informations des enquêteurs et des services de renseignements qui met en garde contre la menace du retour des combattants djihadistes français, alors que l'Etat islamique en Syrie et en Irak est affaibli par les coups portés par l'alliance occidentale, dont fait partie la France. Pour François Molins, qui a répondu aux questions du journal Le Monde, «quand les organisations terroristes sont en difficulté sur zone, elles recherchent l'occasion de commettre des attaques à l'extérieur.» D'autant que selon lui la menace sera d'autant plus forte au cas où on serait «à un moment ou à un autre confronté au retour d'un grand nombre de combattants français et de leurs familles». Si ce retour est craint, c'est aussi qu'un lien pourrait se faire entre ces personnes entraînées au combat avec ceux qui, en France, sont prêts à agir. Ils sont plusieurs milliers à être fichés S comme Sécurité. Une difficulté supplémentaire, car si plusieurs fichés S ont été mêlés aux attaques de Merah en 2012, Charlie Hebdo en janvier 2015, puis à Paris en novembre 2015, d'autres terroristes passés à l'action, depuis, étaient parfaitement inconnus des services de renseignements. Malgré tout, «une application informatique a été créée en 2015 par le ministre de l'Intérieur, le Fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), qui compterait 13 000 noms, écrivait le journal Le Monde en juin dernier. Mais, soulignait le journal parisien, «il n'est accessible qu'aux services dépendant du ministère de l'Intérieur – et donc pas à la DGSE, par exemple – et ne recense pas les personnes représentant une menace hors du territoire national. Le rapporteur suggère donc de transformer le FSPRT en une base de données exhaustive du risque terroriste alimentée et consultable par l'ensemble des services». En attendant, cette difficulté de recenser les personnes susceptibles de passer à l'acte terroriste n'empêche pas les enchères politiques de monter, à huit mois des élections (présidentielle et législatives). Certains candidats à la candidature présidentielle, dans le camp de droite et d'extrême-droite, voudraient ouvrir des camps d'internement. Ce que le procureur de Paris réfute : «C'est le socle de l'Etat de droit. On ne peut pas détenir quelqu'un avant qu'il ait commis une infraction.» Un gros bataillon de djihadistes venus de france L'inquiétude sur une menace nouvelle est renforcée par les chiffres. Cet été après l'attentat au camion à Nice, puis l'assassinat du prêtre Jacques Hamel dans son église en Normandie, le gouvernement français avait fait état de 2147 Français ou étrangers résidant en France «connus pour leur implication dans les filières syro-irakiennes». Ils étaient 800 à l'été 2014, 1500 au printemps 2015 et 1800 à l'automne dernier. Dans le détail, cela donnait 680 adultes dans des zones de djihad (dont un tiers de femmes) ; 179 personnes en transit dans un pays tiers pour rejoindre la zone ou en revenir, et 203 personnes qui ont séjourné en Syrie ou en Irak et sont revenues en France. Sans expliquer comment ces chiffres sont obtenus et la fiabilité qu'on peut leur apporter, l'Etat français dénombre la mort de 187 Français (ou étrangers résidant en France) au cours de combats. Ils étaient 140 à l'automne 2014 et 100 au printemps 2015. Dans l'émotion estivale suite aux attentats, une autre donnée n'était pas pour rassurer : parmi les djihadistes étrangers, la France fournit le plus gros bataillon, sachant qu'on estimait à quelque 20 000 combattants le contingent d'étrangers dans cette zone. Un chiffre dont on ignore s'il doit être revu à la baisse après les pertes de l'organisation Etat islamique ces derniers mois. Enfin, bien évidemment, les dossiers judiciaires en France augmentent ces dernières années. Les services antiterroristes sont saisis de 315 dossiers judiciaires (dont plus de 175 enquêtes préliminaires et plus de 125 informations judiciaires). Il n'y avait que dix procédures ouvertes en 2012, 136 en 2015 et 120 sur la seule première moitié de 2016. Autre chiffre peu rassurant, plus de 530 autres individus sont visés par les enquêtes en cours et recherchés. Cinquante-huit personnes ont été condamnées et 61 sont en attente de jugement. Dans ce contexte, la rentrée scolaire a été méticuleusement placée sous le signe de la sécurité et la surveillance avec des centaines de millions d'euros investis dans les écoles, collèges, lycées et universités. Avec un seul mot d'ordre : rassurer autant que possible.